Ce dossier entend étudier l'économie russe/soviétique par le prisme des pratiques semi légales de ses acteurs, c'est-à-dire en partant d'une interrogation sur la manière dont les Russes/Soviétiques entreprenaient certaines actions économiques dans le contexte contraint de pénurie et en dehors les directives de la planification. À travers des études de cas se situant dans différents contextes historiques - sous le stalinisme, les années 1960 et les années 1970-1980 -, les auteurs suivent au plus près, comment des directeurs d'entrepôt, des associations caritatives ou des clubs d'amateurs s'approprient biens et marchandises pour les utiliser d'une manière détournée de leur usage premier.
Ce questionnement d'histoire matérielle, sur les parcours des objets et des mar- chandises se double d'une réflexion sur l'intention des acteurs sociaux et écono- miques. Les articles reconstituent leur perception sur la manière dont l'économie fonctionne réellement, en marge des circuits officiels. Faisant preuve de créativité, ces entrepreneurs se positionnent dans un système d'échanges hors les règles, mais répondant pourtant à un certain nombre de prescriptions morales. Le passage par une étude de cas, ou par l'épreuve de la micro-histoire, permet de faire émerger d'autres formes de rationalité économique et d'autres circuits d'échanges qui ont tout autant structuré l'histoire économique de cet espace que les régulations légales, réglementaires. Ces études demandent à être systématisées sur le long terme de l'histoire soviétique, voire de l'histoire russe.