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Prix
ANNE PICARD
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Une oeuvre envoûtante où l'invisible et l'imprévu rodent à chaque page. Le premier livre de fiction de l'immense écrivaine argentine Silvina Ocampo enfin traduit en français !
Les vingt-huit nouvelles qui composent le recueil Voyage Oublié sont hypnotiques, nous emportant dans des sphères où l'onirique rencontre le quotidien pour créer un monde à la frontière du réel et du fantastique. Silvina Ocampo dépeint des personnages - souvent des enfants et des femmes - navigant entre rêve et cauchemar, à l'endroit où l'innocence et la violence s'entrecroisent. Celestina, petite fille fantomatique danse pieds nus, Esperanza s'attache à un jeune garçon qui la manipule, Miss Hilton, malgré ses nombreux voyages reste prisonnière des préjugés de sa société.
L'écriture de Silvina Ocampo est un voyage en soi, empreint de poésie et de suspense, où chaque détail d'apparence banal tend à basculer vers l'étrange. Les récits évoquent les mystères de l'âme humaine, les souvenirs enfouis et les moments où la réalité se fissure, laissant place à l'impossible ; thèmes qui traverseront toute l'oeuvre de cette immense écrivaine et poétesse toujours à découvrir et saluée notamment par Mariana Enriquez dans son dernier livre Petite soeur (éditions du Sous-Sol, 2024).
Et puis, le temps avait passé depuis cette journée, l'éloignant désespérément de sa naissance. Chaque souvenir était une petite fille différente mais avec le même visage. Chaque anniversaire étirait autour d'elle la ronde des petites filles qui n'arrivaient plus à se donner la main. S. O. -
Bénie soit ma langue : Journal intime
Gabriela Mistral
- Des femmes
- Fiction
- 24 Octobre 2024
- 9782721013408
Un document exceptionnel : le journal de vie de Gabriela Mistral, prix Nobel de littérature.
Ce journal couvre chronologiquement la quasi-totalité de la vie de Gabriela Mistral. En effet, malgré ses multiples activités d'enseignante et de poétesse voyageuse, elle a toujours pris le temps de consigner ses pensées, intimes, matérielles et personnelles. De l'amour passionné à la douleur profonde en passant par la maternité et la créativité artistique, Gabriela Mistral partage les émotions complexes qui ont façonné sa vie et son oeuvre. Lettres, notes, réflexions inscrites sur des carnets construisent ce récit kaléidoscopique de la vie de l'autrice mais attestent également de son attention toujours accrue à l'actualité politique du Chili. La langue intense et puissante de cette immense femme de lettres se déploie en une toile aux ramifications multiples que l'autrice tisse avec son incandescence habituelle. -
Les répétitions et autres nouvelles inédites
Silvina Ocampo
- Des femmes
- Fiction
- 20 Avril 2023
- 9782721011640
Un recueil exceptionnel de nouvelles inédites, publiées à titre posthume.
Vingt-quatre nouvelles et deux brefs romans composent ce recueil, dont beaucoup de textes sont restés inédits jusqu'alors. Les nouvelles, écrites entre la fin des années 1930 et 1980 offrent un vaste échantillon des différentes tonalités narratives et thématiques de Silvina Ocampo. On y retrouve ses obsessions fécondes, toujours insondables, inquiétantes : le mystère des maisons et des jardins, les cruautés et les artifices de l'enfance, la prédestination d'un nom, les amours fantasmées... Défiant les frontières entre le quotidien et l'exceptionnel, éprise de la magie imperceptible de chaque jour, Silvina Ocampo instille dans le récit une dose de vraisemblance mais elle ne renonce jamais aux situations qui frôlent le fantastique, tout aussi cohérentes et plausibles que le monde dit réel.
C'est avec une grande liberté narrative que Silvina Ocampo tisse une matrice poétique aux dialogues singuliers.
À la tombée du jour, nous attendions la nuit avec passion, car la nuit était une chambre, un lit, un commun accord des dieux. Elle était moi. Nos baisers n'en finissaient pas jusqu'à l'aube, quand ils se transformaient en étreintes et en chants d'oiseaux qui ne se réveillaient pas. Ils étaient moi. Nous sortions alors de notre cloître de feuilles et retournions à la vie réelle. Ne devions-nous pas échapper à l'opprobre de la réalité. S.O. -
"Inventions du souvenir", autobiographie de l'enfance de Silvina Ocampo, figure majeure de la littérature argentine, est demeurée inédite du vivant de son autrice. Elle a été publiée à titre posthume en 2006 en Argentine, grâce au travail du critique et traducteur Ernesto Montequin sur les manuscrits laissés par l'écrivaine. Dans un entretien accordé à Luis Mazas pour le journal Clarin en 1979, Silvina Ocampo évoquait son attachement aux expériences de l'enfance et livrait l'origine et les clés de lecture d'une oeuvre alors déjà bien avancée : « Je suis en train de préparer une histoire que j'appelle prénatale, écrite en presque vers, mais qui n'est pas un poème. Il s'agit d'un livre où prédomine mon instinct. » Ce livre était "Inventions du souvenir", sur lequel elle travailla par intermittences depuis le début des années 1960 jusqu'en 1987. Il se présente comme un long « poème » en 95 fragments. On ne sait jamais cependant si l'on est en prose ou en poésie, tant ce livre intime et profondément original bouscule les genres. Loin de toute veine confessionnelle, fuyant une illusoire chronologie rigoureuse, l'écriture semble ici guidée par le désir de mettre au jour et de retenir un ensemble d'expériences précoces, secrètes, essentielles et parfois prématurées, qui ont forgé l'imagination et infléchi la sensibilité de l'autrice. L'histoire familiale de Silvina Ocampo est présente, à peine dissimulée. Au fil des pages se déploie le microcosme domestique d'une grande famille argentine du début du XXe siècle, vu à travers les yeux d'une enfant qui se sentait inadaptée : « l'et cætera de la famille » qui, souvent seule, recherchait la compagnie des domestiques et des mendiants ou scrutait son entourage et son environnement quotidien. On songe alors à Proust, et l'on s'émeut de cette conversation secrète qu'"Inventions du souvenir" entretient, par-delà les siècles et les langues, avec les plus belles pages sur l'enfance.
