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Sociologie généralités
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À travers ce livre qui est à la fois récit et réflexion autobiographique, l'auteur a voulu réhabiliter l'expérience de la femme archaïque, non comme une effigie médiévale, mais comme une expérience de pensée. Née et élevée dans une société musulmane, elle a pu, grâce à l'intelligence et à la tolérance de ses parents, observer les traditions, sans en subir les contraintes ni les interdits. Elle y a découvert un monde spirituel où s'est forgé l'itinéraire de sa liberté.
Que nous dit l'auteur ? Que la femme occidentale n'est pas si éloignée qu'elle croit de la femme musulmane, car l'orientalité est une composante de la féminité, et l'occidentalité une composante intime de la liberté. L'expérience qu'elle a eu de la femme « archaïque » lui a révélé avec plus de lucidité le malaise de la femme moderne. C'est en effet la femme traditionnelle, gardienne de la demeure, qui fait découvrir le trésor perdu du quotidien. La destruction du quotidien, la perte du sens de la demeure est la blessure inguérissable de la femme moderne.
Au XXIe siècle, dans le déracinement de la modernité, la femme saura-t-elle se construire une nouvelle demeure, à la mesure de sa vitalité créatrice ? Elle a conquis sa place dans la société, mais elle a peut-être perdu sa relation au monde. A-t-elle dit tout ce qu'elle avait à dire, non pas son identité féminine, mais son humanité féminine ? C'est à ces questions cruciales et souvent
écartées du débat féministe, que l'auteur nous invite à réfléchir, prenant appui sur son expérience personnelle, l'itinéraire d'une femme née et vivant en Tunisie, et se tenant avec intelligence à la frontière de la tradition et de la modernité.
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La décolonisation est la forme la plus instinctive et la plus avancée de la liberté. Elle est l'avant-garde de toutes les libertés. Mais elle est la plus malheureuse de toutes, car elle n'a pas tenu ses promesses. J'avais annoncé que je ferais mieux que les Européens mais, un demi-siècle après, je ne sais toujours pas où j'en suis, si j'avance ou si je recule, si je suis un primitif ou un moderne, un sauvage ou un civilisé, si j'aime la patrie ou si je l'exècre. Suis-je encore le jouet de forces extérieures qui me dépassent ? Ou bien est-ce moi qui précipite ma perte par mes erreurs et mes aveuglements ? Mais j'ai beau me chercher des excuses, elles ne me convainquent pas. Quoi, encore victime, moi ? Non, c'est trop facile. Je ne suis plus cet objet hébété, inconscient, subissant les effets sans être pour rien dans les causes, dépouillé de ses facultés de penser et d'agir. Je ne suis plus sous tutelle. Je suis souverain.
D'emblée, Hélé Béji donne le ton : " liberté " est le maître mot de sa brillante analyse sur la fin du colonialisme, l'Indépendance et la démocratie dans son pays, la Tunisie - qui est ici parangon de tous les jeunes États ayant gagné leur indépendance de haute lutte dans les années 1950-1960. Si, parmi les causes des errements et des incuries des " jeunes pays ", elle n'oublie pas les crimes et les injustices des ex-puissances coloniales, ce sont surtout les responsabilités de ces jeunes nations qu'elle entend stigmatiser dans cet essai.
Comparant l'état actuel de son pays avec les rêves et les espoirs qui ont alimenté les diverses luttes anticoloniales, Hélé Béji constate à quel point les ambitions des " combattants de la liberté " ont été déçues.
Après son remarquable travail sur la place de la femme dans le monde musulman moderne (Une force qui demeure, Arléa, 2006), Hélé Béji prend de la hauteur et étend son analyse à l'ensemble des jeunes États, refusant de voir une fatalité dans leurs dysfonctionnements. Elle met ainsi en évidence les responsabilités des intellectuels et des politiques, et, entre la maîtrise d'un passé assumé, une pratique tolérante de la religion, l'instauration d'une " laïcité " originale et réellement démocratique, elle ouvre la voie à quelques perspectives capables d'apporter des solutions aux problèmes de ces jeunes nations.
