La zoopoétique est une approche littéraire des textes fondée sur un dialogue renouvelé avec les sciences humaines et les sciences du vivant. Elle met en valeur la pluralité des moyens stylistiques, linguistiques et narratifs qui permettent aux écrivains de restituer la diversité des affects et des mondes animaux, et la richesse des interactions entre bêtes et hommes.
Ce numéro, dédié à la littérature de langue française des XXe-XXIe siècles, s'adresse aux lecteurs intéressés par la question animale et aux chercheurs se consacrant aux humanités environnementales et à l'éthique.
Québec, 12 novembre 1691, Nicolas Daucy dit St-Michel, lieutenant d´une compagnie de la Marine, est banni à vie de la Nouvelle-France pour son crime de sodomie. Paris, 25 mai 1726, Benjamin Deschauffours, célèbre tenancier d´une maison de débauche pour «homosexuels», est quant à lui brûlé vif sur la place publique pour avoir commis ce même crime «détestable», tellement monstrueux que les pères de l´Église «ne luy ont point voulu donner de nom». Montréal, 1er avril 2004, Michael Hendricks et René Leboeuf proclament le solennel «oui, je le veux» et deviennent le premier couple du même sexe à unir officiellement leur destinée au Québec, trois ans jour pour jour après la célébration aux Pays-Bas du premier mariage civil entre conjoints du même sexe. Du bûcher à la mairie! Cette histoire de la répression juridique de l´homosexualité montre qu´un acte autrefois jugé abominable peut, des années plus tard, se voir protégé par la société de droit. De la construction sociale de ce crime à sa spectaculaire disparition, Patrice Corriveau explique le phénomène en examinant le rôle joué par la famille, le clergé, la médecine et la société civile dans la définition et la gestion du personnage homosexuel. L´auteur met à l´avant-scène les discours institutionnels qui ont soutenu la prise en charge et le contrôle social de l´individu aux comportements homoérotiques en France et au Québec. Parallèlement à cette normalisation des mariages homosexuels en Occident, on assiste à un déplacement de la haine jadis portée à l´encontre de l´homosexuel vers le pédophile et le père incestueux. Est-ce là la logique qui sous-tend l´évolution du système pénal en matière de gestion de la sexualité humaine?Patrice Corriveau est professeur au Département de criminologie de l´Université d´Ottawa. Il détient un doctorat en sociologie des Universités Picardie Jules Verne (France) et Laval (Québec). Avant de se joindre à l´Université d´Ottawa, il occupait le poste d´analyste principal des politiques pénales du ministère de la Justice du Canada. Il a aussi collaboré avec Michel Dorais à la publication de Jeunes filles sous influence: prostitution juvénile et gangs de rue (VLB, 2006).
LAURÉAT DU PRIX LITTÉRAIRE DU GOUVERNEUR GÉNÉRAL 2004, ÉTUDES ET ESSAIS« Voici un livre brillant, incisif et inspiré, qui remet en cause aussi bien les courants de pensée prédominants en matière de rapport Blancs/Autochtones que les politiques et les programmes gouvernementaux destinés à redresser un déséquilibre social des plus gênants. Sont aussi remis en question, du même coup, la démarche de l´anthropologie, l´esprit des chartes et de la jurisprudence, les perceptions diffusées dans l´ensemble de la population et, enfin, certaines attitudes et pratiques ayant cours chez les Autochtones eux-mêmes.»Pour les initiés de l'histoire du Canada, le mot « réduction » rappelle les petites missions créées par les missionnaires jésuites, ancêtres des réserves indiennes actuelles. Pour l´auteur, le concept de réduction évoque plus largement la clôture organisée de l´univers des premiers Américains, comme lieu à la fois physique et imaginaire, géographiquement, politiquement, économiquement, juridiquement, mentalement. On trouvera ici une vingtaine de textes publiés depuis le début des années 1970 jusqu'à hier. Au gré des événements qui ont marqué le monde amérindien ces dernières années, au Nord du Québec surtout, ces essais s´attardent d´une manière ou d´une autre sur la condition contemporaine de la « classe » autochtone. « être Indien ou Inuit dans le monde d´aujourd´hui, » affirme l'auteur dans un style critique, vigoureux et sans ménagement, « n´est qu´une manière particulière parmi d´autres d´appartenir à la société moderne ». Sorte d'adieu à l´« Autochtone inventé », ce livre crucial, assis sur une complicité durable, à la fois pratique et réfléchie, avec certains « Amérindiens d'aujourd'hui », nourrit d'illustrations concrètes une espérance réalisable : celle de sortir ensemble, Autochtones et Autres, du régime historique de « la Réduction ».
À partir de ses publications étalées sur trente ans, Jean-Jacques Simard s´attache à découvrir sous divers angles comment, au xxe siècle, surtout dans sa seconde moitié, les tendances lourdes du développement économique et étatique à l´échelle continentale, sinon mondiale, ont bouleversé les relations établies entre les grands acteurs collectifs de l´histoire canadienne au point de les amener à devoir se redéfinir par rapport à deux nouveaux espaces globaux de référence : le Québec au lieu de l´ancienne « ethnie-cité » canadienne-française, et le Canada (de langue commune anglaise), à la place d´une colonie britannique d´Amérique du Nord.L´ouvrage aborde en cinq parties les dimensions proprement québécoises de cette mutation : o « l´évolution tranquille » qui, depuis 1920 surtout, a façonné le Québec actuel ;o certaines « fidélités » durables, originales et nationales, qu´il fallait forcément assumer ; o la soudaine « conversion » des années 1960-1980 à la modernité technobureaucratique et ses effets sur les rapports identitaires, à la fois entre les classes sociales et les groupements ethnolinguistiques ; o quelques « chantiers » où on a essayé de refondre la culture économique dans la démocratie politique au nom des «utopies» de la raison-participation ; o les façons dont le Québec essaye encore de se retrouver « faux lendemains de la veille » de tant de chambardements.Ce livre propose une synthèse cohérente des transformations sociohistoriques qui ont entraîné l´éclosion au monde contemporain de la société québécoise.