Les séries télévisées, comme toute «?culture populaire?», transforment la définition de l'art?: d'objet de distinction, il se fait oeuvre d'éducation morale et politique. En mettant en avant des questions politiques, et en y apportant des réponses radicales, elles éveillent les sensibilités sur des enjeux contemporains majeurs.
Menace terroriste et espionnage (Homeland, The Americans, Le Bureau des légendes), ambition personnelle des dirigeants (Game of Thrones, Baron Noir), éthique du capitalisme néolibéral (The Good Place), féminisme et intersectionnalité (Orange is the New Black, I May Destroy You, Killing Eve), conflit israélo-palestinien (Fauda, Our Boys), racisme et antisémitisme (Lupin, Watchmen, The Plot Against America), impact de la fiction sur la réalité géopolitique (Serviteur du peuple), fatalité des inégalités sociales (The Wire, Engrenages), menace apocalyptique (The Walking Dead), dérives des nouvelles technologies (Black Mirror), violence du système carcéral (Orange is the New Black)?: sur tous ces éléments, les séries fournissent des référents culturels communs forts, qui peuplent conversations ordinaires et débats politiques. Leur impact sur les régimes démocratiques, conçus comme espaces de délibération, de contestation et de transformation sociale, est majeur.
Un décryptage d'une vingtaine de séries pour en souligner la puissance éthique et politique.
Revendiquer l'espace public Maïdan, Tahrir, Gezi, Occupy Walt Street, Nuit debout... Les mouvements des places qui ont émergé au cours des années 2010 dans différentes parties du monde ont rénové l'espace public et signalent une nouvelle manière de faire de la politique. À chaque fois, des individus de tout horizon se réunissent pour résister aux pouvoirs en place, proclamer leur présence sans mettre en avant de leader, partager des émotions, expérimenter «?sur place?» une nouvelle convivialité et célébrer leur diversité. Ces citoyens s'emparent des questions d'intérêt général afin de peser concrètement sur le bien commun. La démocratie semble réalisable, ici et maintenant.
Comment saisir la signification de ces mouvements?? Annoncent-ils véritablement une nouvelle ère politique?? Ou bien ne sont-ils que des épiphénomènes isolés?? Jusqu'ici, il se sont «?naturellement?» essoufflés, ou ont été étouffés par une violente répression. Ne représentent-ils qu'un rêve éphémère?? Rien n'est moins sûr. Les effets de certains perdurent même après leur extinction, comme dans le cas de Maïdan. Surtout, ils mettent en lumière une tendance de fond?: la rencontre verticale désormais impossible entre une société hétérogène qui revendique un espace bien réel, et un pouvoir politique national renonçant à sa capacité d'action face aux problèmes d'ordre planétaire que sont la crise financière, la dévastation environnementale, l'expansion du terrorisme ou la pauvreté croissante.
L'aspiration portée par ces occupations de la place publique a encore de beaux jours devant elle.
Après une première vague de séries télé qui a donné davantage de visibilité aux femmes, nous voici au coeur d'une deuxième vague, avec des productions - Unbelievable, Mrs America... - qui offrent au public des outils d'analyse en vue d'un changement culturel et politique. Des séries qui ont notamment été vues et partagées lors des confinements, période durant laquelle cette forme culturelle semble avoir pris le contrôle de nos vies en s'occupant de nous et pas seulement en nous occupant, à l'instar d'En thérapie, qui illustre à merveille cette nouvelle esthétique du care. Ce sont ces deux textes qu'AOC a voulu réunir (en un volume tête- bêche) pour en faire l'un de ses « Imprimés ».
La signification politique et sociale de l'oeuvre de Wittgenstein n'est pas l'aspect de son oeuvre le mieux reconnu. Elle fait pourtant l'objet d'un débat permanent chez ses lecteurs, surtout depuis que la méthode du second Wittgenstein est une référence dans différents domaines des sciences sociales, de l'anthropologie à la théorie critique. Longtemps considérée comme prônant l'acceptation des « formes de vie » et l'immanence aux pratiques, la philosophie de Wittgenstein semble peu ouverte aux modes de pensée critiques et à la possibilité du changement social. Pourtant, par l'examen attentif des usages du langage et des transformations qu'ils produisent et requièrent, elle éclaire nos efforts pour imaginer de nouvelles possibilités de vie, des changements progressifs ou radicaux. Les formes de vie ne sont pas limitées par la portée de nos concepts. Ce volume explore cette dimension de plus en plus vivante de la philosophie de Wittgenstein.
