C'est en français, traduit d'après les manuscrits, que paraît pour la première fois, dans son intégralité, le journal de pensée tenu par Jan Patocka entre 19 45 et 1950, document dont la publication était attendueavec impatience depuis sa découverte il y a une vingtaine d'années. Rédigées à une période charnière pour la pensée du philosophe tchèque (entre les fragments systémiques de 1940 et le « platonismenégatif » esquissé au début des années 1950) comme pour l' histoire de son pays et de l'Europe en général (avec le coup d'État communiste à Prague et les débuts de la guerre froide), portées par un mouvementqui fait apparaître questionnement métaphysique et analyse phénoménologique, de plus en plus, comme en prise avec les événements, ces pages « s'imposent - écrit Renaud Barbaras dans sa préface comme un document philosophique majeur, non seulement pour la compréhension de l'oeuvre de la maturité de Patocka, mais par elles-mêmes, tant l'auteur y fait preuve de bout en bout d'une finesse d'analyse et d'une profondeur spéculative dont il y a bien peu d'équivalents ».
disciple de husserl, jan patocka (1907-1977) a rédigé au terme de sa carrière ce magnifique essai qui reprend le débat ouvert entre husserl et heidegger sur le thème de la liberté.
l'histoire peut-elle avoir un sens ? pour patocka, la philosophie qui a conduit à l'idéalisme a échoué dans sa prétention à saisir la subjectivité dans son rapport au monde, c'est-à-dire précisément ce qui fonde l'histoire. remontant aux origines de la philosophie européenne, il aborde alors les problèmes du choix, du souci de l'engagement, et de la violence. la charte 77 dont jan patocka fut le premier porte-parole, trouve ici une première tentative d'expression philosophique.
Eternité et historicité apporte, au débat entre l'existentialisme et le marxisme sur l'idée de l'homme, une contribution qui aurait mérité de prendre place dès sa rédaction, en 1947, à côté de L'existentialisme est un humanisme de Sartre, la Lettre sur l'humanisme de Heidegger et Existentialisme ou marxisme ? de Lukacs.
Ce volume - un des très rares livres conçus par Patocka lui-même en tant que tels - porte l'empreinte des circonstances dramatiques dans lesquelles il a vu le jour : esquissé à l'ombre portée de la guerre à peine finie et des changements politiques alors imminents à l'Est, il s'inscrit dans le feu d'une polémique déclenchée par la publication du testament philosophique d'Emanuel Radl, principal élève du grand humaniste que fut T.
G. Masaryk. Le texte sera ensuite élargi, dans le prolongement du cours de 1947 sur Socrate, à un dialogue avec Scheler, Husserl, Heidegger, Sartre et Jaspers, mais il devra attendre jusqu'en 1987 pour connaître une première édition et vingt ans encore avant de paraître enfin sous sa forme intégrale. Illustration et défense de la possibilité d'une "éthique réellement historique", le texte se lit aujourd'hui comme une étape essentielle sur le chemin qui conduit au "socratisme politique" du propre testament de Patocka.
C'est à Prague, en 1946, que l'amitié se noue entre le Tchèque, maître de conférences à l'université Charles, et le Français, philosophe et mathématicien, venu parler de Sartre. Mieux qu'un roman, la correspondance amicale et philosophique qu'échangeront les deux hommes pendant une trentaine d'année est un témoignage de l'histoire de la seconde moitié du XXe siècle depuis l'autre Europe, à travers le virage totalitaire, le relatif dégel des années 1960 et l'avant-« printemps de Prague », jusqu'à la naissance des mouvements de défense des droits de l'homme au sein desquels bon nombre des futurs dirigeants postcommunistes, plus ou moins fidèles ensuite à cet héritage, feront leurs premières armes.
