Ce dossier regroupe des articles d'auteurs ayant mené des travaux de sociolinguistique à partir de différents terrains, illustrant pour tous ici des parlers ordinaires de locuteurs ordinaires. Les divers terrains et les données qui en ont été tirées permettent aux auteurs de se demander comment, compte tenu de leurs observations, ils ont été amenés à formuler des questions théoriques.La plupart des exemples de terrains illustrés dans ce numéro portent sur le français (en France et en Belgique), et la plupart aussi concernent les parlers jeunes. Tous les auteurs cherchent à montrer l'importance qu'il y a, pour une démarche sociolinguistique, à tenir les deux bouts de la chaîne: présence exigeante sur un terrain, et prise en compte de préoccupations théoriques et épistémologiques. Entre l'établissement des données et la théorisation, entre terrain et théorie, le cheminement n'est pas à sens unique, mais tient plutôt du va-et-vient, ou de l'aller-retour.
Engagés dans une course à la modernité visant à restructurer et à requalifier le paysage urbain de Marseille, les pouvoirs publics locaux et nationaux, aidés en cela par des entreprises et des financements privés, ont impulsé depuis plusieurs décennies une série d'actions urbanistiques et architecturales qui tendent à évincer les anciens occupants du centre-ville au profit de nouvelles populations plus nanties. C'est ce processus de recomposition sociodémographique - connu sous le terme de "gentrification" - que ce dossier de Langage & Société a choisi pour fil directeur.
Les études réunies décrivent sous l'angle sociolinguistique et discursif quelques-unes des dynamiques identitaires induites par ces transformations ainsi que certaines formes de ségrégation et de résistances au processus de gentrification dont les pratiques langagières sont porteuses. Ce dossier pourra intéresser les chercheurs en sciences du langage, mais aussi, plus largement, tous ceux qui cherchent à comprendre une ville en pleine mutation.
Comment est-il possible de réparer une représentation négative de sa personne dès lors qu'elle a été mise en circulation ? De quels moyens discursifs et argumentatifs le locuteur dispose-t-il dans une situation de discours et un contexte socio-historique donnés, pour redorer son blason et offrir à l'auditoire un ethos crédible ? La question se pose tout particulièrement au cours des campagnes électorales, où les candidats se trouvent sous les feux de la rampe et sont pris à parti par leurs concurrents.
Ce dossier propose d'éclairer le fonctionnement discursif et argumentatif de la réparation d'image en croisant les méthodes issues des sciences du langage avec celle des sciences de la communication, de la sociologie ou de la science politique. Il fait place à différentes approches du discours, de la théorie communicationnelle de restauration d'image (Benoit) à l'analyse du discours quantitative (Mayaffre), tout en insistant sur l'intérêt d'une analyse socio-discursive ancrée dans les sciences du langage et nourrie d'argumentation rhétorique.
Divers pays et cultures permettront de dégager des constantes aussi bien que des différences de culture politique (ou de culture tout court) dans la gestion de la réparation d'image, tout en se limitant à des exemples de pays démocratiques (en l'occurrence, la France, les États-Unis, l'Italie, Israël).
Par tradition, la sociolinguistique s'est désintéressée de la communication animale, laissant le soin de son étude à l'éthologie ou aux sciences du comportement. Le présent dossier a l'ambition de montrer qu'il est possible, pour la linguistique interactionnelle, d'appréhender rigoureusement les phénomènes communicatifs à l'oeuvre dans des interactions impliquant des animaux. L'ensemble des contributions entend aussi mener une réflexion sur la manière dont les outils analytiques et méthodologiques de la sociolinguistique et de la linguistique interactionnelle peuvent se voir retravaillés par cet objet singulier: les notions de participation, d'analyse séquentielle et de « tour de parole », centrales en analyse conversationnelle, seront ré-examinées. En s'intéressant à des interactions impliquant chiens, perroquets, chevaux, vaches, macaques, ou babouins, les contributions à ce dossier analysent la manière dont les animaux initient des actions communicatives ou répondent à des tours de parole humains (Mondémé), mais aussi la manière dont leurs contributions sont traitées comme des tours de parole pertinents (Harjunpää), ou ressaisies comme des actions intentionnelles (Camus), par des participants humains. Une réflexion méthodologique de fond interroge les défis de la prise en compte des actions animales dans le cadre de l'analyse séquentielle (Mondada). Enfin, le dossier se clôt par une traduction inédite d'un texte des sociologues des sciences Eileen Crist et Michael Lynch, qui, il a trente ans déjà, à l'occasion d'une conférence de l'American Sociological Association, s'interrogeaient sur la possibilité d'analyser l'interaction interespèce avec les outils de l'analyse séquentielle.
