Cécile Coulon raconte l'univers dans lequel elle a grandi et qui l'a façonnée : le village de Saint-Saturnin, en Auvergne, au pied des lacs et des volcans. Au coeur de ses paysages, elle pratique la course à pied, une activité indissociable de l'écriture : « Dans le rythme de la course et dans la foulée, il y a le même rythme et la même respiration, la même musique que dans l'écriture. On n'écrit pas sans souffle, aucun livre n'est immobile ! » Ce voyage en Auvergne est aussi le parcours d'une lectrice et d'une autrice. Curieuse, éclectique, Cécile Coulon a développé son imaginaire entre les oeuvres de la culture classique et celles de la culture populaire moderne. Lectrice de Marguerite Yourcenar, MarieHélène Lafon ou encore John Steinbeck, elle voue par ailleurs un culte à Stephen King, son premier choc de lecture. Son rapport au paysage, à la fiction, a été forgé par ces écrivains, mais aussi par les figures de Marvel (Batman, Spiderman), les mondes de la Fantasy (Narnia, Tolkien) ou encore d'Harry Potter. Le château de Poudlard ne se situe-il pas quelque part au coeur des montagnes écossaises, qui évoquent un peu... l'Auvergne ?
«L'amitié est renforcée par la pratique de la haute montagne, qui crée des liens immédiats, développe une vision commune du monde. Il s'instaure entre les grimpeurs ce que j'appelle une intimité du vertical.»Depuis sa découverte des sommets, en Suisse pendant son enfance, Jean-Christophe Rufin (originaire des plaines du Berry) nourrit une fascination profonde pour la montagne. Amoureux notamment des Dolomites, du massif du Mont-Blanc ou des Aravis, il a toujours associé sa pratique de l'alpinisme aux notions de plaisir et de partage.Attaché à une montagne humaine, il entrevoit la haute altitude comme une terre de dépouillement révélant la vérité des êtres.Cette simplicité, cette économie de moyen rejoignent sa pratique de l'écriture, qui entretient de nombreuses correspondances avec celle de l'alpinisme:sur la paroi comme dans un livre, on progresse de prise en prise, pour mener le lecteur, comme un compagnon de cordée, le plus loin et le plus haut possible...
« J'ai grandi à Montréjeau, Haute-Garonne, 2 863 habitants. Une petite ville située dans le pays de Comminges, au pied des Pyrénées. Et j'ai eu ces montagnes devant les yeux durant toute mon enfance. Cette vue vaste, pas ordinaire, vous confronte très tôt à votre f initude. Quand elle vous accompagne ainsi, elle devient si familière qu'elle finit par installer en vous une géographie mentale. » Enfant des Pyrénées, Bernard Minier voue un amour profond à ce massif qui a nourri son imaginaire et sa sensibilité. Source d'émerveillement, ses randonnées dans le Comminges l'ont initié au « pyrénéisme », approche globale de la montagne où les expériences physique et culturelle sont indissociables.
Mais la montagne a aussi sa part d'ombre. Terre d'effroi, de mystère et, parfois, de sauvagerie, elle constitue un matériau idéal pour l'auteur de thriller. Au fil de ces entretiens, Bernard Minier évoque ses lectures, ses voyages, son écriture où les reliefs, plus qu'un décor, sont un personnage à part entière.
« La montagne est devenue mon véritable topos : je m'y sens à l'aise et parfaitement libre, ce qui est paradoxal, car c'est par nature un monde de contraintes. Je m'y sens chez moi et, qui plus est, en sécurité, ce qui constitue un autre paradoxe ».
Depuis un séjour à Chamonix, à vingt ans, où il a ressenti « l'aspiration par le mouvement vertical des cimes » chère à Gaston Bachelard, Étienne Klein nourrit une passion profonde pour la montagne. De la Corse à l'Annapurna, en passant par le Hoggar et les Alpes, il a pratiqué randonnée, alpinisme et, depuis quelques années, s'adonne au trail. Espace de beauté et de liberté, la montagne est pour lui un révélateur des êtres, de l'amitié et de la solidarité.
Les questions jaillissent alors chez l'homme de sciences : quelles sont les ressources du corps, quels sont ses liens avec l'esprit ? Gravir les parois est une manière d'étudier une notion physique, mais aussi métaphysique : le vide.
«Ces lieux façonnent des gens un peu verticaux, austères et tenaces... C'est un fond dont je ne me suis jamais départie, et le travail d'écriture, depuis plus de vingt ans, m'y confronte constamment [...] ; ce nord du Cantal, ce pays perdu à mille mètres d'altitude, est fondateur ; et le sauvage n'est jamais loin ; il palpite sous l'écorce des choses.»
« Au fil de l'ascension, une belle montagne, sur l'autre versant de la vallée, se révéla progressivement dans toute sa masse et m'apparut comme un cône gigantesque : elle "prit forme" tandis que je m'élevais, son dessin d'ensemble ne me devenant perceptible que quand j'eus atteint une certaine altitude. Voici l'intérêt de prendre de la hauteur : la forme du monde, cachée pour le passant des fonds de vallée, nous apparaît miraculeusement à mesure que nous montons. Elle devait être assez somptueuse cette montagne, car je me rappelle m'être émue d'un petit banc, vraiment tout seul sur un épaulement, posé devant la majesté de la chaîne comme au bord de l'infini ».
Belinda Cannone est une marcheuse, et même lorsqu'elle danse, elle marche encore puisqu'elle pratique le tango. La randonnée de haute montagne, dans les Alpes surtout, a constamment nourri son imaginaire, sa vision du monde et ses métaphores. Ce nouvel essai, qui s'inscrit dans le prolongement de S'émerveiller et de Un Chêne, enrichit sa réflexion sur les manières d'habiter poétiquement notre monde fragile.
« Ce qui me plaît dans la montagne comme dans l'écriture, c'est de me trouver confronté à quelque chose qui me dépasse, de façon humaine, et d'essayer d'y trouver ma voie, que ce soit sur une paroi ou dans un roman ».
Passionné d'escalade et d'alpinisme, amoureux de littérature alpine, admirateur des pionniers des sommets, Philippe Claudel nourrit depuis l'enfance une passion viscérale pour le milieu d'altitude. Espace physique, mais aussi livresque, la montagne entretient de nombreuses analogies avec l'écriture : l'alpiniste et l'écrivain, des conquérants de l'inutile ? Tous deux se rejoignent dans ce lieu essentiel, empreint de passion et d'humilité.
« Chaque moment est complexe, au sens mathématique de «nombre complexe» ; il est traversé d'échos, d'harmoniques. Et, parmi les activités humaines, parmi tous les registres possibles de paysages, la marche en montagne est la plus propice pour générer ces harmoniques ».
Infatigable voyageur, Michel Butor a côtoyé tout au long de sa vie les cimes du monde. Source inépuisable d'émerveillement, la montagne fut pour lui un formidable catalyseur d'idées, occupant une place primordiale dans son travail d'écriture. Depuis les versants du Nouveau-Mexique jusqu'aux sommets du Japon, en passant par le massif des Voirons, l'auteur de La Modification nous convie à une promenade intime et littéraire au gré des sentiers de son existence.