Les séries ont tout changé : nos loisirs, nos vies, notre rapport à la culture. La «sériephilie» que ces grands récits du XXIe siècle suscitent le prouve : elles sont le coeur de la culture populaire aujourd'hui. Pour Sandra Laugier, fan parmi les fans, elles produisent également une philosophie nouvelle - non pas une philosophie des séries, mais de véritables oeuvres de pensée. Aux ressorts traditionnels de la fiction (romans, films) -identification à des personnages, représentations du monde -, la série oppose l'attachement, le care qu'elle suscite chez le spectateur. Aux stéréotypes de genre, elle substitue nombre d'individus singuliers, souvent des héroïnes, aux prises avec les épreuves de la vie ordinaire. En lieu et place de morale traditionnelle, elle bâtit un répertoire de situations, d'expériences et de formes de vie ; elle élabore une compétence du spectateur. Les séries sont le lieu d'une nouvelle conversation démocratique, telle est la thèse radicale de ce livre-somme de Sandra Laugier, pionnière en philosophie de l'étude des séries et du care en France.
Ludwig Wittgenstein (1889-1951) est désormais reconnu pour l'un des plus grands philosophes du XXe siècle; il reste cependant à part. Philosophe phare de la philosophie analytique naissante, il ne cadre pas avec elle, ou ce qu'elle est devenue. C'est évidemment un philosophe, mais il fait une critique de la philosophie. Il paraît «ne faire que détruire tout ce qui est grand et important (... en ne laissant que des débris et des gravats.)» (Recherches Philosophiques, §118). Mais c'est pour détruire ou renverser notre idée de ce qui est «grand et important», nous ramener à la vie et au langage ordinaires. Un ouvrage de synthèse, par une des spécialistes de l'auteur, qui propose une lecture d'ensemble de l' oeuvre de Wittgenstein, du Tractatus aux derniers écrits, en suivant son fil directeur: le rapport du sens et de l'usage.
Existe-t-il une philosophie américaine ? L'auteur montre non seulement qu'on ne peut simplement identifier, comme on a souvent tendance à le faire, « philosophie américaine » et « philosophie analytique » mais aussi que la « philosophie américaine » est loin d'être unifiée : il y a des héritages et des courants différents. Ainsi la présentation de la philosophie de Cavell, ou encore de Putnam, Rorty et Diamond, lui permet de mettre en évidence une « tradition contemporaine » qui entend renouveler, voire recommencer, la philosophie sous un autre mode : celui de l'ordinaire. La question du langage ordinaire, inspirée de Wittgenstein, devient ici la question de la vie ordinaire, ou de l'ordinaire tout court. Deux nouveaux chapitres consacrés à l'éthique et à l'esthétique de l'ordinaire, ainsi qu'une conclusion portant sur la circulation transatlantique de l'ordinaire, augmentent cette nouvelle édition.
La notion de « formes de vie » a émergé il y a une dizaine d'années et circule dans des domaines variés, de la biologie à la philosophie en passant par la sociologie, la science politique et l'anthropologie.
Mais qu'entendre par « formes de vie » ? Un ensemble de pratiques, d'usages de nature variée, qui donnent à la vie commune des caractères propres, pour ainsi dire diffus, explicitement ou implicitement présents dans les croyances, la langue, les institutions, les modes d'action, les valeurs. Une forme de vie est toujours, en ce sens, particulière, c'est pourquoi il existe des formes de vie, plus qu'une forme de vie.
De l'étude de ses divers sens chez des auteurs aussi différents qu'Adorno et Wittgenstein à sa portée critique et politique et à ses incidences éthiques, cet ouvrage déploie toutes les dimensions de cette nouvelle approche. En particulier, la porosité entre les sphères privée, sociale, économique et politique, et la nouvelle articulation du social et du biologique.
