Des femmes
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Précédé de "Les mots du regard" de Clélia Pisa Dans son appartement confortable de Rio de Janeiro, une femme commence sa journée, seule, face à une tasse de café. Elle a dû prendre cette sorte de congé pour s'occuper de son appartement à la suite du départ de la bonne. Il y a ainsi une première rupture du rythme quotidien de cette femme. C'est la raison pour laquelle elle entame une interrogation sur le cours habituel de ses jours. Après, elle découvre dans quelques signes laissés par la domestique qu'elle a vécu de longs mois à côté de quelqu'un, resté totalement étranger. Commencent alors à sourdre les indices d'une seconde interrogation, plus large et plus complexe, qui part de ce point précis : son ignorance de l'autre, c'est-à-dire, de la domestique et de son monde...
... C'est en cherchant le sens primordial de ce qu'elle voit et ressent, et en essayant de comprendre les liens éventuels entre tout cela et Dieu, que G.H. avance, de station en station, dans sa passion, qui est à la fois un cri de douleur et de joie.
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Gagner sa mort
Griselda Gambaro, Ludovic Debeurme, Laure Bataillon
- Des femmes
- Fiction
- 25 Juin 1976
- 9782721000620
Griselda Gambaro ne supporte pas : que les forts oppriment les faibles, les hommes les femmes, les adultes les enfants, les riches les pauvres, les préjugés les élans, les tabous les désirs. Cledy entre dans un orphelinat à treize ans. Ses parents ont-ils été tués dans un accident de voiture ou l'ont-ils abandonnée? On ne le saura jamais... Autour d'elle, dans cet univers concentrationnaire, se jouent des séductions, des sévices, des viols. Elle sera vendue à une famille qui cherche à marier son fils... Tout est vu, dit, à partir de ce qu'éprouve Cledy enfant, adolescente, femme de plus en plus réduite, opprimée. La poésie violente, la réalité élargie jusqu'au symbole, nous font encore plus durement sentir combien cette entière sujétion est insupportable, mortelle.
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Une oeuvre envoûtante où l'invisible et l'imprévu rodent à chaque page. Le premier livre de fiction de l'immense écrivaine argentine Silvina Ocampo enfin traduit en français !
Les vingt-huit nouvelles qui composent le recueil Voyage Oublié sont hypnotiques, nous emportant dans des sphères où l'onirique rencontre le quotidien pour créer un monde à la frontière du réel et du fantastique. Silvina Ocampo dépeint des personnages - souvent des enfants et des femmes - navigant entre rêve et cauchemar, à l'endroit où l'innocence et la violence s'entrecroisent. Celestina, petite fille fantomatique danse pieds nus, Esperanza s'attache à un jeune garçon qui la manipule, Miss Hilton, malgré ses nombreux voyages reste prisonnière des préjugés de sa société.
L'écriture de Silvina Ocampo est un voyage en soi, empreint de poésie et de suspense, où chaque détail d'apparence banal tend à basculer vers l'étrange. Les récits évoquent les mystères de l'âme humaine, les souvenirs enfouis et les moments où la réalité se fissure, laissant place à l'impossible ; thèmes qui traverseront toute l'oeuvre de cette immense écrivaine et poétesse toujours à découvrir et saluée notamment par Mariana Enriquez dans son dernier livre Petite soeur (éditions du Sous-Sol, 2024).
Et puis, le temps avait passé depuis cette journée, l'éloignant désespérément de sa naissance. Chaque souvenir était une petite fille différente mais avec le même visage. Chaque anniversaire étirait autour d'elle la ronde des petites filles qui n'arrivaient plus à se donner la main. S. O. -
Une lettre de l'Est : Voix plurielle des femmes ukrainiennes
Inna Shevchenko
- Des femmes
- Fiction
- 20 Février 2025
- 9782721013903
Un livre sur la guerre d'Ukraine, par Inna Shevchenko, activiste FEMEN.
Cet ouvrage est une plongée bouleversante au coeur de la guerre en Ukraine, racontée à travers un monologue fictif façonné par des dizaines de voix réelles de femmes ukrainiennes. Inna Shevchenko compose le portrait universel d'une protagoniste qui incarne des millions de femmes, témoignant de l'arrivée brutale de la guerre, de l'occupation et de son engagement dans la défense de son pays, tout en partageant ses émotions à vif.
Un véritable cri collectif des femmes face à la guerre.
