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ETIENNE DOBENESQUE
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Confrontant l'histoire des luttes passées à l'immense défi du réchauffement climatique, Andreas Malm interroge un précepte tenace du mouvement pour le climat : la non-violence et le respect de la propriété privée. Contre lui, il rappelle que les combats des suffragettes ou pour les droits civiques n'ont pas été gagnés sans perte ni fracas, et ravive une longue tradition de sabotage des infrastructures fossiles. La violence comporte des périls, mais le statut nous condamne. Nous devons apprendre à lutter dans un monde en feu.
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Gagner le monde : sur quelques heritages feministes
Zahra Ali, Rama Salla Dieng, Silvia Federici, Verónica Gago, Lola Olufemi, Djamila Ribeiro, Sayak Valencia
- Fabrique
- 20 Octobre 2023
- 9782358722643
Alors qu'une aspiration féministe à la justice et à l'égalité s'est emparée d'une génération et fait feu de tout bois, c'est par le détour de l'histoire que les textes rassemblés ici nous parlent d'aujourd'hui. Contre les récupérations conformistes, les offensives réactionnaires qui ciblent le féminisme, leurs autrices évoquent des luttes et des figures qui ont compté pour elles et s'arment d'un héritage internationaliste fécond et vivant.
On verra ainsi à l'oeuvre au fil des pages cette étonnante aptitude des concepts et des mots d'ordre féministes - comme des militantes elles-mêmes - à franchir les frontières à travers les décennies et les continents qui fait la puissance du féminisme, sa capacité à changer le monde.
Traduit de l'anglais et de l'espagnol par Étienne Dobenesque, traduit du portugais par Paula Anacaona -
Silvia Federici, dont le nom a déjà un fort écho en France depuis le succès du volumineux Caliban et la sorcière (Entremonde, 2014) propose ici une lecture inédite des rapports sociaux de domination, en faisant le choix de décentrer le regard par rapport aux domaines traditionnels de la critique sociale, à savoir le salariat et l'économie marchande.
Bien informée par sa grande fresque historique de la chasse aux sorcières à l'aube du capitalisme, Federici voit dans la famille et le contrôle de la sexualité, de la natalité, de l'hygiène et des populations surnuméraires (exclus, migrants et migrantes), la véritable infrastructure de la sphère productive.
Comment en effet faire tourner les usines sans les travailleurs bien vivants, nourris, blanchis, qui occupent la chaîne de montage ?
Loin de se cantonner à donner à voir le travail invisible des femmes au sein du foyer, Federici met en avant la centralité du travail consistant à reproduire la société (sexualité, procréation, affectivité, éducation, domesticité) et historicise les initiatives disciplinaires des élites occidentales à l'égard des capacités reproductrices des hommes et des femmes. De ce fait, la lutte contre le sexisme n'exige pas tant l'égalité salariale entre hommes et femmes, ni même la fin de préjugés ou d'une discrimination, mais la réappropriation collective des moyens de la reproduction sociale, des lieux de vie aux lieux de consommation, ce qui ne va pas sans la fin du capitalisme et de la production privée - production et reproduction étant irréductiblement enchâssées.
Ce livre constitue un essai court et percutant qui propose une lecture féministe, critique et exigeante de Marx, sans aucun prérequis en philosophie ou sciences économiques ; cet essai permet en outre de saisir avec rigueur la scansion historique du capitalisme patriarcal, ou encore les débats au sein du mouvement ouvrier sur l'horizon stratégique du féminisme.
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Quand l'État recule, la forme Commune s'épanouit. Ce fut le cas à Paris en 1871 comme lors de ses apparitions plus récentes, en France et ailleurs. Les luttes territoriales contemporaines, comme la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes ou les occupations de chantiers de construction de pipelines en Amérique du Nord, ont remis à l'ordre du jour des formes d'appropriation de l'espace social. Elles ont façonné de nouvelles manières politiques d'habiter qui agissent pour interrompre la destruction de notre environnement. Mais elles ont également modifié notre perception du passé récent et donné de nouveaux noms à ce que nous voyons aujourd'hui, aiguisant notre compréhension du présent. Les luttes au long cours pour la terre des années 1960 et 1970, comme le Sanrizuka au Japon ou e Larzac, apparaissent désormais pour ce qu'elles sont : des batailles déterminantes de notre époque. Pour Kristin Ross, les processus pragmatiques et non accumulatifs qui fondent l'existence concrète de la vie de la commune - défense, subsistance, appropriation, composition et complémentarité des pratiques, solidarité dans la diversité - constituent des éléments cruciaux de ce que Marx appelait « la forme politique de l'émancipation sociale » et que Kropotkine considérait comme la condition nécessaire de la révolution et de son accomplissement.
