Il y a un proverbe juif admirable : « L homme pense, Dieu rit. » Inspirés par cette sentence, nous aimons imaginer que Josy Eisenberg, Grand Rabbin cathodique pas très catholique, a entendu un jour le rire de Dieu.
Ce livre n est pas le fruit de quelques mois de travail.
Il n est pas, non plus, la raisonnable somme d un dur labeur accompli sous les lampadaires de la Bibliothèque Nationale. Il est l éclatement du rêve délirant d un fanatique. Mais de ces fanatiques de l humour qui ont commencé à l aimer à l âge de quinze ans.
Cette patiente prospection, sans outils, sans casque protecteur, les mains vides, au plus profond des coulisses de la littérature d humour juif, nous vaut des joies réelles, ces mêmes joies que devaient connaître les chercheurs d or quand ils découvraient un peu de poudre dans des tonnes de rocaille.
Les dictionnaires de citations, les encyclopédies de jeux de mots, les livres de blagues ne manquent pas ! L'ennui, c'est qu'ils contiennent tous, à quelques différences près, les mêmes mots, les mêmes astuces, les mêmes blagues.
Josy Eisenberg, talmudiste, auteur d'ouvrages avec Elie Wiesel, Adin Steinsaltz ou Armand Abécassis, a repris des mots - et aussi dans des registres libertins, où l'on n'attendait guère un Grand Rabbin - pour provoquer notre imagination. Prenez un mot de la langue. Lentement, patiemment, envisagez sous plusieurs angles son vocable. Et à la manière des talmudistes, créez à partir de ce mot une définition inédite et drôle.
Toute lecture devient ainsi une permanente et imaginative gymnastique intellectuelle. Le Grand Rabbin Josy Eisenberg fut accoutumé, dès son enfance, en lisant un mot en hébreu, à lui attribuer simultanément plusieurs significations. Et, tout aussi naturellement, à en faire de même avec la langue française. A la manière d'un psychanalyste, il a aussi couché sur son divan moult noms ou expressions pour décrypter leur inconscient.
Ce n'est pas une lecture, c'est une écoute. Avec les yeux, on ne saisit que le sens littéral. Mais avec l'oreille, tout change. Elle entend autre chose que ce que voit l'oeil, et entendre est synonyme de comprendre. Ce livre est euphonique. Il ne faut pas lire les variations qu'il suggère : il faut presque les prononcer. C'est la polysémie constituant la trame de ce livre qui le rend atypique et particulièrement drôle.