Un véritable cri collectif, cette Lettre de l'Est mêle récits de survie et de résilience, révélant l'indomptable esprit de celles qui luttent pour leur liberté, leur avenir et l'âme de leur patrie. Originaire de Kherson, une région dévastée par le conflit, l'autrice nous offre un témoignage à la fois intime et universel, éclairant la guerre à travers les yeux des femmes, souvent oubliées, mais essentielles.
« Vous voulez savoir ce que cela signifie d'être une femme dans cette guerre ? Cela signifie mener deux combats - un pour votre pays, et un autre pour le droit même de le défendre. [...]
Regarder des armes être distribuées à des garçons qui peuvent à peine les tenir, à des hommes qui les détestent, alors que vous, debout, prête, brûlante, les poings serrés, on vous dit encore : «Pas toi.» » - I. S. -
Água Viva, un texte iconique de l'une des plus grandes écrivaines brésiliennes.
Dans ce roman de 1973, Clarice Lispector cherche à « capturer le présent » et ajoute ainsi à son expérience individuelle une dimension profondément universelle. Ses méditations sur des sujets personnels mais aussi sur le monde qui l'entoure - odeurs, temps, sommeil - ont fasciné nombre d'artistes qui lui ont succédé.
Ce texte unique, à la forme si particulière et non conventionnelle, se libérant du poids de l'intrigue et des portraits psychologiques de personnages, se présente comme un monologue aux multiples destinataires. Il s'agit d'une oeuvre d'art magistrale, qui réorganise le langage et joue sur les écarts entre la réalité et la fiction afin de tirer « une flèche qui s'enfoncera dans le centre névralgique du mot ».
La présente édition est augmentée d'un entretien inédit de Clarice Lispector dans lequel elle aborde la création de son oeuvre et notamment Água Viva. -
Amarrant sa raison entre folie et écriture, l'auteure cherche les preuves de son enfermement dans la forêt des signes que lui renvoie le motif du papier peint. Elle y découvre, métamorphosée, la réalité de son esclavage, et se voit elle-même, prisonnière derrière le dessin déformé en barreaux monstrueux...
« Pendant longtemps, je n'ai pas compris ce qu'était cette forme dérobée derrière le motif, mais maintenant, je suis certaine que c'est une femme.
À la lumière du jour, elle est calme, immobile. J'imagine que c'est le motif qui la bride. C'est si troublant... Et je m'y absorbe des heures...
Parfois, je me dis qu'elles sont des multitudes, parfois qu'elle est seule.
Elle fait le tour en rampant à une vitesse folle, ébranlant chaque motif.
Elle s'immobilise dans les zones de lumière et, dans les zones d'ombre, elle s'agrippe aux barreaux qu'elle secoue avec violence.
Sans fin, elle tente de sortir. Impossible d'échapper à ce dessin ? Il serre à la gorge. » C.P.G.
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40 fictions vibrantes sur des femmes ukrainiennes, au coeur de la guerre.
Mes femmes sont celles, anonymes, que l'autrice rassemble dans des instantanés aussi poétiques que douloureux pour évoquer, dans un kaléidoscope saisissant, multiforme et intime, l'expérience de l'invasion russe à grande échelle de l'Ukraine qui ravage leur quotidien.
Leurs drames singuliers prennent alors une dimension universelle et déchirante tandis que sont explorés les thèmes qui rythment leur existence : la préservation de leur féminité, la haine de l'ennemi russe, la trahison de proches, le soutien aux soldats blessés, le sauvetage des animaux.
Alternant entre tragédie, cynisme et humour, Yuliia Iliukha, autrice ukrainienne reconnue et primée, nous donne à entendre la complexité de l'âme humaine en temps de guerre. Une lecture aussi percutante que nécessaire.
« une femme qui par un matin gris de février avait quitté sa maison, avec un fi ls mal réveillé, une chatte, et deux culottes dans son sac à dos, se rongeait chaque jour, matin, midi et soir. elle se coupait un morceau d'elle-même et l'éminçait dans le borchtch [...].
elle se coupait un morceau d'elle-même et faisait une soupe avec des boulettes de viande de dinde européenne bio, mais elle ne réussissait jamais à la faire comme à la maison. car la femme n'avait plus de maison. [...]
une moitié, voilà ce qu'il restait d'elle au bout de six mois. une femme se rongeait tous les jours d'être partie. tandis qu'une autre femme, de l'autre côté de la frontière, se rongeait tous les jours d'être restée. » Y. I. -
Ici, c'est un homme qui est habité par une jeune fille, venue de la misère du Nord-Est brésilien, à Rio, où elle mourra. « Je jure que ce livre est écrit sans mots. C'est une photographie muette. Ce livre est un silence. Ce livre est une question », écrit-il. Et il est tout occupé d'elle : écrire sa vie, sa mort doit le délivrer, lui qui a échappé au sort sans futur qu'elle subit. Il l'aime, comme on aime ce qu'on a craint de devenir...
