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LUBA JURGENSON
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Le Peuple est immortel
Vassili Grossman
- Calmann-Lévy
- Litterature Etrangere
- 4 Septembre 2024
- 9782702187579
"La nuit tomba. L'artillerie ouvrit le feu. De longues lueurs éventrèrent l'obscurité à l'ouest. Les troncs des chênes sortirent des ténèbres comme si toute l'immense
forêt avait fait soudain un pas en avant puis s'était arrêtée, éclairée par une lumière blanche tremblante."
22 juin 1941, les forces nazies envahissent l'Union soviétique. Staline refuse de croire les avertissements de ses services de renseignements et ses troupes, surprises et mal préparées, subissent des pertes catastrophiques. Vassili Grossman, correspondant de l'Étoile rouge, le journal officiel de l'Armée rouge, a passé les années de guerre à sillonner le front où il fut un témoin privilégié de la barbarie.
Dans Le peuple est immortel, il nous plonge au coeur de l'action, parmi les rangs d'un bataillon encerclé par les Allemands en Biélorussie. Sous sa plume éclatante, soldats et paysans, héros et bourreaux s'animent, offrant ainsi un portrait saisissant de la vie sous l'occupation allemande et de l'esprit de résistance de ses compatriotes.
Publié une première fois en français dans une version censurée en 1946, ce roman à la portée subversive sous-estimée retrouve, dans cette nouvelle traduction, sa juste place dans l'oeuvre de Vassili Grossman. -
Pour une juste cause
Vassili Grossman
- Calmann-Levy
- Litterature Etrangere
- 22 Février 2023
- 9782702180358
Peut-on saisir ce chaos où se mêlaient les espoirs, peurs, amours, regrets, affections de ces milliers d'êtres si différents, pères de famille et jeunes gens, citadins et paysans originaires de Sibérie, des champs d'Ukraine et de Kouban, des villes et des bourgs ouvriers ?
1942. L'avancée fulgurante des troupes de Hitler en URSS a changé le cours de la guerre. Tout porte à croire que les forces fascistes vont sortir victorieuses du conflit. De fait, Stalingrad est un enjeu stratégique et le lieu d'un combat décisif.
Au coeur de la ville, les habitants, dont la famille Chapochnikov, se préparent à en devenir les acteurs et les témoins. Ce moment fatidique de l'Histoire est le point de départ de ce roman, premier volet d'un diptyque magistral consacré, avec Vie et Destin, à la bataille de Stalingrad, chef-d'oeuvre de la littérature du XXe siècle et hymne à la liberté des peuples.
Cette édition restitue les passages censurés par les instances soviétiques et est enrichie de matériel (cartes, chronologie, liste de personnages). -
J'ai écrit ce que je ressentais, ce que je pensais et que je ne pouvais pas ne pas écrire. J'ai écrit sur l'amour des hommes, la foi en l'homme. J'ai écrit la vérité de mes sentiments, la vérité de mon âme.
En 1937, sous la menace des purges staliniennes, Vassili Grossman adopte Fiodor Guber et son frère, les enfants de sa seconde épouse, pour leur éviter l'orphelinat.
Dès lors, Guber devient l'un des rares témoins de la vie et de la carrière de l'écrivain, vivant à ses côtés jusqu'à la mort de ce dernier, en 1964. De cette époque demeurent des lettres, des carnets et des documents d'archives, dont des extraits sont réunis dans cet ouvrage, certains publiés pour la première fois.
Agrémenté de souvenirs personnels de Fiodor Guber, ce livre témoigne de la résilience extraordinaire de Vassili Grossman malgré la violence effroyable de son époque.
