« On a fort bien relevé les anticipations de "l'esthétique littéraire postmoderne" qui ont lieu chez les grands modernistes de la première moitié du XXe siècle [.] jusqu'à leurs prédécesseurs du XIXe - Alfred Jarry, Gustave Flaubert, Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé, et E. T. A. Hoffmann. » : en évoquant les fondements du postmodernisme en littérature, l'écrivain John Barth établit une généalogie qui ramène naturellement vers E. T. A. Hoffmann, figure fondamentale de la littérature allemande, célèbre pour ses nouvelles fantastiques. Un tel hommage suggère que, en dépit de son inscription précoce dans le canon littéraire et de la récurrence de ses oeuvres dans les programmes scolaires et universitaires, Hoffmann est resté une source d'inspiration pour la fine pointe de la création de ces cinquante dernières années : l'auteur a été l'objet d'un véritable revival depuis un demi-siècle, qui en fait une figure intertextuelle particulièrement féconde. La réception contemporaine frappe en effet par son étendue :
Non seulement on la retrouve dans les grandes tendances de la prose de la fin du XXe et du début de XXIe, du postmodernisme au réalisme magique, mais elle transcende aussi les frontières entre littérature sérieuse et paralittératures (Hoffmann renaît dans la science-fiction et jusque dans les mangas), entre les supports artistiques (précocement transposés à l'opéra, les contes et la vie d'Hoffmann ont également suscité l'intérêt des réalisateurs de films et d'animation), entre les courants critiques (Andrew Piper fait de Hoffmann un auteur fondamental pour comprendre la théorie récente des media studies, tandis que les critiques féministes considèrent l'automate dans le salon comme une figure aussi importante que la folle dans le grenier). Hoffmann apparaît ainsi, non comme un ancêtre glorieux figé dans la culture canonique, mais comme une figure proche et qui continue de nourrir la création contemporaine : or, cette influence a suscité des études disséminées, mais pas de vue d'ensemble. Il s'agit dans ce numéro d'Otrante à la fois de dresser un panorama de ces réappropriations intertextuelles et intermédiatiques et d'interroger la diversité des supports et des espaces de cette réception plurielle, pour savoir ce qu'elle nous dit de l'oeuvre d'Hoffmann et pour mieux comprendre en quoi il peut encore être notre contemporain.
Victoire Feuillebois (Université de Tours) : Introduction Réfractions hoffmanniennes dans la littérature des XXe et XXIe siècles Lambert Barthélémy (Université de Poitiers) : « Hoffmann amanite » Victoire Feuillebois (Université de Tours) : « Variations autour du Marchand de sable dans la littérature contemporaine » Laurent Tamanini (Université de Poitiers) : « "Ce n'est pas vrai, enfin, pas tout à fait" :
Poétique de la fantasmagorie et métafiction chez E.T.A. Hoffmann et Robert Coover » 7 L'héritage d'Hoffmann dans la musique et les arts de la scène Stéphane Lelièvre (Université Paris IV) : « La figure hoffmannienne dans les adaptations contemporaines des Contes d'Hoffmann » Werner Keil (Universität Paderborn) : « Musique et théosophie : Hoffmann et Cyril Scott » François Couder (Paris IV) : « Appropriations d'Hoffmann par le black metal » Timothée Picard (Université de Rennes II) : « Hoffmann entre musique et cinéma » Du texte à l'image, de la page à l'écran Jessy Neau (Western University, Canada) : « Traces du cinéma expressionniste allemand dans L'Homme au sable » Pamela Ellayah (Middlebury College) : « L'univers d'E.T.A Hoffmann et le monde de l'enfance dans Fanny et Alexandre (1982) d'Ingmar Bergman » Patricia Viallet (Université Jean Monnet, Saint-Étienne) : « De la page à la planche :
L'exemple de l'adaptation graphique du Petit Zachée / Klein Zaches par Steffen Faust comme miroir de la modernité d'E. T. A. Hoffmann » Simon Laperrière (Université de Montréal) : « "Mr Hoffmann, bring me a dream" :
L'influence d'E.T.A Hoffmann sur la série The Sandman de Neil Gaiman »