S'il avoue être le personnage le plus important des sept que comporte son histoire, il ne dit rien de celui dont la présence s'impose progressivement dans ces pages ; la mort qui efface le feu scintillant et fugace de L'Heure de l'étoile, l'heure à laquelle celle qui meurt devient, pour un instant, l'étoile de sa propre vie, désormais réalisée.
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L'humour côtoie les secrets familiaux les plus sombres dans ce second roman écrit par la révélation littéraire catalane, Maria Climent Huguet.
Erne, Remei, Marga, une mère et ses deux filles. La première est médecin à la retraite, la seconde psychiatre, la benjamine fleuriste. Les deux premières sont grandes, belles, rationnelles et intransigeantes, la dernière se sent laide, en léger surpoids, très émotive, socialement fragile. Elles ne se voient pratiquement jamais, surtout depuis que Erne a quitté leur Catalogne natale pour s'installer en Toscane. Un grain de sable dans la vie de Remei les amène à se réunir : elle doit prendre une importante décision qui, pour la première fois de sa vie, ébranle les bases mêmes de son existence si bien réglée et apparemment enviable. C'est le moment où elles vont pouvoir apprendre à se découvrir, blessures comprises, notamment lorsqu'est révélé un secret de famille potentiellement dévastateur dont on comprend à quel point il a marqué la vie des trois femmes.
Maria Climent Huguet dépeint cette constellation familiale marquée par le silence et le secret avec autant de finesse que de vivacité, un humour corrosif et une grande tendresse, signant un récit à la fois émouvant et drôle sur le traumatisme et ses conséquences intergénérationnelles, les choix de vie et les liens indéfectibles entre mères et filles.
« Et il ne faut pas croire qu'ils se sont séparés, à la maison, mes parents, quand ma mère a arrêté de parler, pas du tout. Mon père était paysan et le fait qu'un jour, arrivant à la maison en fin d'après-midi, il trouve ma mère à la table de la cuisine avec une pancarte qui lui annonçait «j'ai perdu la parole» ne l'a pas fondamentalement perturbé. «J'en ai vu de bien pires», répliquait-il quand il évoquait avec quelqu'un du village de ce qui était arrivé à sa femme. Mais, franchement, je ne sais pas ce qu'il avait dû voir de pire, mon père ; il n'a jamais donné aucun exemple d'une chose pire que celle de ma mère ayant perdu la parole. » M. C. H. -
À l'ère du mouvement Ni Una Menos contre les féminicides et de #MeToo, les relations amoureuses explosent les codes. Les femmes ne se contentent plus de ce qu'on leur offre. Être choisie par un homme n'est plus perçu comme une chance, mais bien souvent comme une injonction à la soumission. Les chiffres des féminicides sont glaçants : 60 % des femmes assassinées le sont chez elles, par leur partenaire ou ex-partenaire. Le foyer, censé être un sanctuaire, se transforme souvent en scène de violence. Aujourd'hui, héritières des révolutions féministes, de nombreuses femmes revendiquent leur désir. Fini le temps de la compagne idéale. Pourtant, le machisme persiste. Sous prétexte de déconstruction, certains hommes croient qu'en partageant les tâches domestiques, ils atteignent l'égalité, tout en esquivant la charge mentale et la responsabilité affective.
Dans "L'Amour : inné ou construit ?", Luciana Peker, figure emblématique du féminisme argentin, explore avec humour et autodérision les angles morts des relations amoureuses à l'épreuve du féminisme. Puisant dans les luttes des mouvements féministes en Amérique latine, elle appelle à des relations fondées sur la réciprocité et le respect de l'altérité.