Il retrace l'évolution de l'auteur et la désillusion du citoyen face aux barbaries du système soviétique. Avant tout, il nous offre un portrait singulier et intimiste d'un romancier incontournable du siècle dernier. -
Rybatchi, un petit village Russe de Sibérie. Ici, tous les habitants sont chasseurs, pêcheurs, tous sont braconniers. Maintenus dans l'illégalité par une milice corrompue, ils n'ont qu'un rêve : acheter une licence pour vendre légalement le fruit de leurs efforts, sans rien devoir aux autorités. Tout bascule lorsque le braconnier Kobiakov refuse de céder leur dû aux miliciens. Une rébellion s'ébauche, et s'enflamme dès l'arrivée d'une unité des forces spéciales venu de Moscou. L'émeute devient fait politique et la chasse à l'ours se transforme en chasse à l'homme. Dès lors un dilemme se pose aux villageois : se soumettre ou partir dans la taïga se refaire une vie, très loin mais enfin libre ?
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De cape et de larmes, Le Roseau révolté, Le Mal noir.
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Août 1991. Des communistes de la vieille garde opposés aux réformes de Gorbatchev tentent un coup d'État. Porté au pouvoir par la tourmente, Boris Eltsine reprend le contrôle du pays, qui ne tardera pas à se disloquer. À Moscou, devant le bâtiment qui abritait la police politique, la statue de Dzerjinski, symbole de soixante-dix ans de répression, est déboulonnée. « On partageait alors tous l'impression que le nouveau pays naissait ici et maintenant. Nous y étions déjà, il suffirait d'un petit effort pour nous débarrasser de notre triste et sombre héritage. Il suffirait de dire la vérité sur le passé, et l'erreur ne se reproduirait plus, l'histoire prendrait une voie nouvelle. » Le héros, en quête de ses racines, part à la rencontre de ces fantômes et de leurs vérités dérangeantes, antagonistes et dangereuses pour les vivants. Il sillonne les contrées dévastées de l'ex-URSS, véritable voyage dans l'au-delà, mais un au-delà bien réel où les injustices anciennes ont pavé le chemin des violences futures. Bientôt, les guerres de Tchétchénie sonneront le glas de l'illusion démocratique et de la communauté des « hommes d'août » née sur les ruines du communisme. De fait, loin d'avoir disparu, Dzerjinski continue d'exercer une emprise sur le pays.
Roman d'aventure ? Roman policier ? Récit fantastique ? Lebedev réaffirme son talent de conteur dans cette fresque où le collectif se mêle à l'intime. Les vestiges se transforment en prémonitions, et les espaces russes se déploient, entre histoire et hallucination.
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Un homme cherche à réunir la somme nécessaire pour poursuivre son exil de Paris vers New York. Au mont de piété il dépose une paire de boucles en diamant, mais l'une d'elle est invendable, elle a le mal noir. Avec ce roman paru pour la première fois en 1989 en français, Nina Berberova pousse l'ellipse comme jamais et la métaphore à un point d'excellence ultime où le moindre détail illumine l'obscure absurdité du destin.
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Exilées russes à Paris, filles du même père et de trois mères différentes, ces trois soeurs, qui refusent de se complaire dans l'inaccomplissement tchékhovien, incarnent, chacune à sa façon, la tragédie du xxe siècle. L'aînée, tout en gardant le souvenir de sa mère violée et assassinée par les rouges pendant la guerre civile, recherche l'harmonie, habitée par le pressentiment du miracle à accomplir. La cadette tente de mettre en pratique sa théorie de la fragmentation du monde en se nourrissant du bonheur des autres et en séduisant les hommes qu'aiment ses soeurs. La benjamine voit la vie comme une infinie libération de l'emprise de la peur. Tout bascule à la veille de la Seconde Guerre mondiale...
L'Histoire est plus que jamais présente dans ce roman posthume - l'un des plus forts de Nina Berberova -, où les personnages, malmenés par leur quête de sens et les absurdités de l'existence, sont pétris d'une humanité fragile et profonde.
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L'amour derrière les barbelés
Gueorgui Demidov
- Syrtes
- Litterature Etrangere
- 6 Octobre 2022
- 9782940701322
Comme Doubar (éditions des Syrtes, 2021), ce recueil de cinq récits est consacré aux camps staliniens où l'auteur a passé quatorze ans de sa vie (1938-1952). Rescapé de la Kolyma, Demidov en a expérimenté et observé le fonctionnement dans ses infimes détails en tant qu'acteur et victime. Son expérience est divisée en séquences peuplées de personnages dont les situations illustrent toutes les facettes de la vie des camps. Il donne ainsi un tableau extrêmement précis de cet univers concentrationnaire. En tant que témoin fiable et impartial Demidov apporte ce qui n'est documenté par aucune archive historique : les sentiments, les émotions, les stratégies de survie...