Publie en 1964, en pleine periode de gel stalinien, Aristote, ses devanciers, ses successeurs, met au clair la situation des sciences mathematiques de la nature. Jan Pato.ka sfy interroge sur les rapports entre la mathematique et le questionnement antique sur le mouvement. Selon lfauteur ce nfest qufa partir des oeuvres majeures dfAristote, la Physique et la Metaphysique, qufil est possible dfetablir une science du mouvement. Dans une confrontation permanente avec son precurseur Platon et ses successeurs Galilee, F. Bacon, E. Fink, Comenius ou Hegel, Jan Pato.ka livre une etude dfhistoire de la philosophie, heritiere dfAristote, qui est en meme temps lfhistoire de sa propre phenomenologie du mouvement.
Dans ces douze essais, rédigés entre 1942 et 1973, Jan Patocka reprend le thème du langage abordé en 1936, dans Le Monde naturel comme problème philosophique. Le cadre général de sa réflexion est toujours la phénoménologie du monde de la vie, le propos de vivifier et concrétiser la pensée philosophique conformément au mot d'ordre husserlien d'un «retour aux choses-mêmes», mais l'interrogation porte ici plus ponctuellement sur la littérature, figure particulière du langage qui constitue l'«objet» ou l'«affaire» de l'écrivain, au sens de ce qu'il y a pour lui à faire. Non pas objet théorique donc, mais modalité de la praxis à travers laquelle se réalise l'existence humaine. Au fil de lectures qui vont d'Homère et Sophocle jusqu'à Tchekhov et Thomas Mann en passant par Comenius, Goethe et le poète romantique tchèque K.H. Macha, le philosophe pose les questions du rapport de l'art au temps, à la vérité, au phénomène et à l'examen de l'âme, s'appliquant surtout à mettre en lumière la fonction d'ouverture et d'ébranlement propre à la saisie du monde qu'il opère. En filigrane, un double dialogue avec Hegel et Heidegger. En toile de fond, une attention sans défaillance portée au destin spirituel de l'Europe. Au bout du chemin, une vision «polémique» de l'art comme partie intégrante du combat pour le sens de la vie dans toute l'amplitude de ses dimensions sociale et historique.
« Qu'est-ce que l'‹ âme › ? [...] Chez Socrate [...] c'est un destin intérieur, la détermination intime de l'homme. L'âme décide d'elle-même et possède à cette fin une faculté qui n'appartient qu'à elle - la connaissance de la vérité, la faculté de distinguer le bien du mal. Ce qui, chez nous, décide en dernière instance de soi-même, en vertu de sa connaissance du bien, c'est l'âme selon Socrate. Pourquoi alors faut-il en prendre soin ? Pourquoi faut-il en avoir souci ? ».
Cours professé à l'Université Charles de Prague en 1946, le Socrate de Jan Patocka constitue une interprétation délibérément philosophique de la pensée socratique telle qu'elle se révèle à travers les témoignages de ses disciples. En six chapitres, l'auteur traite d'abord des problèmes que posent la reconstruction philologique et l'interprétation philosophique de la figure de Socrate. Il aborde ensuite les présupposés culturels de l'activité du philosophe athénien tels que la tragédie et la sophistique et il résume les circonstances de sa vie. Enfin, Jan Patocka réfléchit sur les objectifs de la quête philosophique de Socrate et sur la signification que revêtent chez lui les notions du soin de l'âme, de la vertu et du bonheur. Une importante annexe reprend le dossier des témoignages sur les disciples de Socrate pour défendre l'idée d'un socratisme qui, pour peu qu'il constitue une doctrine, n'en est pas moins une philosophie.
Rassemblant douze textes rédigés entre 1934 et 1976, ce recueil remet les Essais hérétiques en perspective en permettant de saisir quelques-unes des principales lignes de force qui font l'unité intime de l'oeuvre de Patocka et communiquent à sa pensée la tonalité et la tension éthiques qui lui donnent son éclat particulier à l'intérieur du mouvement phénoménologique.