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Dans sa longue carrière de journaliste, d'aventurier, d'homme d'État et d'historien, le nationalisme et l'impérialisme constituent le fil directeur, avec des conséquences désastreuses. Jeune homme, Churchill participe aux batailles en Afrique du Sud, au Soudan et en Inde, qui visent à maintenir l'ordre impérial. Comme ministre lors de la Première Guerre mondiale, il est responsable d'une série d'erreurs catastrophiques conduisant à des morts par milliers. Ses efforts pour écraser les nationalistes irlandais sont autant de plaies qui ne sont toujours pas cicatrisées. Endossant le rôle de défenseur de son pays pendant la Deuxième Guerre mondiale, la période la plus vénérée de sa carrière, il n'a pas hésité à sacrifier des territoires lointains : Tariq Ali évoque ainsi l'attaque brutale contre la résistance grecque, la famine au Bengale qui a coûté la vie à plus de 3 millions d'Indiens, l'assaut aérien contre les civils à Dresde et Hambourg, et son insistance sur l'utilisation d'armes nucléaires au Japon.
Comme leader une fois la paix revenue, alors même que l'Empire s'écroulait, Churchill n'a jamais renoncé à sa philosophie impériale et il est l'un des architectes du monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, où il reste l'idole de personnages comme Boris Johnson, George W. Bush et Donald Trump. Son bilan est terrible, amplement documenté dans l'acte d'accusation de Tariq Ali -
Ces Feuilles sont tirées d'un cahier retrouvé dans une malle en 1976 parmi d'autres manuscrits inédits de Pier Paolo Pasolini. Le projet date sans doute de 1945, trois ans après la publication de son premier recueil, en frioulan, Poèmes à Casarsa. Il s'agit de douze brefs poèmes en « espagnol », avec des traductions, en italien et en prose, reportées à la fin, comme dans les recueils frioulans.
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La chauve-souris et le capital ; stratégie pour l'urgence chronique
Andreas Malm
- Fabrique
- 18 Septembre 2020
- 9782358722032
Le début de la décennie semble marqué par une accélération de l'histoire de la relation des hommes à la Terre.
Alors que les conséquences du dérèglement climatique, de l'Australie au Kenya, prenaient la forme de méga feux, de cyclones et de nuages de criquets ravageurs, le Covid-19 est venu frapper comme un éclair plus de la moitié de la population mondiale. Rapidement, les mesures de confinement prises par les gouvernements du monde entier ont cependant laissé entrevoir des effets inattendus : les émissions carbones chutaient drastiquement et la nature semblait reprendre un peu de ses droits jusque dans les villes. Et si la crise sanitaire était une opportunité pour la lutte contre le réchauffement terrestre ?
Dans ce court essai, Andreas Malm prend la question à bras-le-corps. Il explique que les deux phénomènes sont biologiquement liés. On sait depuis un moment qu'une des causes premières des contagions zoonotiques (de l'animal vers l'homme et vice-versa) est la déforestation qui détruit la biodiversité... et accélère la concentration de CO2 dans l'atmosphère. Ensuite, si le virus s'est propagé à une telle vitesse sur le globe, c'est qu'il a emprunté les circuits de l'économie fossile : des routes qui s'enfoncent toujours plus profondément dans les forêts, aux cargos et aux avions, véritables autoroutes virales. Malm décrypte les mécanismes par lesquels le capital, dans sa quête de profit sans fin, produit de la pandémie comme de l'effet de serre, sans fin.
Mais l'analogie a aussi ses limites. Malm rappelle que la crise sanitaire et économique provoquée par le Covid- 19 s'est accompagnée dès le départ de la promesse d'un « retour à la normale » - et donc à la hausse continue des températures. Si l'énergie déployée par les États pour combattre l'épidémie contraste tant avec leur inaction en matière climatique, c'est aussi qu'elle a touché en plein coeur les métropoles des pays développés, et que personne n'a intérêt à la voir perdurer. Le virus n'est pas, à la différence du CO2, un coefficient du pouvoir et de la richesse. Un tout autre antagonisme pèse sur le climat : un antagonisme social. On sait à présent qu'il est possible d'arrêter, même temporairement, le businessas- usual. Mais dans « le monde d'après-covid-19 », les méthodes bureaucratiques ne suffiront pas à éviter la catastrophe : il faudra des méthodes révolutionnaires.