Ces récits constituent un témoignage littéraire de valeur inestimable non seulement sur les faits et les pratiques des camps, mais également, sur les particularités de l'imaginaire des bagnards. Malgré la dureté déshumanisante de la routine des camps, ils connaissent des sentiments forts, notamment l'amour. À travers cette mise en scène de l'extraordinaire, Demidov parvient à dire la terrible « banalité » du Goulag -
Evincé du gouvernement russe, Eraste Fandorine n'est plus le brillant conseiller d'Etat au sommet de sa carrière. Au coeur d'un XIXe siècle finissant, le sort lui offre toutefois encore des mystères à élucider : une parure précieuse qui s'évanouit dans la nature, un serpent monstrueux s'attaquant aux héritiers d'une famille fortunée, un crime presque parfait, une « épidémie » de suicides au fin fond de la Sibérie... Ces quatre enquêtes sont autant d'hommages aux grands maîtres de la littérature policière que sont Arthur Conan Doyle, Patricia Highsmith, Agatha Christie et Umberto Eco.
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« Mon Occident à moi prenait forme par opposition à la Sibérie, à l'Oméga, l'étoile à cinq branches qui brillait au-dessus du royaume des camps. C'est de là-bas, de la toundra et de la taïga, des fameuses forêts et des baraquements, des salles d'université et des bourgs militaires qu'une ombre se projetait, envahissant le monde entier, et c'est de là-bas qu'une ligne directe menait, se brisant sur la carte, vers l'Occident, la Liberté, la Patrie. Mon Occident à moi était là où je pouvais enfin me redresser, où plus personne ne m'obligerait à mentir. » Julius Margolin, Le Livre du retour, « Héliopolis ».
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Le premier roman de Sergueï Lebedev (né en 1981) se présente comme une enquête. Ayant survécu, enfant, à la morsure d'un chien grâce à une transfusion sanguine, le narrateur cherche à connaître l'identité de celui dont le sang coule désormais dans ses veines, et dont la personnalité recèle un mystère.
Ayant grandi pendant la période de transition qui a suivi la perestroïka et la chute du régime, Lebedev appartient à une génération héritière d'une mémoire historique « trouée » pour laquelle la violence politique - pourtant centrale dans la conscience collective des Russes - demeure fiction ou cauchemar.
La Limite de l'oubli est le premier roman d'un jeune auteur qui a su s'affranchir des contraintes imposées par l'effacement des années soviétiques. Il a mis au service de ce projet non seulement son talent littéraire, mais également son expérience de géologue qui l'avait conduit, à travers l'immensité de l'espace russe, vers les vestiges des camps et les paysages du Grand Nord, magistralement évoqués dans leur dimension à la fois mythique et politique.
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Lire Camarade Kisliakov jusqu'au bout, il le faut absolument, car c'est à la dernière page que tout bascule. Le roman de Panteleïmon Romanov se passe à Moscou dans les années 20. Un nouveau régime s'installe et balaye brutalement le précédent. Le communisme transforme de fonds en comble le tissu de la société russe. Pris de peur et d'angoisse, au delà de l'espérance que le nouveau monde promet, les personnages de ce texte magistral se débattent pour survivre aux épreuves quotidiennes.
Angoisse et sueur froide, ce malaise inconfortable vis-à-vis d'un pouvoir indicible, nous n'en sommes pas si loin aujourd'hui. Camarade Kisliakov, c'est mon voisin, qui a peur de perdre son travail, ses amis, s'il ne s'adapte pas aux nouvelles règles du jeu. C'est la chute d'un monde pour un empire invisible et dévastateur, celui de l'argent et du profit, de l'industrie de la « culture » et du mépris.