Largement ignorés par la réflexion éthique et politique, les « liens faibles » sont pourtant au coeur des formes contemporaines d'attachement et d'attention aux autres : dans les réseaux sociaux, dans la sphère culturelle, dans notre rapport à l'espace urbain ou à l'environnement, ou encore dans l'espace démocratique du commun.
Si la notion de « liens faibles » a été initialement forgée par le sociologue Granovetter pour rendre compte des ressources sociales inaccessibles aux liens forts (comme la famille, l'amour, l'amitié, le travail, etc.), elle permet d'interroger notre rapport aux visages, objets, musiques, personnages de fiction, aux sentiments, aux lieux et situations du quotidien qui déterminent notre relation aux autres. Grâce à cette notion, nous pouvons observer en quel sens nos affinités esthétiques ou encore nos engagements éthiques et politiques infléchissent nos existences.
C'est donc aux ressources du concept de « liens faibles » pour saisir notre monde commun que se consacre ce volume polyphonique, avec l'ambition de rendre sensible la texture invisible de nos vies et de nos attachements ordinaires.
Que peut apporter la littérature à la philosophie morale ? L'ouvrage part d'un même constat : il y a comme une matière commune à l'éthique et à la littérature, qui semblent parfois parler de la même chose et décrire une même réalité morale. Mais celle-ci n'est pas aisée à saisir, et le contenu, la portée morale des oeuvres ne peuvent être déterminés par la connaissance, par des arguments ou par des jugements elles semblent pourtant apprendre quelque chose, éduquer, développer une réceptivité et une appréhension plus fines du monde qui nous entoure. Ce volume veut suggérer que la littérature, par l'éducation sensible qu'elle nous offre, définit une nouvelle forme d'attention à la vie humaine ordinaire avec la perception des détails et des différences, la sensibilité au sens et à l'importance des moments. La lecture se révèle une véritable expérience, intellectuelle et sensible, une « aventure de la personnalité » selon M. Nussbaum, qui transforme la nature de la pensée morale.
(J. d'Harcour)
Table des matières
Présentation
I -- Littérature et connaissance morale
La littérature comme philosophie morale. La fêlure dans le cristal : La coupe d'or de Jmaes par Martha Nussbaum -- Différences et distances morales par Cora Diamond -- Connaissance morale et littérature par Jacques Bouveresse -- Concepts moraux, connaissance morale par Sandra Laugier
II -- Expression morale et vie humaine
Justifier une vie ? par Monique Canto-Sperber -- Descartes, Emerson, Poe par Stanley Cavell -- Les mots justes pour le dire. Perfectionnisme moral et septicisme chez Cavell par Elise Domenach -- Wittgenstein, Dostoïevski et l'homme du souterrain par Layla Raid
III -- Exemples et modèles
Grandeur de l'homme moyen par Vincent Descombes -- Education politique et art du roman par Jean-Jacques Rosat -- L'aventure des Destructeurs par Emmanuelle Halais -- Kafka en Floride par James Conant
Wittgenstein est un philosophe du langage, de l'esprit, et en particulier un philosophe de la subjectivité ; pas seulement de la grammaire de la première personne, ou de la logique du scepticisme, mais de la subjectivité comme exprimée dans le langage, comme articulation du dedans et du dehors : comme voix humaine.
Le mythe de l'intériorité se révèle, dans cette approche, comme un mythe de l'inexpressivité : on préfère un " privé " inaccessible, muet, à la réalité (corporelle) et à la fatalité du vouloir-dire. C'est bien le réalisme (" la chose la plus difficile ", dit Wittgenstein) qu'on découvre alors au bout du scepticisme.
La collection est dirigée par Yves-Charles Zarka, directeur de recherches au CNRS. Il dirige le Centre d'histoire de la philosophie moderne - Centre Thomas Hobbes. Elle a un double objectif : -- réouvrir le débat sur les questions majeures de la philosophie, celles qui ne cessent d'alimenter la pensée, en vue d'éclairer leurs enjeux par des contributions inédites dues aux meilleurs spécialistes - mettre à la disposition des étudiants, des enseignants et plus généralement de tous ceux qui s'intéressent à la philosophie, des dossiers permettant de se faire une idée claire de l'état actuel des connaissances sur un sujet.