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Au cours d'une traversée transatlantique sur un paquebot une femme tombe accidentellement à la mer. Tandis qu'elle flotte à la dérive elle s'en remet à sainte Rita, avocate des causes désespérées, et lui fait une promesse. Si elle réchappe à la noyade, elle écrira l'histoire de sa vie. Au milieu d'un océan tour à tour prodigieux et menaçant, des personnes, des lieux commencent alors à affluer erratiquement dans la mémoire de la naufragée. Peu à peu, l'imagination et la poésie prennent le pas et le récit, composé comme un « dictionnaire de souvenirs», s'émancipe de la vraisemblance.
J'ai nagé ou fait la planche durant huit heures, en espérant que le bateau revienne me chercher. Je me demande parfois comment j'ai pu nourrir cet espoir. Je l'ignore vraiment. Au début j'avais tellement peur que j'étais incapable de penser, puis je me suis mise à penser de façon désordonnée : pêle-mêle me venaient à l'esprit des images d'institutrices, de tagliatelles, des films, des prix, des pièces de théâtre, des noms d'écrivains, des titres de livres, des immeubles, des jardins, un chat, un amour malheureux, une chaise, une fleur dont je ne me rappelais pas le nom, un parfum, un dentifrice, etc. Ô mémoire, combien tu m'as fait souffrir ! J'ai cru que j'étais sur le point de mourir ou déjà morte, victime du chaos de ma mémoire. Puis j'ai compris, en ressentant une vive brûlure dans mes yeux due à l'eau salée, que j'étais vivante et loin de l'agonie.
La Promesse a été publié en Argentine, en 2011, à titre posthume grâce au travail méticuleux d'Ernesto Montequin sur les manuscrits laissés par l'auteure.
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Sous le titre "Sentinelles de la nuit", Ernesto Montequin a réuni quatre séries de fragments que l'on peut lire comme un « journal nocturne » où Silvina Ocampo consigne les traces de ses insomnies.
«Depuis l'enfance, lorsque je suis sur le point de m'endormir, je vois soudain surgir dans l'obscurité absolue de ma chambre une sorte d'armée bleu et rouge qui avance dans ma direction, jusqu'à ce qu'elle se perde et que je la retrouve dans un autre angle de la pièce obscure où elle réapparaît, prête à suivre la même trajectoire. Vous me direz que cette armée pourrait être un champ semé de jacinthes, il y en a des rouges et des bleues. Ce pourrait être aussi un échiquier avec des pièces voyantes mais il ne m'est jamais venu à l'idée que cela puisse être autre chose qu'une armée de petits soldats, vêtus de bleu et de rouge et avançant comme un seul homme. Cette armée a toujours été pour moi l'armée de la nuit. Il y a de l'obscurité ailleurs que dans la nuit, je sais bien, mais l'endroit où je l'ai vue le plus souvent est la nuit, qui pour moi est un endroit, et le plus important au monde.» S.O.
« C'est le livre le plus personnel et le plus secret de l'écrivaine argentine dont on sait qu'elle fît de la brièveté un véritable credo littéraire. S'il me plaît tant c'est qu' [...] il engage à réfléchir par l'imprévu du ton, l'impromptu des pensées, l'éclectisme des sujets... Il en émane un bruit de fond où l'on perçoit la rumeur inquiète qui monte en chacun de nous.» Le lorgnon mélancolique, 8 février 2018.
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« "La conversation est chose humaine" écrivit Octavio Paz dans l'un des poèmes de sa dernière période. Et il ajouta : "La parole de l'homme/ est fille de la mort/ Nous parlons parce que nous sommes/ mortels (.)". L'écrivain mexicain nuançait ainsi une formule du poète portugais Alberto de Lacerda, pour qui "la conversation est chose divine". En mettant l'accent sur l'humanité de la conversation, Paz soulignait surtout la valeur dialogique du langage et sa dimension temporelle. De là son intérêt, très tôt manifesté, pour cette forme spécialisée de la conversation qu'est l'entretien long, une modalité du dialogue qui lui permettait d'élaborer de subtiles synthèses de sa pensée et, en même temps, de faire valoir la temporalité du langage. » Andrés Sánchez Robayna.