"L'amour tel qu'il avait été conçu pour les femmes était un piège dans lequel nous devions investir notre temps, notre argent, notre passion et notre désir, tout en étant opprimées. Être indépendante en échange de la perte de l'amour constitue également un piège. Accepter moins parce qu'on en demande davantage, c'est reculer plus qu'il ne le faudrait. Nous devons construire un nouvel amour en démasquant ceux qui ne changent que de façade et en parcourant le menu jusqu'à la dernière page. Quoi qu'il arrive, il doit y avoir un dessert." L. P. -
« Je ne peux pas. Je n'ai pas envie d'arrêter. J'ai pensé à sa peau, à la façon dont je pouvais sentir sous mes doigts les os de son crâne et à ses yeux fous. Il avait vingt-trois ans à cette époque, et je présumais, dans mon ignorance, qu'il ne pouvait peut-être pas vivre beaucoup plus vieux à cause de la came et de cette dangereuse oisiveté qui lui coulait dans le sang. C'était sans compter avec la volonté de s'accrocher et l'empressement avec lequel j'allais donner tout ce qui m'était demandé. Tout donner en cadeau...
Dépendance de la came, dépendance de l'amour - où est la différence ? Toutes les deux sont mortelles. » H.G.
« Monkey Grip » désigne l'accoutumance, l'impossibilité de rompre. Elle s'applique à Javo, drogué désoeuvré, comme à Nora qui l'aime, et cherche à travers ce récit à démonter l'engrenage de cette dépendance. Elle désigne surtout un mode d'existence, dans l'Australie des années 1970, jeunes vivant en communauté, à la recherche d'un plaisir débouchant sur le vide.
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De natura florum
Clarice Lispector, Elena Odriozola Belastegui
- Des femmes
- Fiction
- 30 Novembre 2023
- 9782721012357
Le texte "De natura florum" est structuré comme un herbier en prose, personnel et poétique. À partir de vingt-cinq entrées, partant du plus général vers le plus singulier, l'autrice évoque d'abord des définitions botaniques puis décrit vingt fleurs, rose, violette, tournesol... qu'elle admire avec une grande sensibilité. Initialement publié le 3 avril 1971 dans le "Jornal do Brasil" de Rio de Janeiro puis inclus dans le volume "A Descoberta do Mundo" en 1984, et retravaillé pour "Agua Viva" (1973), "De natura florum" trouve dans cette édition une nouvelle vie. L'herbier de Clarice Lispector est à l'image de son autrice : fin et audacieux. Les illustrations d'Elena Odriozola Belastegui apportent au texte une douceur juvénile. L'ouvrage unique, original et singulier que constitue "De natura Florum" vient enrichir le cycle de publication de l'oeuvre de Clarice Lispector au sein des éditions des femmes-Antoinette Fouque. La rose est la fleur féminine qui se donne toute et tant qu'il ne lui reste que la joie de s'être donnée. Son parfum est un mystère fou. Quand elle est profondément aspirée elle touche le fond intime du coeur et laisse l'intérieur du corps tout entier parfumé. Sa manière de s'ouvrir en femme est très belle. Les pétales ont bon goût dans la bouche - il suffit d'essayer. Mais la rose n'est pas "it". C'est elle. Les incarnates sont d'une grande sensualité. Les blanches sont la paix du Dieu. C'est très rare de trouver chez le fleuriste des roses blanches. Les jaunes sont d'une joyeuse alarme. Celles de couleur rose sont en général plus charnues et ont la couleur par excellence. Les orangées sont issues de greffe et sont sexuellement attirantes. C.L.
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Bénie soit ma langue : Journal intime
Gabriela Mistral
- Des femmes
- Fiction
- 24 Octobre 2024
- 9782721013408
Un document exceptionnel : le journal de vie de Gabriela Mistral, prix Nobel de littérature.
Ce journal couvre chronologiquement la quasi-totalité de la vie de Gabriela Mistral. En effet, malgré ses multiples activités d'enseignante et de poétesse voyageuse, elle a toujours pris le temps de consigner ses pensées, intimes, matérielles et personnelles. De l'amour passionné à la douleur profonde en passant par la maternité et la créativité artistique, Gabriela Mistral partage les émotions complexes qui ont façonné sa vie et son oeuvre. Lettres, notes, réflexions inscrites sur des carnets construisent ce récit kaléidoscopique de la vie de l'autrice mais attestent également de son attention toujours accrue à l'actualité politique du Chili. La langue intense et puissante de cette immense femme de lettres se déploie en une toile aux ramifications multiples que l'autrice tisse avec son incandescence habituelle. -
Une journée dans la vie d'une jeune Iranienne de classe moyenne.