Rendre des travaux philosophiques de pointe, accessibles à un large public universitaire et extra-universitaire, tel est le pari de cette collection. (Autres collections : Fondements de la politique - Intervention philosophique) Revue Cités. Philosophie, Politique, Histoire, dirigée par Yves Charles Zarka. Publication trimestrielle
Comment et pourquoi compter sur soi-même ? C'est la question du perfectionnisme moral, une tradition qui traverse la philosophie antique puis a été dominée, à l'époque moderne, par des éthiques normatives, utilitaristes, puis libérales. Ce volume met en évidence la pertinence nouvelle du perfectionnisme, comme alternative à un paradigme moral et politique qui a montré sa limite. Emerson, Dewey, Nietzsche, puis Pierre Hadot, Stanley Cavell, Michel Foucault. promeuvent le souci de soi, contre la morale des devoirs abstraits et des calculs d'utilité. Il montre l'importance du perfectionnisme dans la réflexion morale et politique, et quotidiennement, au cinéma (des comédies hollywoodiennes à Rohmer et Desplechin), dans la littérature (de Jane Austen à Musil et Coetzee), le discours public d'un Barack Obama, ou les trajectoires ordinaires de sortie de la dépendance et de réappropriation de soi.
La question du réalisme a occupé, dans la seconde moitié du XXe siècle, l'essentiel des débats de la philosophie analytique, qui a ainsi retrouvé certains des soucis de la philosophie traditionnelle.
Mais n'est-ce pas la volonté même d'affirmer ou de justifier un réalisme philosophique qui nous éloigne du réel, du réalisme au sens ordinaire, et nous conduit à cette alternative stérile entre relativisme et naturalisme qui semble souvent dominer les débats contemporains ? C'est la question critique posée par la philosophie du langage ordinaire, telle qu'elle a été définie et pratiquée par Austin et, en un sens, Wittgenstein.
Ce livre voudrait en faire entendre la voix (la " voix de l'ordinaire ") et contribuer ainsi à une meilleure perception de l'histoire de la philosophie du XXe siècle, en rendant tous ses droits, aujourd'hui, à une tradition encore trop méconnue.
Le nom de « philosophie analytique » désigne un courant philosophique qui a pris son essor au XXe siècle, et semble devenu dominant aujourd'hui dans le champ philosophique anglophone, voire international. Il est courant de l'opposer, par ses objets et par ses méthodes, à la philosophie dite « continentale ». À première vue, la philosophie analytique se distingue par les questions qu'elle privilégie : théorie du langage et philosophie de la logique, philosophie de l'esprit et de la connaissance... Elle se singularise aussi par le traitement qu'elle en propose : l'analyse, comprise comme adoption d un style de pensée privilégiant l'établissement de distinctions, l'élucidation des questions à partir de l'examen de leur formulation, l'appel au sens commun et à la connaissance ordinaire. La philosophie analytique est cependant loin d'être unifiée, et son développement a, de fait, produit les styles les plus variés. Le champ analytique s'étend au-delà de la philosophie de la logique, du langage ou de l'esprit : la méthode analytique s'applique à des questions éthiques, esthétiques, politiques, métaphysiques. Elle est également marquée, de ses origines au temps présent (de Frege, Wittgenstein, à Quine, Rawls, Brandom), par des figures philosophiques majeures, qui demeurent irréductibles à tout dogme. Enfin, la confrontation rituelle entre philosophie analytique et philosophie continentale ne rend pas justice à la trame complexe de dialogue et d'héritages où s'inscrivent ces deux traditions, et qui produit la pensée contemporaine dans ce qu'elle a de plus vivant. Le présent volume, qui réunit des contributions de spécialistes reconnus du domaine, propose un tableau de la philosophie analytique dans sa diversité ses grandes thématiques, ses thèses principales, ses figures emblématiques et un regard nouveau sur l'importance et l'originalité philosophiques de la philosophie analytique.
Les perspectives féministes connaissent depuis une vingtaine d'années un développement considérable dans le champ académique anglo-saxon.