Sans quoi nous serons condamnés à survivre sur une « planète fiévreuse habitée par des gens fiévreux ».
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L'anthropocène contre l'histoire ; le réchauffement climatique à l'ère du capital
Andreas Malm
- Fabrique
- 10 Avril 2017
- 9782358720953
Depuis que le météorologue et prix Nobel de Chimie Paul Crutzen a proposé le terme en l'an 2000, le concept d'« anthropocène » est devenu incontournable dans les débats scientifiques, médiatiques et citoyens sur le réchauffement climatique et la « crise environnementale ». Le postulat en est simple, et son effet édifiant : la Terre est entrée dans une nouvelle époque géologique, l'anthropocène succédant à l'holocène, où l'Homme est une force tellurique, ses activités ayant un impact global significatif sur l'écosystème terrestre.
Dans cet essai, Andreas Malm revient d'abord sur la fortune de ce concept et s'interroge sur sa validité. En associant les dérèglements climatiques actuels aux activités de l'humanité dans son ensemble, à l'espèce humaine, ou à une « nature humaine » irrémédiablement portée vers le progrès, les tenants de l'anthropocène proposent une vision déformée de la situation. En premier lieu, ils restent aveugles aux écarts immenses qui subsistent dans la consommation énergétique des humains (entre par exemple un Australien moyen et un habitant de l'Afrique subsaharienne). Ensuite, ils fabriquent un récit linéaire, et faux, de l'histoire énergétique, qui présente l'économie fossile - responsable des émissions de gaz à effet de serre - comme l'aboutissement preneurs d'accroître leur contrôle sur la production et sur les travailleurs. L'histoire se poursuit en Inde où l'agenda de l'impérialisme anglais se trouve intimement lié à la nécessité d'extraire du charbon, puis du pétrole, à grande échelle. Si la Terre entre alors dans une nouvelle ère géologique, nous dit Malm, c'est celle du Capital. Le 3e chapitre fait un pas de côté en évoquant les représentations littéraires de l'économie fossile, écrites bien avant l'avènement de la science climatologique, et dont les images cataclysmiques « nous aident à établir une compréhension critique de notre présent ». Le dernier chapitre est une réflexion sur les moyens et les perspectives qui s'imposent devant l'urgence climatique. Plutôt que de rêver une humanité unie face à sa propre nature, Malm invite à penser le rassemblement politique de celles et ceux qui sont et seront les premières victimes de la catastrophe à venir. Entérinant l'impuissance des États, soucieux de préserver les conditions de l'accumulation capitaliste qui nous mènent au désastre, il rappelle que seuls des mouvements populaires de grande envergure - déjà en germe dans les zones les plus menacées - seront à même de changer la donne.
Un livre passionnant et nécessaire qui fournit aux révolutionnaires la maxime définitive de notre siècle :
Il n'y aura pas de révolution climatique sans révolution sociale, et vice versa.
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À une époque, un Américain moyen savait si l'économie montait ou descendait - car quand le pays prospérait, son peuple prospérait également. De nos jours, ce n'est plus le cas. Du milieu de la Grande Dépression à 1980, les 90 % les plus pauvres de la population, un groupe qu'on pourrait appeler « le peuple américain », récupérait 70 % de la croissance du revenu du pays. Regardez les mêmes chiffres depuis 1997 - du début du boom de la Nouvelle Économie à aujourd'hui - et vous verrez que ce même groupe, le peuple américain, n'a absolument rien empoché de la hausse du revenu de l'Amérique.
Après Pourquoi les pauvres votent à droite, Thomas Frank analyse cette fois l'abandon des classes populaires et des syndicats par leur parti historique, les démocrates. On y voit le prix payé par les laissés-pour-compte du remplacement du modèle industriel par celui de l'« économie de la connaissance » : comment le choix qui a été fait par les démocrates de recentrer leur programme sur les classes sociales riches et cultivées a eu pour effet un divorce entre les classes moyennes progressistes et les classes populaires. Comment aussi l'instrumentalisation de l'antiracisme et une augmentation des inégalités sociales et de richesses a repoussé l'électorat ouvrier blanc des démocrates vers un parti républicain kidnappé par Donald Trump.