Abandonnant un travail créatif et épanouissant, Hyppolite Grigorievitch Kisliakov a trouvé une planque comme conservateur des antiquités au Musée central, lieu anachronique où s'entassent objets d'art et reliques, depuis le lit du tsar Nicolas Ier jusqu'aux sculptures préhistoriques. Ce renoncement a détruit l'amour qui le liait à sa femme, qu'il supporte tant bien que mal jusqu'à ce que le divorce révèle la nature désormais sordide de leur relation. Choisi par le nouveau directeur du musée pour l'aider à conduire sa politique de « prolétarisation » du personnel, Kisliakov est amené à louvoyer : son attachement au monde ancien lui dicte une attitude de complicité envers ses collègues, plutôt vieux jeu et anticommunistes, tandis son désir de trouver une légitimité à sa vie inutile le pousse dans les bras du directeur, communiste inculte, mais brave homme. Trahison qui, au-delà de ses liens avec ceux qui se targuent d'avoir appartenu à la « bonne société », met en cause son rapport à la mémoire que le musée symbolise, aux valeurs éternelles, à son propre moi qu'il a l'impression d'avoir déserté. Pour finir, il trahira aussi son nouvel allié dès lors qu'il sentira le vent tourner.
La vie privée de Kisliakov est également dominée par le mensonge. Ayant retrouvé un vieil ami qui vient d'épouser une femme de quinze ans sa cadette, il cède aux avances de cette dernière par pur dépit et besoin de prendre sa revanche sur l'existence. Mais la jeune femme, aspirante actrice, Publié en 1930, Camarade Kisliakov (Trois paires de bas de soie) présente un immense intérêt pour la connaissance de ce qu'était la vie quotidienne à Moscou à la fin des années vingt. De par sa finesse d'observation, l'auteur préfigure les terribles ravages du communisme sur la société russe. Le lecteur reconnaîtra l'univers de Romanov, avec ses ci-devant, ses mendiants, ses trafiquants et autres rebuts qui ne trouvent pas leur place dans le monde nouveau, celui des appartements communautaires, des tramways bondés, des chicanes et des administrations persécutrices. Et, à travers ces différentes formes de marginalité, un tableau social et politique de la vie soviétique de l'époque du Grand Tournant.
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Julius Margolin - dont Le Voyage au pays des Ze-Ka a marqué tant de lecteurs lors de sa réédition il y a six ans -n'est pas l'homme d'un seul livre. Dès son retour d'URSS, il a consacré tous ses talents d'écrivain à sensibiliser l'opinion publique du futur État d'Israël et du monde au sort des détenus soviétiques et plus particulièrement des Juifs prisonniers en URSS (ce dont témoignent plusieurs des textes recueillis ici). Mais, dans son désir de comprendre les violences exterminatrices du e siècle, il a également consacré une très précieuse chronique au procès Eichmann, l'un des principaux acteurs du génocide des Juifs perpétré par les nazis.
Précieuse car l'on connaît le procès Eichmann moins bien qu'on ne le pense. Son contenu a été occulté par les polémiques sur la banalité du mal engendrées par la publication en 1966 du livre d'Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem, dans lequel la philosophe restitue essentiellement les dépositions qui servent son propos. Pour Margolin qui a non seulement vécu dans son corps l'expérience de la violence politique, mais qui a tenté de la penser, tout comme il tente de penser son auxiliaire, le mensonge, il n'y a pas de banalité du mal.
Le présent recueil est construit autour des chroniques qu'il a consacrées à deux procèsretentissants : le procès Eichmann, donc, qui eut lieu à Jérusalem en 1961 et que Julius Margolin a couvert pour le Novoïé Rousskoïé slovo, journal des exilés russes publié à New York ; et le procès Rousset, qui s'est tenu à Paris en 1950, et qui opposait l'écrivain résistant David Rousset, rescapé de Buchenwald, au journal communiste Les Lettres françaises qui lui avait reproché d'avoir « inventé les camps soviétiques ».