Quoi que nous fassions ou que nous pensions, nous, décolonisés, la liberté est désormais l'air invisible que nous respirons sans nous en rendre compte. Maladive ou vigoureuse, elle est déjà en nous, même si nous ne la voyons pas. Fantôme insaisissable sorti d'un monde devant lequel nous nous sentons impuissants et chétifs, elle exige un courage dont il faudra bien que nous trouvions un jour la force. Elle est là, même si nous détournons le regard pour ne pas la voir. Elle est un devoir dont nous nous acquitterons vis-à-vis de nos enfants, même si nous ne l'avons pas reçue de nos ancêtres. L'héritage n'est pas seulement quelque chose qui remonte du passé, c'est un bien qui dévale du futur.
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Mondialisé, le capitalisme peut-il répondre à l'exigence de justice ? Ne sommes-nous pas en train d'assister à la déshumanisation d'un système économique en passe de gouverner chaque domaine de notre vie ? Pour Philippe Engelhard, le capitalisme mondialisé ne pourra assurer la survie de la société sans un minimum éthique commun, sans un minimum d'aménité hors duquel ne prévaut que le règne de la brutalité, de la violence et de l'iniquité.
Pour l'auteur de L'Homme mondial, l'urgence et l'ampleur des problèmes que nous avons à résoudre ne doivent pas nous laisser sans espoir. En dépit de terribles régressions et d'épisodes tragiques, les idées de liberté, d'égalité, de tolérance, de justice et d'aménité cheminent dans l'Histoire. Aux hommes de bonne volonté de leur donner corps selon une éthique et une symbolique porteuse de sens, commune à l'ensemble de la planète et à tous les êtres de nature.
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Cette histoire a commencé par un appel, celui d'un inconnu, dont je n'ai pas compris d'abord comment il pouvait avoir le numéro de mon téléphone portable. Depuis quelques semaines, j'étais rentré d'un voyage aux lisières de la Russie, sur les terres des Républiques issues de l'ex-URSS. J'avais traversé des pays aux noms imprononçables, frôlé quelques dangers, je m'étais perdu dans des villes inconnues, j'avais pris le soleil au bord d'un lac dominé par des sommets himalayens, j'avais côtoyé le souvenir de Tamerlan et celui d'Alexandre, et voilà que cet inconnu venait me proposer de publier le dialogue que je devais tenir avec un maire de banlieue ! Ce n'est pas qu'en d'autres temps l'idée, telle qu'elle était présentée, ne m'eût pas séduit. L'interlocuteur que l'on me proposait gérait une ville aux soixante nationalités, qui était, à ses dires, ce qu'on pouvait faire en France de plus exotique. Et le fait que je ne parvenais pas à la situer sur une carte alors qu'elle
était si proche de Paris redoublait mon intérêt. Par politesse plus qu'autre chose, j'acceptai pourtant un rendez-vous à trois semaines de là, dans un café qui eut son heure de gloire à Saint-Germain-des-Prés. Le surlendemain de cette rencontre, les banlieues s'enflammaient. Le feu s'était déclenché dans la ville dont on m'avait proposé de rencontrer le maire : Clichy-sous-Bois. Dans cette ville devenue le symbole de l'«embrasement des banlieues», Dominique Bromberger s'est installé pour plusieurs semaines (dans un hôtel Formule 1). Grâce à son expérience et à son professionnalisme, et grâce surtout à une humilité qui l'a conduit à remettre en question nombre de ses propres certitudes et beaucoup de lieux communs sur «les banlieues», il a réussi à nouer des contacts avec tous les milieux, toutes les générations, toutes les nationalités, ethnies, religions. Le témoignage qu'il rapporte après cette immersion est unique, sans concession, riche d'enseignements et souvent surprenant.
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