Une jeune femme iranienne de la classe moyenne se réveille et raconte sa journée. Coincée dans les embouteillages, elle débute un monologue intérieur, découvrant son intimité mais également le paysage social de Téhéran au début des années 2000. À travers une série de réminiscences qui s'entremêlent habilement au cours trivial du quotidien, elle dévoile peu à peu les tenants et aboutissants du drame qui se joue derrière ces heures apparemment banales. Entre le poids des conventions sociales et ses efforts pour occuper son fils à l'arrière de la voiture, la narratrice pense à Gandome, une de ses anciennes amies, opposée en tout point à elle par son audace et sa liberté d'esprit. Que devient-elle ?
Dans cette fiction réaliste mais à lire aussi entre les lignes (du fait de la censure en Iran), Sara Salar, grâce à sa finesse inouïe, fait ressentir les différentes contraintes (culturelles, sociales, géographiques et genrées) qui ont lentement dressé autour du personnage les murs d'une impasse. -
La présente édition rassemble pour la première fois en un seul livre l'ensemble des nouvelles écrites par Clarice Lispector au cours de sa vie, grâce au travail de son biographe Benjamin Moser qui a effectué de longues recherches au Brésil pour restituer leur chronologie et retrouver des textes demeurés jusque-là inédits.
On y retrouve donc les nouvelles des recueils suivants publiés par les éditions des femmes-Antoinette Fouque : La Belle et la Bête suivi de Passion des corps, traduit par Claude Farny et Sylvie Durastanti (1984) ; Liens de famille (1989) et Corps séparés (1993), traduits par Jacques et Teresa Thiériot (1989) ; des nouvelles figurant dans La Découverte du monde, recueil de chroniques traduites par Jacques et Teresa Thiériot (1995) ; Où étais-tu pendant la nuit, traduit par Geneviève Leibrich et Nicole Biros (1985). À cela, s'ajoutent dix nouvelles inédites traduites par Claudia Poncioni et Didier Lamaison.
« Dans ces quatre-vingt-cinq histoires, Clarice Lispector révèle, avant tout, l'écrivain elle-même. Des promesses de l'adolescence, en passant par l'assurance de la maturité, à la désagrégation d'une artiste tandis qu'elle approche de la mort - et qu'elle la convoque -, nous découvrons la figure, plus grande que la somme de chacune de ses oeuvres, qui est objet d'adoration au Brésil. [...] De la première histoire, publiée alors qu'elle avait dix-neuf ans, à la dernière, découverte sous forme de fragments disparates après sa mort, nous suivons une vie entière d'expérimentation artistique au travers d'un large éventail de styles et d'expériences. [...] Sa littérature est un art qui nous fait désirer connaître la femme ; elle est une femme qui nous fait désirer connaître son art. Le présent ouvrage offre une vision des deux à la fois : un portrait inoubliable, dans et par son art, de cette grande figure, dans toute sa tragique majesté. » B.M
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Azucena, mince et brune quinqua aux chaussures rouges, semble être chez elle dans le Train bleu reliant Nice et Paris. Elle y dort, y fait des rencontres, s'y protège des menaces parfois lourdes, y agit, aussi, réalisant des missions secrètes. C'est qu'à Nice, elle est au coeur de plusieurs groupes constitués en réseaux informels, amitiés, résistances. Avec les Paranos, elle distribue dans un stand près de la gare, légumes et graines bio aux abonné.e.s, comme s'il s'agissait de contrebande ou de produits illicites. Avec Luna, elle exfiltre des chiens ayant fui leurs maîtres autoritaires ou violents pour commencer une nouvelle vie. Tout autour d'elle gravite une foule hétéroclite, un rien fantasque, de doux rêveurs qui ne renonceraient pour rien au monde à la mise en pratique de leurs idéaux : Gouel, le marin irlandais, chanteur des rues, Alex, le poète et «prince des poubelles», Manu, Monique, Nadette, un cheminot syndicaliste, Siranouche ou encore la Chienne noire, son amie... Quelques-uns sont, tout comme elle, un peu cabossés, mais trouvent dans les liens qui les unissent des raisons d'espérer. Parce que l'espoir n'est pas une option. Tous, comme autant de fourmis invisibles et obstinées creusant des tunnels pour faire déraper, sans violence, notre vieux monde, oeuvrent ainsi par l'exemple plutôt que par le discours, à en créer un nouveau, plus libre et lumineux, plus solidaire et plus juste.