Julius Margolin, qui comparait comme témoin au procès parisien, est certainement la seule personne à avoir suivi ces deux procès en étant concerné personnellement à la fois par la question des camps soviétiques, où il a séjourné pendant cinq ans, et par les violences nazies qui ont emporté une partie de ses proches (sa mère a été fusillée avec les Juifs du ghetto de Pinsk). La seule personne, dans la très nombreuse assistance de la salle d'audience de Jérusalem, à avoir fait l'expérience des répressions staliniennes et à avoir mesuré la chappe de silence qui pèse sur le versant soviétique du monde concentrationnaire. Loin de s'intéresser à Eichmann uniquement pour son rôle dans le génocide, il cherche à replacer ses crimes dans le contexte des violences des deux totalitarismes.
Dès lors, le procès Rousset et le procès Eichmann, placés ici en miroir, apparaissent comme deux événements clés pour comprendre ces phases de la terreur. Et Margolin n'hésite pas à comparer les deux totalitarismes, nazi et communiste.
Mort en 1971, il ne connaît pas les querelles d'historiens à ce sujet, de même que les historiens qui ont ré échi sur ces questions ignorent pour la plupart ses essais sur ce thème délicat. Pourtant, ces historiens n'auraient sans doute pas invalidé sa pensée. Car si, libre de tout préjugé, il n'hésite pas à revendiquer le droit de comparer les camps soviétiques et nazis, il ne succombe jamais à la tentation des rapprochements faciles et, partant, nous permet de redécouvrir à nouveaux frais ces questions que l'on croyait archivées.
C'est parce que ces textes proposent une ré exion sur la violence dans les régimes de terreur et, ce qui est tout aussi important, sur le consentement à la violence dans
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Schubert à Kiev aborde un thème qui, dans les lettres russes contemporaines, est toujours frappé de tabou: la collaboration avec l'occupant nazi d'une partie de la population soviétique.
L'action débute au printemps 1942. Les espoirs que les nationalistes ukrainiens avaient placés dans le Reich ont fait long feu. L'éphémère indépendance de leur pays a laissé place à un régime de terreur. Tous les Juifs de la ville ont été massacrés à Babi Yar, à l'exception de ceux qui se cachent ou qui ignorent leur origine. Valentina Maleïeva, pianiste de l'opéra, qui élève seule sa fille Pania, fait l'objet d'un chantage de la part du metteur en scène : ayant découvert l'identité "mortellement dangereuse" du père de la jeune fille, une beauté de dix-huit ans, il tente de contraindre la mère à une liaison à trois. C'est l'opéra - la musique - qui constitue l'épicentre de l'action romanesque, et apparaît comme le révélateur d'une époque et d'un tournant historique. En effet, les destinées humaines, particulièrement poignantes dans ce texte, ne sont pas l'unique enjeu du livre : il s'agit aussi de mettre en lumière l'écroulement de la culture romantique dont le nazisme représente la dernière étape et Schubert le symptôme par excellence.
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L'originalité de Gontcharov réside dans le fait que son oeuvre échappe à tout esprit de chapelle, d'école et d'esthétique littéraire. Rompant avec le sentimentalisme et le romantisme alors en vogue, elle s'appuie sur la seule description du réel, du paisible bonheur d'être et de vivre à l'image de son auteur, génie littéraire incontesté dont l'existence fut celle, assez banale, d'un fonctionnaire impérial, qui vécut en se tenant, comme l'écrit Jacques Catteau dans sa préface, « hors jeu de l'histoire ». L'ennui, le flegme, la mélancolie, la paresse, l'éloge de l'inutile sont les thèmes dominants de son oeuvre maîtresse Oblomov comme de tous ses autres écrits.
