Actualité de Sade, le titre de cette livraison de Quarto interprète aussi le moment présent en constatant que le fantasme de Sade en révèle la vérité. Rappelons-en la maxime célèbre énoncée par Lacan : « J'ai le droit de jouir de ton corps, peut me dire quiconque, et ce droit, je l'exercerai, sans qu'aucune limite m'arrête dans le caprice des exactions que j'ai le goût d'y assouvir. » N'est-ce pas ce quiconque dont la volonté de jouissance fait l'actualité ? - quiconque qui se multiplie du reste à l'envi, en politique ou ailleurs, et dans chacun des deux sexes...
Le nouveau ne réside pas tant dans les propos de Monsieur Quiconque quand il est au pouvoir en Amérique ou ailleurs, ni même dans l'enthousiasme qu'il suscite, mais dans le fait glaçant qu'aucun discours ne l'arrête. La jouissance domine donc sans partage de même que l'objet qui la cause, et dessine pour notre plus grande angoisse un horizon de guerre et de mort. Notre temps semble ainsi répéter les années trente du siècle précédent, ce qui ne doit pas nous surprendre puisque l'histoire, comme le remarquait Lacan, tourne en rond. Mais, rajoutait-il, il y a de temps en temps un trou dans l'éternel recommencement, ce qui permet d'inventer du nouveau .
Lacan y voyait une bonne raison de ne pas être pessimiste puisque l'on ne voit pas pourquoi l'homme, ce bon à rien qui rate tout ce qu'il veut, réussirait plus à se détruire qu'autre chose. Il en arrivait d'ailleurs à évoquer le futur en ces termes : « Je l'ai annoncé : le réel prendra l'avantage, comme toujours. Et nous serons, comme toujours, foutus. » Les jeux sont faits et à la fois ne le sont pas : l'avenir s'imagine sans peine au contraire du réel sans loi qui ne peut qu'échapper à nos calculs. De plus, l'homme calcule toujours mal quand il s'agit de sa satisfaction. L'ironie de Lacan n'est pas moqueuse, mais là encore lucide, et partant, apaisante de contrer l'angoisse.
Ce numéro inaugure une nouvelle formule pour LCD, désormais tout entière centrée autour d'un thème unique. Pour le numéro 116, le thème choisi est le passage à l'acte. Chacune des rubriques s'emploie à travailler le concept : le dossier central, la rubrique clinique, l'entretien. Une nouvelle rubrique ('États de la psychanalyse') fait même résonner le passage à l'acte avec l'histoire de la psychanalyse et sa difficile implantation aux États-Unis. Deux textes de Jacques-Alain Miller (l'un -'Acte ou inconscient'- était resté relativement confidentiel jusqu'à aujourd'hui où il paraît dans une version remaniée) orientent le numéro. Les auteurs de ce numéro ont abordé le passage à l'acte sous des angles très variés : il est ici question du
passage à l'acte meurtrier et de criminologie, mais aussi de la question du passage à l'acte à l'adolescence ou en institution de santé mentale. Un article retrace l'histoire du concept passé de la psychiatrie à la psychanalyse.
Ce numéro est donc en prise avec l'actualité à deux égards : il se fait l'écho de notre monde contemporain traversé par le passage à l'acte d'une part, et, de l'autre, l'écho de la récente publication au Seuil du séminaire XV de Lacan consacré à L'Acte analytique.