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Une mémoire brisée dévoile une quête identitaire poignante.
Dans ce roman aux multiples facettes, Laurence Metis, 49 ans, souffre d'amnésie après un traumatisme. Elle se débat avec les fragments de son passé, où émerge constamment le nom d'Isaure Clément. Mais qui est cette mystérieuse jeune fille à laquelle la narratrice semble s'identifier ?
À travers une prose poétique et des souvenirs morcelés, L'Invention des miroirs explore la fragilité de la mémoire et la quête identitaire. Laurence, prisonnière de son passé brumeux et de son présent incertain, tente de reconstruire son existence éclatée. Son parcours est ponctué de rencontres avec des personnages marquants, comme Émile et Iris, qui l'aident à reconstituer les événements fatidiques du 4 juillet 1995, ce jour où une chute dans un magasin et la réussite au concours de l'enseignement ont bouleversé sa vie, l'entraînant dans une spirale de perte de soi. En mêlant réalité et onirisme, l'autrice tisse une narration captivante où chaque reflet de Laurence dans le miroir devient une clé pour déchiffrer son histoire bouleversante. Une immersion profonde dans les méandres de la psyché humaine.
« C'est un royaume, l'écriture. C'est ton île. Elle s'était tue. Puis elle avait repris en la regardant au fond des yeux. Que comptes-tu faire de ta vie, Isaure ? Il y avait dans sa voix de la bienveillance et du regret, une tendre inquiétude aussi. Et peut-être, une injonction. » M. L. D. -
Chanson pour bercer de grands garçons
Conceição Evaristo
- Des femmes
- Fiction
- 6 Juin 2024
- 9782721012258
À cause de la couleur de sa peau, Fio Jasmin n'a pas pu jouer le rôle de prince dans la pièce théâtral de son école. Des années plus tard, toujours marqué par ce souvenir, il met en oeuvre un parcours de grand séducteur. Marié, père de neuf enfants officiels et d'un bon nombre de non reconnus, il s'affranchit des limites sociales imposées aux hommes noirs et entreprend de conquérir un royaume tout à lui, d'être le seigneur d'une large famille, éparpillée aux quatre coins du pays. C'est par la voix des femmes qui ont croisé son chemin qu'est racontée l'histoire de Fio Jasmin, en une mosaïque affectueuse et polyphonique, aimante et douloureuse.
Ainsi, à travers la figure du personnage Fio Jasmin, Conceição évoque et convoque magistralement les contradictions et les complexités qui entourent la masculinité dans notre contemporanéité, ainsi que leurs rapports à l'amour et à l'infidélité.
Je capte comme témoin oculaire ou comme auditrice la dynamique de vies qui se confondent avec la mienne pour une raison ou pour une autre. J'ai été l'une des femmes de Fio Jasmin, à l'occasion peut-être. Fio Jasmin peut aussi incarner la figure d'un père qui m'a échappé comme affection. Non, le jeune homme ne m'est pas étranger, les femmes qui ont croisé son chemin non plus. Voilà pourquoi je m'efforce à toutes les écouter. Elles sont nombreuses, plurielles et diverses, les voix qui me poussent à l'écrivence. C.E. -
"Ret samadhi" est l'histoire d'Amma, mère, grand-mère et veuve de 80 ans, qui sans un mot abandonne un beau jour la maisonnée de son fils aîné, où elle habitait selon la tradition. Hébergée par sa fille, une écrivaine très indépendante, elle découvre une nouvelle forme de liberté et d'amour.
Amma s'ouvre alors au monde et à elle-même, aidée dans sa métamorphose par une curieuse aide-soignante, Rosy, une transgenre qu'elle semble connaître depuis toujours. Lorsque cette profonde amitié est brutalement interrompue, l'octogénaire aussi fantasque qu'attachante part pour le Pakistan sur les traces d'un mystérieux passé, entraînant sa fille dans cette folle aventure.
Ce roman hors du commun, qui offre un portrait foisonnant de la culture indienne et s'inscrit dans la grande histoire de la Partition, fait vaciller les frontières : celles entre normalité et étrangeté, rêve et réalité, passé et présent, corps et esprit, et bien d'autres encore.
Dans l'écriture de Geetanjali Shree, monologue intérieur, dialogue et narration polyphonique s'entremêlent sans couture apparente. Humour, tragique et poésie se superposent, jouant sur les sonorités et les rythmes d'une façon parfois vertigineuse, que la remarquable traduction d'Annie Montaut a su restituer. Un très grand livre.