Considéré comme un texte capital par Tolstoï, Oblomov est devenu un mythe littéraire au même titre que Faust, Don Quichotte ou Don Juan. C'est l'histoire d'un aboulique qui rêve d'une existence « sans nuages, sans orages, sans ébranlements intérieurs », le barine Ilia Ilitch Oblomov, un doux rêveur sensible. Malgré ses efforts pour contrecarrer ses rêves de grasse matinée permanente, malgré l'énergique Stolz qui secoue la torpeur de son ami, malgré son amour passion pour Olga - l'espace d'un été, Oblomov accomplira son destin : le renoncement à l'agitation extérieure, la reconstitution de l'univers de son enfance dans un quartier aux confins de Pétersbourg et, en fin de parcours, la mort d'inaction et de suralimentation. Sans tapage, sans ostentation, calmement, avec résignation. et bonheur : « Il s'installait doucement, petit à petit, dans le cercueil simple et large où il allait passer le reste de ses jours, cercueil fait de ses propres mains à l'instar des sages du désert qui, après avoir renoncé au monde, se creusent une tombe. » Malgré ce final nostalgique, le roman est celui de la recherche obstinée, souterraine, du bonheur au fil des événements quotidiens de chaque journée vécue en position horizontale, où la vie et la société défilent tel un spectacle théâtral dans la chambre du héros. Oblomov parvient à imposer sa volonté d'être, comme son for intérieur le lui dicte. Il réussit ce qu'il ne faudrait pas réussir, être enfin soi-même en dépit des autres, de l'image que proposent normes, morale, société et Histoire. Il refuse de bouger, fidèle, indéfectiblement, à l'immobilité des premiers jours. « Oblomov est le conte d'un rêve exaucé. » ajoute Jacques Catteau.
Dans La Frégate Pallas, Gontcharov relate un voyage autour du monde, à partir des lettres envoyées à ses amis. Un périple qui le conduit d'un continent à l'autre, au temps lent et envoûtant de la marine à voile. Toute la force romanesque et la puissance suggestive de ce livre reposent sur la vigueur des portraits, la beauté et le plaisir des voyages, l'évocation de la vie maritime, de ses charmes et de ses périls. On y retrouve le mélange de finesse, de placidité et d'humour qui font toute la singularité de l'oeuvre de Gontcharov.
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« Vendredi 16 juin 1933, vers dix heures et demie du soir, Haïm Arlozorov, chef de la section politique de l'Agence juive, fut tué d'une balle pendant qu'il se promenait avec sa femme Sima sur la plage de Tel-Aviv. Il décéda peu après minuit à l'hôpital Hadassah. Ayant achevé une tournée de deux mois en Europe, il était rentré l'avant-veille à Jérusalem. » Un voyage ponctué de mystères que le narrateur, Israélien émigré d'Union soviétique, tente de reconstituer au cours d'une enquête où il donne successivement la parole à la veuve, aux experts, aux juges, aux témoins.
Un kaléidoscope de versions également convaincantes.
Arlozorov fut-il tué par des Arabes ? par des Juifs du Betar ? par les services secrets britanniques ? Mais voilà que le journal intime, récemment retrouvé, d'une jeune fille allemande dont le lecteur sera peut-être surpris de découvrir l'identité, jette une nouvelle lumière sur l'affaire.
Les Allemands et les Soviétiques avaient, eux aussi, toutes les raisons de vouloir se débarrasser d'Arlozorov.
Ou peut-être s'agit-il simplement d'un crime passionnel ?
À mesure que l'enquête progresse, le lecteur s'enfonce dans le labyrinthe des variantes. C'est alors qu'une dernière déposition, celle du narrateur lui-même, livre la clé de l'énigme : celui-ci la détenait depuis le début sans le savoir.
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Têtes interverties est un roman policier. Au début des années quatre-vingt, après un an passé en Israël, le narrateur, un jeune violoniste russe originaire de Kharkov, est engagé comme co-soliste dans l'orchestre d'opéra d'une grande ville d'Allemagne de l'Ouest, Zickhorn. Par un incroyable concours de circonstances, il découvre que son grand-père - également violoniste et qui, pour sa famille, avait été fusillé par les Allemands en 1941 -, a travaillé dans l'orchestre de Rotmund en 1943, protégé par le grand compositeur nazi Gottlieb Kunze. Les recherches qu'il tente alors auprès des proches de Kunze l'entraînent dans un labyrinthe où de nouvelles énigmes et des révélations, notamment sur sa propre famille, l'attendent à chaque pas. Nous recommanderons au lecteur de ne pas chercher Zickhorn sur la carte. Il serait vain aussi de se plonger dans des encyclopédies en quête de la biographie de Kunze, malgré toute la vraisemblance de ce personnage, enraciné dans la vie musicale du IIIe Reich et le destin de l'Europe, ami de Goebbels, rival de Strauss, cible des critiques de Stravinski, auteur de l'opéra Les Têtes interverties auquel Thomas Mann empruntera son titre pour un de ses livres. Sous cette forme captivante, l'auteur, lui-même premier violon à l'opéra de Hanovre, enchevêtre sur un mode humoristique sa méditation sur l'exil, la question des origines et l'histoire de la culture européenne.
