Amsterdam
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lorsqu'il fut publié pour la première fois aux etats-unis en 1990, epistémologie du placard devint immédiatement un classique qui, aux côtés des travaux de judith butler et de teresa de lauretis, posa les termes de la " théorie queer ".
à mi-chemin entre les études féministes et les gay and lesbian studies, eve kosofsky sedgwick déconstruit la sexualité comme butler le genre. dans cet ouvrage de référence, elle affirme que l'ensemble de la culture occidentale moderne s'articule autour de l'opposition homo/hétérosexuel et que celle-ci affecte les binarismes qui structurent l'épistémologie contemporaine, de savoir/ignorance à privé/public en passant par santé/maladie.
s'appuyant sur de nombreux textes datant de la fin du xixe et du début du xxe siècles (wilde, proust, nietzsche, melville et james), l'auteur traque l'émergence des nouveaux discours institutionnels médicaux, juridiques, littéraires et psychologiques, qui produiront en miroir les figures de " l'homosexuel " et de " l'hétérosexuel ", au détriment des multiples différences au coeur des sexualités.
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Ces corps qui comptent ; de la matérialité et des limites discursives du "sexe"
Judith Butler
- Amsterdam
- 5 Mars 2009
- 9782354800413
Judith butler opère dans ces corps qui comptent une reformulation de ses vues sur le genre en répondant aux interprètes de son précédent livre, qui y voyaient l'expression d'un volontarisme (on pourrait "performer" son genre comme on joue un rôle au théâtre, on pourrait en changer comme de chemise) et d'un idéalisme (le genre ne serait qu'une pure construction culturelle ou discursive, il n'y aurait pas de réalité ou de substrat corporel derrière le genre).
Selon l'auteure, la prise en compte de la matérialité des corps n'implique pas la saisie effective d'une réalité pure, naturelle, derrière le genre: le sexe est un présupposé nécessaire du genre, mais nous n'avons et n'aurons jamais accès au réel du sexe que médiatement, à travers nos schèmes culturels. autrement dit, le sexe, comme le genre, constitue une catégorie normative, une norme culturelle, donc historique, régissant la matérialisation du corps.
Il importe dans cette perspective de souligner que le concept de matière a une histoire, et qu'en cette histoire sont sédimentés des discours sur la différence sexuelle. or, si certains corps (par exemple les corps blancs, mâles et hétérosexuels) sont valorisés par cette norme, d'autres (par exemple les corps lesbiens ou noirs) sont produits comme abjects, rejetés dans un dehors invivable parce qu'ils ne se conforment pas aux normes.
A travers une reprise critique du concept foucaldien de "contrainte productive", judith butler va, loin de tout volontarisme, s'efforcer de ressaisir la façon dont les corps, informés par des normes culturelles, peuvent défaire ces normes et devenir le lieu d'une puissance d'agir transformatrice. cette réflexion sur la matérialité des corps et les limites discursives du sexe est donc indissociablement épistémologique et politique.
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"Faire" son genre implique parfois de défaire les normes dominantes de l'existence sociale.
La politique de la subversion qu'esquisse Judith Butler ouvre moins la perspective d'une abolition du genre que celle d'un monde dans lequel le genre serait "défait", dans lequel les normes du genre joueraient autrement, tout autrement. Que le genre puisse être défait présuppose en effet qu'il est un " faire" susceptible de transformations et non une structure figée et immuable. Ce livre, retour critique sur les analyses développées par l'auteure dans Trouble dans le genre, s'inscrit dans une démarche indissociablement théorique et pratique : il s'agit, en s'appuyant sur les théories féministe et queer, de faire la genèse de la production du genre et de travailler à défaire l'emprise des formes de normalisation qui rendent certaines vies invivables, ou difficilement vivables, en les excluant du domaine du possible et du pensable.
Par cette critique des normes qui gouvernent le genre, avec plus ou moins de succès, il s'agit ici dégager les conditions de la perpétuation ou de la production de formes de vie plus vivables, plus désirables et moins soumises à la violence. Judith Butler s'attache notamment dans les présents essais à mettre en évidence les contradictions auxquelles sont confrontés ceux et celles qui s'efforcent de penser et transformer le genre.
Défaire le genre manifeste en particulier le souci de la façon dont les luttes pour la reconnaissance et l'égalité sont susceptibles, pour ainsi dire malgré elles, de contribuer à l'invisibilisation et à l'exclusion de certain-e-s. Sans prétendre toujours dépasser ces contradictions, ce livre semble en définitive suggérer la possibilité de leur traitement politique : "La tâche de tous ces mouvements me paraît être de distinguer entre les normes et les conventions qui permettent aux gens de respirer, désirer, aimer et vivre, et les normes et les conventions qui restreignent ou minent les conditions de la vie elle-même.
La critique des normes de genre doit se situer dans le contexte des vies telles qu'elles sont vécues et doit être guidée par la question de savoir ce qui permet de maximiser les chances d'une vie vivable et de minimiser la possibilité d'une vie insupportable ou même d'une mort sociale ou littérale".
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Le pouvoir des mots ; discours de haine et politique du performatif
Judith Butler
- Amsterdam
- 9 Juin 2008
- 9782354800246
dans le pouvoir des mots, judith butler analyse les récents débats, souvent passionnés, sur la pornographie, la violence verbale dirigée contre les minorités et l'interdiction faite aux homosexuels membres de l'armée américaine de se déclarer tels.
il s'agit pour elle de montrer le danger qu'il y a à confier à l'état le soin de définir le champ du dicible et de l'indicible. dans un dialogue critique avec j. l. austin, le fondateur de la théorie du discours performatif, mais aussi avec sigmund freud, michel foucault, pierre bourdieu, jacques derrida ou encore catharine mackinnon, elle s'efforce d'établir l'ambivalence du hate speech, de la violence verbale et des discours de haine homophobes, sexistes ou racistes : s'ils peuvent briser les personnes auxquelles ils sont adressés, ils peuvent aussi être retournés et ouvrir l'espace nécessaire d'une lutte politique et d'une subversion des identités.
elle esquisse ainsi une défense pragmatique du principe de la liberté d'expression, qui ne s'en tient pas aux arguments employés classiquement par les doctrines libérales, mais est surtout préoccupée par le souci de maximiser la puissance d'agir des dominés et des subalternes. les lecteurs français trouveront dans ce livre des instruments inédits pour repenser à nouveaux frais les questions soulevées par les débats sur la pénalisation des discours de haine.