Journaliste et essayiste, cofondateur et rédacteur en chef du magazine The Baffler, Thomas Frank écrit régulièrement pour Le Monde diplomatique, Harper's o u The Guardian des articles d'analyse sociale et politique de la situation américaine. Auteur d'une dizaine d'ouvrages, il a publié en français Pourquoi les pauvres votent à droite (Agone, 2001) et Le Marché de droit divin (Agone, 2003).
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Jusqu'ici, l'histoire de la Commune de 1871 a été solidaire de deux grands récits politiques : celui, d'une part, du socialisme historique et de l'Union soviétique et celui, d'autre part, du républicanisme français. Dans les deux cas, la singularité de la Commune aura été diluée dans une oeuvre d'édification. C'est à rebours de ces deux récits que Kristin Ross procède à une relecture de la Commune, au-delà de ses frontières géographiques et temporelles strictes.
Car pour Ross, un des traits de la Commune est justement d'outrepasser les frontières de temps et d'espace.
La Commune n'est pas une série de faits qui se succèdent, du 18 mars 1871 jusqu'à la semaine sanglante.
C'est le point de rencontre d'aspirations émancipatrices multiples, enracinées dans les clubs révolutionnaires de la fin du Second empire, l'Union des femmes d'Elisabeth Dimitrieff, ou encore dans la commune rurale des populistes russes.
En reconstituant ces trajectoires, Ross donne à voir la Commune de Paris comme une création politique originale, fermement hostile à toute bureaucratie, tout chauvinisme et tout républicanisme. La république universelle des communards n'a ni frontières ni État, elle est un principe d'association politique libre, fédérale, d'une nouvelle communauté politique sans maîtres.
Et cette nouvelle communauté égalitaire n'était pas une utopie mais le présent historique de la Commune.
Kristin Ross en restitue la puissance en associant les intuitions de Jacques Rancière aux analyses d'Henri Lefebvre et de sa Critique de la vie quotidienne.
La Commune fut une réinvention du quotidien, des Arts, du travail, dont le fondement était l'égalité des capacités et des intelligences.
Pour l'illustrer, Ross éclaire l'ambitieux projet de réforme éducative et artistique de la Fédération des artistes - présidée par un certain Gustave Courbet et animée par l'auteur de l'Internationale, Eugène Pottier -, visant à protéger les artistes et leur autonomie, tout en encourageant l'enseignement polytechnique, la fin de la séparation entre art et artisanat, et l'embellissement de la vie quotidienne.
L'Imaginaire de la Commune est autant un livre d'histoire des idées que d'histoire tout court. En exhumant l'originalité de la Commune, ses aspirations à un « luxe pour tous », Kristin Ross arrache la Commune de Paris à toute finalité étatiste, productiviste, d'un socialisme de caserne.
La Commune et ses « vies ultérieures » portent en elles une singulière actualité : elles marquent la naissance d'un mouvement paysan radical et écologiste avant l'heure, la « révolution de la vie quotidienne », ou encore les débats sur le système économique d'une société sans État.
Par ce geste, Kristin Ross libère la Commune de son statut d'archive du mouvement ouvrier ou de l'histoire de France, pour en faire une idée d'avenir, une idée d'émancipation.
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Nos leaders d'opinion ont une théorie pour expliquer les comportements de certains de nos concitoyens, qui exaltent la sagesse des foules - et, cela va de soi, sont racistes, sexistes et homophobes. Ces égarés, assurent-ils, agissent sous l'emprise d'une doctrine rétrograde, le « populisme » ; et leurs adeptes sont des bourrins incultes qui ont une dent contre leurs congénères instruits. Le populisme est en guerre contre la pensée moderne et le progrès. Il est complice de la diffusion du mal, pour ne pas dire qu'il est le mal lui-même.
La façon dont nos progressistes autoproclamés mésusent et abusent désormais du mot « populisme » prouve qu'ils se sont résolument tournés contre leur héritage démocratique. La démocratie pose un problème, expliquent-ils, parce qu'elle permet au peuple de faire fi de l'autorité des experts.
Le paysage politique est cul par-dessus tête, mais le combat reste le même : le vrai sujet, ce sont les privilèges des élites, et le populisme est peut-être le remède permettant de nous en délivrer.