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A la gare c'était la cohue et l'agitation.
Une queue se forma devant la caisse. Le hall résonnait de cris et de pleurs de nourrissons... " Regardez-moi cette foule. Comment peut-on acheter son billet ? Des tas de mômes, carrément. Là-bas, il y a une vieille peau, avec un bébé elle aussi. Pouah ! Il y en a un qui s'est laissé tenter, faut être dingue ! -Aujourd'hui on n'y regarde pas. -Prends un bébé, mon bonhomme, tu pourras passer devant, fit une bonne femme, propriétaire de deux nourrissons.
-Ah, bordel... Je suis bien obligé. Combien que ça coûte ? -C'est partout le même prix, quatre mille... " Panteleïmon Romanov est un des rares écrivains russes à avoir créé une gamme aussi étendue de perceptions et de sentiments. Il manie avec une étonnante perfection différents styles d'écriture : parfois on croit reconnaître Anton Tchekhov dans ses descriptions de la nature, des amours impossibles, parfois l'humour grinçant de Mikhaïl Zochtchenko dans les petites scènes de la vie quotidienne, à la gare, dans une file d'attente, devant une boutique vide...
Les nouvelles de Panteleïmon Romanov, " Chroniques de la Russie des années vingt ", drôles ou tragiques, mais à l'ironie toujours mordante et à l'humour dévastateur, sont unies par le même thème : l'ambiance des années vingt en Russie. Elles reflètent l 'époque du " communisme de guerre " et celle de la NEP (Nouvelle Economie Politique).
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Apologie de Pluchkine ; de la dimension humaine des choses ; essai critique à propos des âmes mortes
Vladimir Toporov
- Verdier
- 5 Novembre 2009
- 9782864325895
Cet essai - qui est l'une des oeuvres majeures de Toporov - entre dans la catégorie des " réhabilitations " de personnages littéraires honnis.
A contre-courant des interprétations traditionnelles, Pluchkine, l'avare grotesque des Ames mortes, apparaît comme le seul " être vivant " de toute la galerie de personnages rencontrés par l'escroc Tchitchikov au cours de ses pérégrinations à travers la Russie profonde. La déchéance de Pluchkine, son attachement maladif aux vieux objets usés, aux restes, aux résidus, sont vus non plus comme la dernière phase de la dégradation mais comme un vestige d'humanité, un reflet de l'amour du Créateur pour sa créature.
Au travers d'une investigation minutieuse qui met en scène le dialogue du texte avec les strates profondes de la culture, l'aventure de la chose, placée dans une perspective historique et mythologique, rejoint l'aventure humaine. Vladimir Toporov (1928-2005) est une des figures majeures de la critique littéraire russe du XXe siècle. Son intérêt initial pour la reconstruction des contextes effacés l'a conduit à une approche archéologique du texte littéraire visant à en faire remonter les contenus cachés, les aspects passés inaperçus.
Cette démarche herméneutique éclaire les recoins encore inexplorés du vaste territoire littéraire du XIXe et du XXe siècle. Traduite en plusieurs langues, son oeuvre restait jusqu'à ce jour inconnue en France.