"Ret Samadhi" est un roman qui fait vaciller les frontières : celle du familier et de l'étrange dans une temporalité où l'instant ramasse tout le passé et la mémoire des siècles, les frontières de genre, celles de l'âge aussi, du corps et de l'esprit, de l'amour et de la haine, des modèles de famille, de la dépendance et de la liberté, des nations « ennemies », de l'humain et du non-humain. L'écriture de Geetanjali Shree traduit puissamment ce thème de la perception par un style où monologue intérieur, dialogue, bribes de conversation et narration s'entremêlent sans couture apparente, et où familiarité et poésie se superposent, jouant sur les sonorités et les rythmes d'une façon parfois vertigineuse que la remarquable traduction d'Annie Montaut a su restituer. Un très grand livre.
« Une histoire va se raconter. Ce sera une histoire en même temps complète et incomplète, comme il en va des histoires. C'est une histoire intéressante. Il y a une frontière, et des femmes, qui viennent, s'en vont, traversent, tout du long. Une frontière et des femmes, et l'histoire se fabrique toute seule. Même, il suffit de la femme. C'est une histoire. Un déclic. Après, l'histoire s'envole au vent qui souffle. À l'herbe qui pousse, poussant le corps à prendre le vent, et le soleil aussi quand il se couche, il allume les myriades de bougies de l'histoire, à foison, pour les piquer contre les nuages, et tous ils se joignent à la balade. » G.S.
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La romancière Assia Djebar, en collaborant à la traduction, a voulu rendre sensible le plus possible dans des mots français, la révolte haletante des mots arabes de cette voix : celle de l'écrivaine, et à travers elle, de Ferdaous-en-Enfer.
« Ferdaous, en langue arabe signifie « paradis » et c'est donc une femme prénommée « Paradis » qui, la veille d'être pendue pour avoir tué un homme, interpelle d'« une voix en enfer », toutes les autres femmes d'une société où l'oppression sexuelle séculaire commence à peine à être dite de l'intérieur. Étapes successives de la vie de Ferdaous, devenue prostituée par révolte, après avoir traversé les cercles d'une exploitation implacable et qui, au bout de multiples fuites désespérées, devient meurtrière par défi. Est-ce un roman « populaire », cette histoire écrite par Naoual El Saadaoui, célèbre essayiste au Moyen-Orient dont les études sur la sexualité sont basées sur son expérience de médecin, et dont les romans sont lus par une importante jeunesse féminine, mais contestés par une culture officielle ?... « Populaire », ce livre l'est avec une chaleur véhémente, car la fiction ici est ancrée dans les drames sociaux et sexuels de la réalité arabe actuelle. » A.D.
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Agathe rêve de liberté : une odyssée bouleversante sur les vagues de l'émancipation.
Agathe, née et élevée dans un village maritime, rêve d'évasion. Enfermée dans une vie dictée par les cycles de la mer, la rudesse de la pêche, la monotonie des tâches familiales, oppressée par l'océan, elle oppose un refus farouche à son « destin » féminin.
Elle s'enfuit. Mais la jeune femme parviendra-t-elle à saisir sa liberté et à assouvir ses désirs rageurs ? Les utopies de l'adolescence résisteront-elles à l'âpreté d'une vie sur les routes ?
En se frottant aux vaches ou contre la peau de son amant ou sur les lèvres de la poétesse, sa sensualité exigeante pourrait se diluer dans la mer...
« La mer est une violence qui va et qui vient, qui se fracasse contre la roche et qui m'impose sa véhémence. La mer me besogne et me sale. Et les mouettes me traversent la cervelle de part en part. Les goélands déchiquettent le vent et me braillent aux oreilles. Je prends leur cri et je le lance, à travers ma gorge, à travers mes poumons, je le lance à la face du monde, puissante, survoltée de leurs voix de bêtes. » X. G. -
La femme qui a tué les poissons et autres contes
Clarice Lispector
- Des femmes
- Fiction
- 2 Décembre 2021
- 9782721009319
Rappelant les légendes traditionnelles et les contes initiatiques, Clarice Lispector mêle le monde de l'enfance aux destins d'animaux. Ces derniers se voient pris dans un tourbillon d'évènements aussi anodins que mystérieux, inspirés de la vie quotidienne. Ainsi, le titre éponyme de ce recueil revient sur la mort de deux poissons rouges que son fils Paulo lui avait demandé de garder en son absence. Dans Comme si c'était vrai, on croise le chien Ulysse au regard humain, fidèle compagnon de Clarice Lispector, qu'elle ne remplaça jamais après sa mort. C'est avec un mélange exquis d'humour et de simplicité, de douce ironie et d'amour maternel, que C. Lispector déploie l'appréhension sensible et émotionnelle du monde, la recherche du sens ou le renoncement à le trouver. La maternité et l'enfance sont au centre de son oeuvre : chez cette autrice incomparable, nulle opposition entre son rôle de mère et son travail d'écrivain. En témoigne son fils cadet, Paulo Gurgel Valente, qui se souvient de sa mère « avec une machine à écrire sur les genoux, tapant avec application au milieu de la pièce principale de la maison, au milieu des bruits des enfants [...] ».