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Le silence du nom et autres essais ; interprétation et pensée juive
Esther Cohen
- Des femmes
- La Philosophe
- 29 Mars 2007
- 9782721005533
Dans "Le Silence du nom", Esther Cohen rassemble des essais traitant du nom qui, dès son apparition, nous marque de l'empreinte de la mort. Elle aborde plus particulièrement cette symbolique de l'acte de la dénomination dans la tradition juive et kabbalistique, mais aussi chez des philosophes modernes comme Levinas, Benjamin ou Derrida.
« L'essence du langage, écrit Levinas, est amitié et hospitalité. Et dans cette "maison" où habite l'homme, le nom propre est l'espace où la générosité du langage manifeste sa plus grande capacité d'accueil. C'est parce que nous sommes les hôtes du nom, humbles invités dans la maison du temps, que par la noblesse de la parole nous pouvons vivre notre vie. Le nom propre est notre première demeure dans le monde des hommes, le refuge vers lequel nous pousse le ventre maternel. En lui, et sans même en avoir conscience, nous survivons à l'arrachement originaire : en lui nous habitons le monde. » E.C.
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Depuis les années 50 jusqu'à son suicide, en 1972, Alejandra Pizarnik n'a eu de cesse de se forger une voix propre. Conjointement à ses écrits en prose et à ses poèmes, le journal intime qu'elle tient de 1954 à 1972 participe de cette quête. Une voix creuse, se creuse, avant de disparaître : « Ne pas oublier de se suicider. Ou trouver au moins une manière de se défaire du je, une manière de ne pas souffrir. De ne pas sentir. De ne pas sentir surtout » note-t-elle le 30 novembre 1962.
Le journal d'Alejandra Pizarnik se présente comme une chronique des jours hybride, qui offre à son auteur une sorte de laboratoire poétique, un lieu où s'exprime une multiplicité de « je », à travers un jeu spéculaire. Au fil des remarques d'A. Pizarnik sur sa création, sur ses lectures, de ses observations au prisme des journaux d'autres écrivains (Woolf, Mansfield, Kafka, Pavese, Green, etc.), une réflexion métalittéraire s'élabore, lui permettant un examen de ses propres mécanismes et procédés d'écriture.
Le journal est aussi pour A. Pizarnik une manière de pallier sa solitude et ses angoisses : il a indéniablement une fonction thérapeutique. « Écrire c'est donner un sens à la souffrance » note-t-elle en 1971. A. Pizarnik utilise ainsi ses cahiers comme procédé analytique, refuge contre la stérilité poétique, laboratoire des perceptions, catalyseur des désirs ou exutoire à ses obsessions. Les Journaux sont toutefois moins une confession ou un récit de soi qu'un ancrage mémoriel, une matière d'essayer de se rattacher au réel par des détails infimes et de se rappeler qui l'on est.
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Figure majeure de la vie des lettres du xxe siècle, éditrice et mécène, Victoria Ocampo a porté «témoignage», durant cinquante ans, de son incessante activité, sous la forme de chroniques, essais, études, comptes rendus, conférences et autres « exercices d'admiration » où sont évoqués quelques-uns des plus prestigieux acteurs du monde culturel : José Ortega y Gasset, Aldous Huxley, Virginia Woolf, Pierre Drieu la Rochelle, Gandhi, T. E. Lawrence, Albert Camus, Jorge Luis Borges, André Malraux, Roger Caillois... En témoignage rapporte aussi des souvenirs plus personnels sur son enfance, sa famille... Les articles de ce recueil ont été choisis par Eduardo Paz Leston, l'un des plus éminents spécialistes de l'auteure. Il rend compte d'une vie, celle d'une « écrivaine citoyenne de la planète », comme elle aimait à se définir, une femme libre à l'intelligence aussi généreuse que lucide et critique.
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Et moi, homme du pays d'entre rios, venu chercher une retraite silencieuse à l'abbaye de solesmes, je m'assois dans un endroit reculé de l'église pour écouter le grégorien qui gonfle comme tin champ de maïs de part et d'autres de la nef, pour atteindre les berceaux de la voûte tiédis par la lumière des cierges.
J'écoute le moine à ma droite, debout contre une colonne, en quête de notes qui s'aiment.
A. c.
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Composée en 1962, cette suite de poèmes a été publiée en Argentine en 2001. La disparition maternelle, en suspens ou pressentie dans Lettres pour que la joie (Actes Sud, 1983), devient ici réalité. Souvent concentrée sur des choses simples, des choses d'ici, la poésie d'Arnaldo Calveyra a la palette douce des toiles de Giorgio Morandi. Comme le peintre, le poète fraye un passage singulier à la lumière et nous fait entrevoir la lueur des choses sur fond de nuit. Une conscience très aiguë de la finitude et de la mort affleure, avec toutefois, au final, quelque chose de prodigieusement calme. Un voile semble déposé sur les choses, et l'on songe au mot pudeur.