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Petrograd à l'époque de la Révolution. Mikhaiil Zenkevitch tente de survivre dans une ville où règnent la famine et le froid. Atteint par le typhus, il sombre dans l'inconscience. Les événements les plus improbables vont alors surgir. Soigné par un médecin défunt, revenu miraculeusement parmi les vivants, le poète replonge dans le passé et va vivre son rêve au fil d'un récit mené jusqu'à l'absurdité. Comment mieux décrire ce que vit ou subit la Russie entre 1916 et 1922 sinon dans une hallucination ? Elga, roman flamboyant et envoûtant, nous transpose, nous immerge dans l'histoire, dans les années tumultueuses de la Révolution. Anna Akhmatova, célèbre poétesse russe ; Nicolaï Goumiliov, son mari, fusillé dans les années vingt ; Grigori Raspoutine, le mystérieux conseiller des derniers Romanov, sont les protagonistes de cette "invraisemblable vérité".
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Si l'on retrouve dans ce roman un procédé cher à Lebedev, l'enquête, c'est surtout la chronique familiale qui est au centre du récit. L'apparition de la comète, qui invite le narrateur à interroger la vie de ses proches, est vue surtout à travers l'histoire de la grand-mère Tania qui en a été le témoin dans son enfance.
La grande histoire ne se laisse approcher que par l'écriture et ne montre jamais sa face monu- mentale. Au travers de l'intime et de l'infime - maison, école, datcha - se dessinent cepen- dant les vecteurs essentiels qui ont orienté la vie quotidienne et intérieure des Soviétiques pendant la période de transition.
Lebedev a cherché à donner place au vacille- ment identitaire de toute une génération - la sienne - et à comprendre les mécanismes des mutations qui ont accompagné son entrée dans la vie consciente, mais aussi les pièges politiques qui guettaient la Russie à ce moment-là. Pres- sentant que le réel possède un double fond, le narrateur se livre à une exploration des replis de l'existence qui, après l'avoir conduit au bord du danger extrême, lui livrera les clés pour comprendre son destin et sa propre personne.
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Le roman d'Alexeï Makouchinski est une biographie imaginaire de l'architecte Alexandre Vosco, né à Riga en Lettonie avec le siècle et établi à Paris après la défaite des armées blanches (militaires ayant combattu le pouvoir bolchévique en Russie de 1918 à 1922). Le livre se présente comme une enquête sur la vie de cet architecte que le narrateur rencontre à la fin des années 1980, lorsque le rideau de fer séparant l'URSS de l'Occident se fissure.
Effectuée au gré de découvertes et de rencontres, sur une toile de fond contemporaine qui renvoie à l'expérience de la " quatrième vague d'émigration ", celle qui quitte la Russie dans les années 1990-2000, cette enquête constitue aussi une réflexion sur la création littéraire.
Cette tentative d'investigation quasi archéologique s'accompagne d'une appropriation progressive du passé par un ex-soviétique en quête d'une mémoire historique effacée dans son pays. En effet, Alexandre Vosco a traversé les deux guerres mondiales, il est également dépositaire de l'expérience de l'exil, expérience mise en abyme par son long séjour en Argentine. Si, ayant émigré, il n'a pas vécu la terreur stalinienne en Union soviétique, cette page de l'histoire sera en revanche visitée à travers l'histoire de son meilleur ami, Vladimir Grave, retrouvé par hasard sur le vapeur qui voguait vers l'Argentine en 1950.
Vladimir Grave, lui, a vécu le cauchemar des années trente en URSS. Il a également été témoin des exactions commises par les Soviétiques comme par les nazis. Sa fille est morte de faim pendant le blocus de Leningrad.
Un des héros de ce livre est, sans conteste, l'architecture contemporaine, qui, par le biais de superbes métaphores, permet de mieux comprendre le monde.
Nourri de réflexions sur l'histoire et la mémoire (Walter Benjamin, Hannah Arendt), et de l'héritage littéraire européen, ce roman original et envoûtant répond à la carence de mémoire dont souffre la culture russe contemporaine.
Il est aussi, pour le lecteur français, un plongeon dans l'atmosphère parfois oubliée de la France de la fin des années 80 et des années 90, décrite avec humour et dans un style irréprochable.
Winner of the 2015 Russian Literary Award Finalist of the 2014 Big Book literary awardGrand format 25.00 €Indisponible