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Dans les rues de Londres ; une aventure
Virginia Woolf, Antoine Desailly
- Chemin De Fer
- 20 Mars 2014
- 9782916130620
Quand la nature s'est mise à son chef-d'oeuvre, la fabrication de l'homme, elle n'aurait dû penser qu'à une chose. Au lieu de quoi, tournant la tête, regardant par dessus son épaule, en chacun de nous elle a laissé se faufiler des instincts et des désirs qui sont en désaccord complet avec son être principal, si bien que nous sommes striés, panachés, tout mélangés ; les couleurs ont bavé. Le vrai moi est-il celui-ci debout sur le trottoir en janvier ou celui-là penché au balcon en juin ? Suis-je ici ou suis-je là ? Ou le vrai moi n'est-il ni celui-ci ni celui-là, ni ici ni là, mais une chose si diverse et errante que ce n'est qu'en donnant libre cours à ses souhaits et en le laissant aller son chemin sans entraves que nous sommes en effet nous-mêmes ?
Sous prétexte d'aller acheter un crayon, Virginia Woolf sort de chez elle un soir d'hiver pour errer dans les rues de Londres. Cette promenade est l'occasion de diverses rencontres étonnantes, et dans le flux de la ville, au long même des phrases, le réel se mêle à l'imaginaire, les souvenirs se confondent avec le présent.
Dans son journal, le 26 mai 1926, Virginia Woolf note : « Un de ces jours j'écrirai quelque chose sur Londres pour dire comment la ville prend le relais de votre vie personnelle et la continue sans le moindre effort ». Dans les rues de Londres, une aventure paraît un an après dans la Yale Review.
La traduction d'Étienne Dobenesque serre au plus près l'écriture de l'auteur de Mrs Daloway, et donne comme rarement au lecteur français l'occasion de se plonger dans le stream de Virginia Woolf, ce flot de langage, ce discours qui avance vers son inconnu comme elle-même dans les rues de Londres.
Antoine Desailly a choisi de s'attarder sur des bribes d'objets, auxquels habituellement nul ne prête attention, glanés au cours de ses promenades urbaines. Ces bouts de rien deviennent le sujet précieux des dessins méticuleux qu'il égrène au fil des pages traçant une cartographie personnelle du périple de Virginia Woolf.
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La revue Fire!! / Feu!! est l'une des premières et des plus importantes, certainement la plus radicale, des revues africaine-américaines des folles années 1920. Elle a été conçue par un groupe de sept jeunes écrivains et artistes*, qui joueront un rôle essentiel dans le mouvement de la Renaissance Noire ou Renaissance de Harlem. Parmi eux, pour citer les noms les plus connus en France, il y a les écrivains Langston Hughes ou Zora Neale Hurston (auteurs incontournables pour des écrivains américains comme James Baldwin et Toni Morrison). Le but du collectif était de pouvoir exprimer l'expérience africaine-américaine dans un style nouveau, moderne et réaliste, par les moyens de la littérature et de l'art. En novembre 1926 paraît le premier, et le seul, numéro de la revue Fire!! qui marqua l'époque et les générations futures d'artistes et écrivains.
Des nouvelles, des poèmes, une pièce de théâtre, un bref essai, un article de critiques, des dessins, le recueil est bref et composite, tous travaillent les couleurs et les sons, leur trait et leur discours, à vif, dans un nouveau langage expérimental et intimement expérimenté. La vie, les âmes et les corps, du peuple noir sont rendues telles qu'on ne l'avait jamais osé raconter peindre représenter, les tabous sont levés, on ne regarde pas le monde autour de soi à travers le filtre blanc bourgeois, la prostitution existe, l'homosexualité existe, la violence et l'alcool, la musique et la danse, l'amitié et l'amour, l'art et la littérature, existent, c'est la vie aux États-Unis, vue depuis Harlem la capitale de la culture noire dans les folles années 1920.
Notre édition française reprend fidèlement l'édition originale afin de la restituer dans toute la force de sa forme et de son contenu.