Si les analyses en termes de genre sont désormais connues du public français, l'idée de care - mot habituellement traduit par soin, attention, sollicitude - n'a pas trouvé un accueil aussi évident. Les publications américaines sur l'éthique du care et ses rapports avec l'éthique de la justice ayant été comparées, non sans quelque sarcasme, à une véritable industrie, l'indifférence des milieux académiques et des féminismes français vis-à-vis d'un mouvement intellectuellement aussi important est étrange.
Le moment semble donc venu de présenter l'éthique du care, et de mettre en évidence les raisons d'une telle résistance. C'est bien la dimension provocatrice de l'idée même d'une éthique du care qui la rend difficilement assimilable, et vulnérable. En réintégrant dans le champ des activités sociales significatives des pans entiers de l'activité humaine négligés par la théorie sociale et morale, ces approches ébranlent la partition entre des registres habituellement disjoints.
Les questions triviales posées par le care -qui s'occupe de quoi, comment ? -font appel à une anthropologie différente comprenant dans un même mouvement la vulnérabilité, la sensibilité, la dépendance. Elles mettent en cause l'universalité de la conception libérale de la justice, installée en position dominante dans le champ de la réflexion politique et morale, et transforment la nature même du questionnement moral.
En proposant de valoriser des caractéristiques morales d'abord identifiées comme féminines - l'attention à autrui, la sollicitude, le souci des autres -, l'éthique du « care » a introduit des enjeux éthiques dans le politique et placé la vulnérabilité au coeur de la morale. Mais cette notion engage aussi des modifications profondes dans d'autres domaines de la réflexion éthique, politique et juridique : notamment, les animaux non humains et l'environnement. Ces changements sont au coeur de Tous vulnérables ? qui aborde des questions fondamentales en éthique animale et en philosophie environnementale grâce à des contributions d'Anne Le Goff, Pascale Molinier, Cora Diamond, Solange Chavel, Eva Feder Kittay, Nicolas Delon, Layla Raïd, Val Plumwood, Marie Gaille, Catherine Larrère.
L'oeuvre d'Emerson est revenue sur la scène philosophique américaine grâce aux ouvrages de Stanley Cavell : Cavell, qui consacra ses premiers livres à Wittgenstein et Austin, s'est ensuite donné pour tâche de faire réentendre la voix d'Emerson en philosophie.
Un tel projet n'est pas seulement historique, il est aussi théorique, et politique : il s'agit de réhabiliter une pensée de la démocratie étouffée par le conformisme libéral qui s'est instauré au XXe siècle aux Etats-Unis. Ce qui pour Emerson définit la démocratie, c'est la confiance en soi, comme refus de la conformité, la capacité qu'a chacun de juger du bien et de refuser un pouvoir qui ne respecte pas ses propres principes.
Quand Emerson embrasse la cause abolitionniste, il dénonce la corruption des principes de la Constitution. Il fait même appel à la désobéissance civile. La confiance en soi est bien une position politique, revendiquant l'autonomie du sujet. C'est ce thème que Cavell reprend chez Emerson, et qu'il propose comme alternative à la pensée politique de John Rawls. Elle est à même d'ébranler aussi bien le libéralisme moderne que le communautarisme.
Cavell avance, avec Emerson, un individualisme radical qui n'est pas une revendication égoïste mais un appel à un nouvel homme ordinaire, celui de la démocratie : c'est là toute l'actualité politique d'Emerson.
Qu'il est donc devenu difficile d'être soi ! Tout bouge si vite autour de nous.
Identités qui s'entrechoquent, familles qui se dé/recomposent, monde extérieur qui se fait anxiogène... : un kaléidoscope de métamorphoses, inédites, remue tout un chacun dans ce qu'il a de plus intime. L'identité sexuelle est-elle devenue politique ? En quoi les nouvelles masculinités questionnent-elles le genre ? Suis-je mieux chez moi à consommer des séries ? Mon assiette dit-elle qui je suis ? Quatre auteures nous racontent ces grandes transformations du moi et des émois, quatre facettes essentielles d'un nouveau visage en train de prendre forme - le nôtre.