La race est actuellement une catégorie aussi cruciale que discutée en sciences humaines et sociales, tant en France que dans le monde anglophone. Ce dossier a donc pour objectif d'intégrer la notion comme paramètre du travail de recherche dans les linguistiques sociales françaises. L'approche choisie est épistémologique et théorique et vise à explorer la race comme réalité sociolangagière et discursive aussi bien en sociolinguistique qu'en analyse du discours.
Pour ce faire, nous proposons de considérer la race comme un signe, motivant une « sémiotique raciale » et justifiant la conaturalisation du langage, du corps et de la race, mais également sa déconstruction à partir de l'exemple de la blackness (Telep). La race est également inscrite en langue et en discours sous des formes implicites qui puisent dans les stéréotypes comme par exemple dans certains noms décrivant les couleurs de la chair (Paveau). Elle peut aussi se retrouver renforcée et essentialisée comme le montrent certains discours de revitalisation linguistique (Boitel).
Ce numéro offre un point de synthèse sur l'héritage et la réappropriation par les générations de jeunes chercheurs de ce que nous nommons « analyse du discours à la française ». Comment la transmission de concepts élaborés dans des conditions sociohistoriques, philosophiques et épistémologiques bien précises est-elle réinvestie dans leurs travaux ? Quels sont les outils hérités de cette histoire dont dispose l'analyse du discours aujourd'hui ? Ces questions certes posées crument obligent à repenser les études du langage dans le rapport à visée pédagogique et sociétal qu'elles pourraient avoir. Épistémologie d'un côté, outils de l'autre : c'est cette double articulation qui fédère le numéro et ses contributions.
Une des questions centrales étudiée ici est celle du rapport entre production langagière et construction des connaissances (dans quelle mesure y a-t-il co-construction, ou au moins construction simultanée, des savoirs et des capacités discursives associées ?) ainsi que des fonctions de l'écrit dans la constitution des savoirs (quel rôle joue l'écrit, par opposition à l'oral, dans la stabilisation des connaissances et des savoir-faire ?) en référence - entre autres - aux travaux de Jack Goody.
Cet ouvrage s'attache à décrire le travail discursif d'accompagnement de personnes, dont la vie professionnelle a été marquée par des mobilités, au sein de contextes institutionnels variés.
Dans ce dossier, deux dimensions d'analyse sont abordées. En s'appuyant sur de solides enquêtes empiriques, l'ouvrage s'intéresse d'une part à la manière d'établir un diagnostic ou un conseil, et d'autre part aux interactions et échanges avec le destinataire.
Ce travail d'accompagnement ne modifie pas la situation - il ne crée pas d'emploi - en revanche, il permet de modifier la capacité des personnes concernées à accroître leur autonomie, à mieux comprendre leur situation et à devenir acteur de leur propre insertion.
Le volume anniversaire des trente ans de la revue est pluridisciplinaire et international. La première partie De la portée du et dans Langage et Société comprend les contributions de trois psycholinguistes (A. Tabouret-Keller, F. François et J.-P. Bronckart) et de deux sociologues (C. Dubar et F. Leimdorfer) : ils discutent la question toujours ouverte des modes de relations, de dépendance, d'intrication entre le social et le langagier, comme les liens entre individuation et socialisation. Dans la seconde partie Données de langage : enjeux théoriques, les contributeurs partagent un questionnement théorique commun concernant les données du chercheur, qui conduit certains vers des méthodologies informatisées (traitement automatisé des données interactionnelles pour L. Mondada, des grands corpus de langue parlée pour C. Blanche-Benveniste), tandis que d'autres, comme Didier Demazière, défendent une approche herméneutique de la parole des interviewés. La troisième partie Problématiques du discours, accueille des auteurs venant des principales disciplines qui, en France, ont participé à la construction de l'analyse de discours : histoire (J. Guilhaumou), linguistique (S. Branca-Rosoff, P. Fiala), mathématiques (M. Reinert), sociologie (G. Varro). La quatrième partie Description des pratiques : enjeux sociaux et politiques aborde des questions classiques en sociolinguistique - plurilinguismes (C. Juillard), migrations internationales (C. Deprez), politiques linguistiques (L.-J. Calvet), dispositifs de scolarisation (E. Codo et L. Nussbaum), analyses situées socialement (M. Pires), rôle et usages de la discipline (J. Boutet et M. Heller) -, avec un souci constant de partir de données attestées mais sans réifier les opérations de description, et en ayant toujours à l'esprit la question de la pertinence sociale des analyses du chercheur.