Grand format 23.00 €Indisponible
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L'Arabie des Saoud ; wahhabisme, corruption et violence
Malise Ruthven
- Fabrique
- 18 Octobre 2019
- 9782358721899
L'assassinat de Jamal Khashoggi, journaliste dissident, dans le consulat saoudien d'Istanbul en octobre 2018 a violemment exposé les contradictions du royaume pétrolier. Dans un récit aux dimensions bibliques, on découvre un monarque tribal vieillissant, dont la légitimité dépend du soutien de clercs conservateurs et dont le fils, tel Absalom, s'enivre de pouvoir. Si les rivalités au sein de la famille Al Saoud menacent de déchirer le pays, des forces globales sont également impliquées dans ce drame géopolitique : les principautés sunnites du Golfe, que soutiennent les gouvernements occidentaux, luttent contre des mouvements appuyés par l'Iran chiite au Yémen, en Syrie et en Irak.
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Thomas Wolfe (1900-1938) est un géant méconnu de la littérature américaine. Disparu prématurément, il a construit en quelques années une oeuvre monstrueuse et prolifique qui a influencé nombre d'écrivains de Faulkner à Philip Roth en passant par Carson McCullers ou Jack Kerouac.
Le garçon perdu est un portrait de Grover, le frère aîné de Thomas, disparu quand l'auteur n'avait que quatre ans. Ce frère restera à tout jamais l'enfant idéalisé par sa mère, malgré l'immense succès de Wolfe dans les années 30.
Ce texte polyphonique nous plonge avec nostalgie dans l'Amérique sudiste du début du XXe siècle. Tout l'art de l'écrivain est de restituer par la maîtrise intense de l'écriture la présence profuse d'un vaste sentiment de perte - celle de la magie du regard de l'enfance dans un monde consumé par le temps.
Publié pour la première fois en français, Le garçon perdu est la dernière pierre de l'édifice autobiographique qu'est son oeuvre, considérée comme le pendant américain d'À la recherche du temps perdu.
Clara Citron se glisse entre les lignes, et griffe les pages de ses dessins qui combinent astucieusement le regard de l'enfance à une vision sagace du texte.
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Sous le titre Textos de Sombra y últimos poemas, ont été rassemblés les textes sur lesquels Alejandra Pizarnik travaillait et qu'elle destinait à la publication au moment de sa brusque disparition. La construction en trois parties montre la cohérence de ce receuil posthume, restituant l'état des poèmes tel quel. Les deux premières parties sont les plus achevées, comme les deux chapitres principaux du livre. «Salle de psychopathologie» est un long poème où l'on découvre plus en profondeur et plus crûment les longs discours à soi-même qui prenaient la langue et le corps d'Alejandra Pizarnik et contre qui elle luttait par l'écriture pour la vie. "Textes d'Ombre", et non "textes de l'ombre", car Ombre est le dernier personnage de Pizarnik, elle-même et son double : plus de miroir je suis le miroir, à la fin l'incarnation de l'Autre n'est plus imaginaire mais réelle comme la mort.
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Amour d'hiver rassemble trois livres de poèmes (ou trois longs poèmes), inédits, écrits à la toute fin de la vie de H.D (Hilda Doolittle 1886-1961). Par la forme, le ton, le propos, ils continuent Vale Ave, traduit en français et publié en 2016 chez Ypsilon. Plus que jamais l'écriture est affaire de survie : elle entend prolonger la vie en redonnant au souvenir une puissance d'avenir, et en accordant l'histoire intime à un tout. Les poèmes de H.D. procèdent ainsi comme une chaîne d'associations, de liens, de correspondances infinies entre les mots, afin de former un monde qui se tienne enfin.
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Harriet et la Terre promise est l'un des rares livres pour enfants écrits et illustrés par le peintre Jacob Lawrence. Ses livres sont des livres d'histoire, tous sont centrés sur un événement ou plutôt sur une figure marquante de l'histoire américaine en général et du peuple noir en particulier. Écrit en vers, le texte de cet album aux couleurs vives, aux formes sculptées, raconte « l'histoire d'Harriet Tubman, née esclave dans le Maryland vers 1820, et de son échappée héroïque vers le Nord et la liberté. Au risque de sa vie, elle est revenue dix-neuf fois pour mener plus de trois-cents des siens jusqu'à «La Terre promise» ».