Se soucier des autres n'est pas une caractéristique féminine. C'est un travail. Apporter une réponse concrète aux besoins des autres, telle est, aujourd'hui, la définition du care, ce concept qui ne relève pas, comme on l'a longtemps cru, du seul souci des autres ni d'une préoccupation spécifiquement féminine, mais d'une question politique cruciale recoupant l'expérience quotidienne de la plupart d'entre nous. Première synthèse sur cette notion d'une très grande ampleur après les travaux fondateurs de Carol Gilligan dans les années 1980 puis de Joan Tronto dans les années 1990, ce livre concerne aussi bien le domaine du travail que ceux du genre, de l'éthique et de la santé.
«Et si le care devenait, enfin, l'affaire de tous ?»À la racine des inégalités de notre organisation sociale, il y a cette idée qu'une femme, c'est toujours un peu moins légitime, compétent, important qu'un homme. Voilà pourquoi on craint, à chaque soubresaut de l'histoire, que ne se réalise la prédiction de Simone de Beauvoir : «Il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse, pour que les droits des femmes soient remis en question.» De fait, la parole d'expertise et de pouvoir des hommes a repris le dessus durant la crise, alors même que nous redécouvrions que le vaste peuple, aussi indispensable qu'invisible, des travailleurs qui prennent soin des autres était massivement constitué de femmes. De sorte que le combat féministe pour l'égalité peut s'identifier à la défense d'un projet de société qui, au nom de notre vulnérabilité commune, reconnaisse enfin une valeur au travail du soin et à la contribution de chacun plutôt qu'au pouvoir de quelques-uns. Telle est l'éthique démocratique du care.
Les raisons de se révolter ne manquent pas.
Mais, en démocratie, s'engager dans un combat contre l'injustice, l'inégalité ou la domination est un geste qui doit s'exprimer sous une forme d'action politique acceptable. Parmi ces formes se trouve la désobéissance civile : elle consiste, pour le citoyen, à refuser, de façon non violente, collective et publique, de remplir une obligation légale ou réglementaire parce qu'il la juge indigne ou illégitime, et parce qu'il ne s'y reconnaît pas.
Cette forme d'action est souvent considérée avec méfiance : pour certains, elle ne serait que la réaction d'une conscience froissée, puisqu'elle n'est pas articulée à un projet de changement politique ; pour d'autres, elle mettrait la démocratie en danger en rendant légitime un type d'action dont l'objet pourrait être d'en finir avec l'Etat de droit. Ce livre original, écrit par un sociologue et une philosophe, analyse le sens politique de la désobéissance, en l'articulant à une analyse approfondie des actes de désobéissance civile qui prolifèrent dans la France d'aujourd'hui - à l'école, à l'hôpital, à l'université, dans des entreprises, etc.
Il montre comment ces actes s'ancrent avant tout dans un refus de la logique du résultat et de la performance qui s'impose aujourd'hui comme un mode de gouvernement. A la dépossession qui le menace - de son métier, de sa langue, de sa voix -, le citoyen ne peut alors répondre que par la désobéissance, dont le sens politique doit être pensé.
Philosophe française contemporaine, Sandra Laugier a ouvert de nouveaux champs intellectuels au cours des trente dernières années en se faisant la passeuse et la penseuse de la vie ordinaire. Passeuse, avec ses traductions de Stanley Cavell (1926-2018) dans la suite du grand philosophe américain Ralph Waldo Emerson (1803-1882). Penseuse par l'édification de son domaine de réflexion propre. Elle a aussi bien exploré la philosophie analytique que la philosophie morale, les potentialités de la désobéissance civile comme celles de l'éthique féministe du care, ou la radicalité aux États-Unis sur les questions de genre et de race. Son analyse de la culture populaire, à travers l'étude qu'elle a faite des séries télévisées, est elle aussi significative.
Aujourd'hui, la philosophe dresse un premier bilan raisonné de sa trajectoire. Pour ce faire, elle a choisi la forme du dialogue qui sied à sa démarche. Cette conversation menée par le journaliste Philippe Petit nous aide à mieux la connaître.
Une biographie existentielle et intellectuelle.
Quelles sont les conditions d'une pratique démocratique ? Quels sont les référents de la démocratie ? Quelles sont ses formes ? Quel est son avenir dans un moment historique marqué par les urgences et les populismes ? Juristes, philosophes et politiques partagent leurs réflexions avec le souci de garder le difficile mais nécessaire équilibre entre une approche normative, une approche exploratoire et une approche critique de la démocratie.