Après avoir publié en 2004 La vie intime de Laura suivi du Mystère du lapin pensant, les éditions des femmes-Antoinette Fouque présentent une nouvelle édition de ces deux contes, réunis en un volume auquel viennent s'ajouter deux titres : une nouvelle traduction de La femme qui a tué les poissons (Ramsay, 1990 et Seuil, 1997) et un conte inédit en français et publié pour la première fois, Comme si c'était vrai. Ce recueil est illustré par l'artiste graveuse Julia Chausson.
« Parce qu'au début et au milieu je vais vous raconter des histoires sur les animaux que j'ai eus, pour vous montrer que je ne pourrais pas avoir tué les poissons autrement que sans le faire exprès. J'ai bon espoir qu'à la fin de ce livre vous me connaissiez mieux et que vous m'accordiez le pardon que je demande pour la mort de deux «tyrougets» - c'est comme ça qu'on les appelait à la maison, «tyrougets» ». C.L
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Hermione est le premier de trois romans autobiographiques de H.D. Il a été écrit en 1927. Placé sous le signe de la renaissance (Hermione est le nom de la reine du Conte d'hiver shakespearien, dont la statue prend vie à la fin de la pièce), ce roman est l'exploration, près de vingt ans après, des zones glacées, frigides, où l'auteure se sentait retenue. Il s'agissait pour elle, face aux conventions du milieu et de l'époque, face aussi à l'ascendant intellectuel exercé par celui qui était alors son fiancé et qui devait rester son ami, Ezra Pound, de conquérir sa liberté de femme et son identité d'écrivaine. Un être intense nous est ici révélé, chez qui dominent l'acuité du regard, une sensibilité frémissante, une lucidité parfois dévastatrice et l'humour. L'écriture, d'une étonnante plasticité, traduit jusque dans leurs plus infimes vibrations cette approche d'un univers mental que la psychanalyse n'avait pas encore balisé.
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Les répétitions et autres nouvelles inédites
Silvina Ocampo
- Des femmes
- Fiction
- 20 Avril 2023
- 9782721011640
Un recueil exceptionnel de nouvelles inédites, publiées à titre posthume.
Vingt-quatre nouvelles et deux brefs romans composent ce recueil, dont beaucoup de textes sont restés inédits jusqu'alors. Les nouvelles, écrites entre la fin des années 1930 et 1980 offrent un vaste échantillon des différentes tonalités narratives et thématiques de Silvina Ocampo. On y retrouve ses obsessions fécondes, toujours insondables, inquiétantes : le mystère des maisons et des jardins, les cruautés et les artifices de l'enfance, la prédestination d'un nom, les amours fantasmées... Défiant les frontières entre le quotidien et l'exceptionnel, éprise de la magie imperceptible de chaque jour, Silvina Ocampo instille dans le récit une dose de vraisemblance mais elle ne renonce jamais aux situations qui frôlent le fantastique, tout aussi cohérentes et plausibles que le monde dit réel.
C'est avec une grande liberté narrative que Silvina Ocampo tisse une matrice poétique aux dialogues singuliers.
À la tombée du jour, nous attendions la nuit avec passion, car la nuit était une chambre, un lit, un commun accord des dieux. Elle était moi. Nos baisers n'en finissaient pas jusqu'à l'aube, quand ils se transformaient en étreintes et en chants d'oiseaux qui ne se réveillaient pas. Ils étaient moi. Nous sortions alors de notre cloître de feuilles et retournions à la vie réelle. Ne devions-nous pas échapper à l'opprobre de la réalité. S.O.