Dans sa note introducive le peintre explique bien son intérêt pour ce genre de livre pour enfants : « Je me rappelle avoir entendu parler de Harriet Tubman par ma mère et par les nombreux instituteurs et bibliothécaires de la communauté de Harlem que j'ai eu la chance de côtoyer quand j'étais un très jeune garçon de cinq ou six ans. Comme tant de jeunes gens qui ont eu cette chance, je me souviendrai toujours du drame et des exploits d'Harriet. / On m'a dit que Harriet Tubman était née esclave et qu'elle avait fui ses maîtres juste avant la Guerre civile. Elle a rallié d'autres esclaves et, par les routes clandestines de l'Underground Railroad, elle a fait dix-neuf voyages du Sud au Nord... suivant toujours l'Étoile du Nord jusqu'à ce qu'elle parvienne avec les autres esclaves en fuite aux vastes champs de neige du Canada. C'était un parcours périlleux. Les propriétaires d'esclaves et leurs chiens étaient toujours sur leur piste, à la recherche d'esclaves en fuite. Harriet Tubman était une femme héroïque et très courageuse. / L'histoire américaine a toujours été l'un de mes sujets préférés.
Quand on m'a donné la chance de choisir un sujet dans l'histoire américaine, j'ai décidé de faire une série de tableaux en hommage à Harriet Tubman ».
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H. D. introduit Vale Ave par une lettre adressée à Amico, son amie et ancienne compagne Bryher, car elle entreprend d'écrire cette histoire intime qui est aussi une histoire de l'humanité, son « destin inexorable », l'histoire de « tous les hommes et femmes » qui s'unissent, puis se quittent, se retrouvent et se séparent. Ave Vale, Salut Adieu. Cette histoire a comme origine, plutôt qu'Adam et Ève, Lilith et Lucifer, dont les personnages de Vale Ave, qui se succèdent dans le temps, sont autant d'incarnations, de l'Égypte ancienne au Londres de la Deuxième guerre mondiale. Parmi les avatars de Lilith se détache la figure d'Elizabeth Dyer, nièce d'un « alchimiste et poète élisabéthain ». Par « l'alchimie de la mémoire », elle peut rappeler à elle celui qui fut brièvement son amant, le poète, officier et explorateur Walter Raleigh. H.D. se rappelle elle aussi, et à travers le « mystère » et le « présage » de l'histoire d'Elizabeth et Walter, cherche à ressaisir ceux de ses « sept réunions » avec un autre officier anglais, que les biographes identifient comme le héros de la Bataille d'Angleterre, le général d'Aviation Hugh Dowding.
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Un virus souverain ; l'asphyxie capitaliste
Donatella Di cesare
- Fabrique
- 22 Octobre 2020
- 9782358722056
Il n'est pas question ici d'épidémiologie, ni de virologie, ni de quelque « logie » que ce soit car c'est de philosophie qu'il s'agit. Du reste, Donatella Di Cesare enseigne cette discipline dans la plus ancienne institution universitaire d'Europe, La Sapienza à Rome.
Que penser d'une démocratie immunitaire où les experts ont acquis des places de gouvernants et où l'état d'exception est permanent ?
Que dire de la « distanciation sociale » sinon qu'elle est l'élargissement du fossé entre les riches et ceux qui n'ont rien ?
Comment qualifier un virus capable d'annuler l'idée même de frontière ? Comment qualifier les relations où chacun vit caché derrière son masque et où personne n'ose se toucher ?
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Approximations est le livre de toute une vie de recherche, il s'agit des poèmes écrits et sauvés entre 1956 et 1972, ensemble qui témoigne de ce travail d'Alejandra Pizarnik qui devait rester à l'état de work in progress, qui devait servir à fabriquer de nouveaux recueils, de nouvelles ombres, de nouveaux je(ux), car chaque poème n'était pour elle qu'une recherche du Poème, un à-peu-près - « J'ai eu l'idée d'un genre littéraire qui pourrait convenir à mes poèmes, et je crois que ce serait celui des approximations (en ce sens que les poèmes sont des approximations de la poésie) » - écrit Alejandra Pizarnik dans une lettre de 1969 citée par Alberto Manguel.
Avec la publication d'Approximations nous achevons l'édition des oeuvres poétiques d'Alejandra Pizarnik et publions le quatrième volume inédit.
Dans ce dernier volume de poèmes (intitulé Approximations aussi d'après le titre donné par Pizarnik à un ensemble important de poèmes ici présents), sont réunis tous les poèmes non recueillis en volume, parus seulement en revue, ou jamais publiés mais considérés comme achevés, selon la classification de Pizarnik, qui rangeait les poèmes à conserver pour une future publication dans des dossiers précis. Il s'agit donc de tous les poèmes «achevés,» «finis,» «acabados» allant de 1956 à 1972, tous inédits en français. Il est évident qu'il ne s'agit pas de fonds de tiroirs, mais des pièces du puzzle qu'elle aurait complété, dont on devine les couleurs, les formes, les points de fuite qu'on reconnaît si bien maintenant qu'on a pu lire tous ses livres un après l'autre. >> Dernier volume de notre magnifique collection lilas : à ne pas manquer ! -
Inédite en français, l'unique pièce de théâtre d'Alejandra Pizarnik, écrite en 1969 et jamais publiée de son vivant, rappelle étrangement, par ses personnages et sa situation, Fin de partie de Beckett. Mais le décor est repeint aux couleurs vives d'une cour de récréation, « adorable et sinistre à la fois ». Pizarnik note dans son journal au sujet de la pièce : « les quatre personnages peuvent être une rêverie de la dactylographe = elle serait les quatre ». À chaque mot, et en chaque personnage, c'est bien elle-même qu'on entend, ses obsessions, ses figures, le désespoir doux d'une voix qui n'a pas renoncé à chercher dans le rêve, le jeu, l'écriture, ce qui pourrait donner sens à son monde. Le théâtre lui est apparu un temps comme une solution pour « transmuer [ses] conflits en oeuvres » plutôt que de les « noter directement » dans son journal.
Ce texte a été revelé au public pour la première dans l'édition éspagnole de la Prosa completa chez Lumen en 2003.
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La révolution du Venezuela ; une histoire populaire
Georges Ciccariello-maher
- Fabrique
- 19 Mai 2016
- 9782358720731
Deux années après sa mort, Hugo Chávez reste la figure incontournable, adulée ou haïe, du Venezuela contemporain. Pour certains commentateurs, il incarne la persistance du caudillisme, cancer politique de l'Amérique du Sud. Pour d'autres, il est le symbole de la lutte anticapitaliste et anti-impérialiste sur le continent et sa « révolution bolivarienne », le modèle d'une transition étatique de gauche par le haut.
Ceux qui se sont intéressés au cas vénézuélien ont donc systématiquement cherché à saisir le destin extraordinaire de ce modeste soldat indigène devenu maître d'un État gouverné jusqu'alors sans partage par l'élite blanche. Pourtant, la focalisation sur la personnalité de Chávez, chez ses partisans comme chez ses détracteurs, tend à masquer la réalité profonde du processus en cours. Ce livre prend le contrepied de cette démarche, déplaçant l'attention du palais présidentiel vers les barrios, les quartiers populaires qui campent les hauteurs de Caracas, où vivent les fractions du peuple qui forment le plus puissant soutien du régime. Pas d'homme providentiel ici, mais une réponse, univoque, quand on les interroge sur leur président : « Chávez, c'est nous qui l'avons fait ! » George Ciccariello-Maher a rencontré des militants locaux, d'anciens guérilleros, des figures du chavisme, des opposants de gauche pour produire une passionnante histoire populaire de la révolution bolivarienne.
Une histoire « par en bas », qui s'enracine dans le temps long des luttes sociales - ouvrières, paysannes, étudiantes - et des combats des Indiens, des Afro-Vénézuéliens et des femmes pour leurs droits. Tous ont subi pendant des années la même violence d'État qui a culminé en 1989 lors du Caracazo, une révolte antilibérale réprimée dans le sang. Pour ces mouvements révolutionnaires hétérogènes, la candidature de Chávez en 1998 a constitué un point de ralliement.
Puis une position à défendre.
George Ciccariello-Maher prête une attention particulière aux rapports entre l'État, la constitution et les multiples acteurs de la révolution, représentés dans les conseils communaux qui couvrent le pays depuis plus d'une décennie. Loin du régime monolithique parfois dépeint, il décrit un processus dynamique, dialectique, et contradictoire : car ceux qui ont « fait Chávez » peuvent aussi le défaire, lui ou ses successeurs, s'ils ne répondent plus à leurs aspirations révolutionnaires.
Alors qu'en Europe, des formations politiques cherchent à s'inspirer des expériences du « socialisme du xxie siècle », ce livre s'avère indispensable pour comprendre ce qui s'est passé au Venezuela, ce qui se joue aujourd'hui dans l'après-Chávez et plus largement, pour appréhender correctement les transformations sociales à l'oeuvre en Amérique latine.