Ligne de force de la liberté en tant qu'expérience fondamentale de l'être historique qu'est l'homme, transcendance qui, dans sa négativité, rejoint le " pas en arrière " des analyses phénoménologiques. Ligne, négative là encore, de la problématisation socratique. Ligne du destin qui s'ensuit et qui, incarnation exemplaire du conflit de la philosophie avec le monde comme il va, renvoie en direction du " sacrifice radical " à travers lequel la liberté, reniée à force de trop se revendiquer, refait signe à l'époque moderne, poussant Patocka, dans un regard qui embrasse toute l'étendue de l'histoire spirituelle de l'Europe, à considérer le Gestell heideggérien à travers le prisme du polemos dont parlait Héraclite.
Écrits " polémiques " donc et " pathétiques ", autant que " politiques ", qui nous parlent de l'humanisme, de la modernité et de ce qui ne prétend pas " sauver ", mais qui résiste dans l'expérience philosophique vécue en tant que " soin de l'âme " - à la fois ébranlement radical et mode fondamental de la responsabilité vis-à-vis d'un sens à jamais problématique.
Loin du traité systématique sur la phénoménologie après Husserl et Heidegger, encore plus loin du commentaire savant de tel ou tel texte fondateur, le présent recueil est porté par quelques-unes des questions et perplexités fondamentales laissées pendantes par les deux maîtres de Fribourg.
Témoins d'une méditation prolongée sur le sens de la phénoménologie comme interrogation ouverte à l'écart de toute réduction scolastique, les études ici rassemblées (écrites entre 1960 et 1976) sont appelées, par leur style et par leur fond, à faire de Patocka un véritable classique de la phénoménologie, à montrer que celle-ci, quoi qu'on en ait dit durant des années heureusement révolues, appartient toujours au mouvement de la pensée.
Qu'il s'agisse du problème de l'autre et de la spatialisation originaire, de la réinterprétation du cogito à travers la conception d'une phénoménologie " asubjective " qui ouvre à un nouveau sens du monde et de sa phénoménalité, ou encore, dans le même mouvement, de la distinction rigoureuse qu'il faut désormais opérer entre épochè et réduction phénoménologique, la pensée ici au travail nous propose des réponses inédites à des apories bien connues, et qui sont susceptibles de constituer, à leur tour, autant de nouveaux départs pour la réflexion.
Pour la première fois sans doute depuis le tournant du siècle, et avec une subtilité extrêmement stimulante, Patocka, dont on sait que la vie fut brutalement interrompue en 1977, était en train, parallèlement à Merleau-Ponty, de libérer la phénoménologie d'une métaphysique trop exclusive du temps originaire, et par là, de l'ouvrir à un sens plus aigu de la phénoménalité.
Pendant du volume L'Écrivain, son «objet», ce recueil présente neuf études écrites pour la plupart en marge de la traduction de l'Esthétique de Hegel publiée par Patocka en 1966. L'art et le temps, c'est aussi l'art et l'histoire. Non seulement un regard historique sur la discipline spéciale du savoir que l'on nomme l'«esthétique», un tour d'horizon de la réflexion philosophique sur le beau et sur l'art depuis les présocratiques jusqu'à nos jours, à travers Platon et la Renaissance, avec un grand temps d'arrêt auprès de l'idéalisme et du romantisme allemands, une analyse approfondie de la conception hégélienne qui détermine toute la pensée moderne dans ce domaine, mais encore une réflexion qui rapporte tout ce complexe thématique aux questions fondamentales de la philosophie en général, un chemin de pensée dont les grands jalons ? le souci et le drame de l'âme, la tragédie de la liberté, la crise du sens, le temps en tant que lieu de la vérité, fondement à la fois de la phénoménalisation du monde et du mouvement de l'existence humaine dans sa transcendance ? sont déjà familiers aux lecteurs de Patocka. Esquissant une approche de la vérité de l'art fondée dans le problème du temps en tant que temporalité, ouvrant en avenir la théorie hégélienne de l'art comme «chose du passé», le philosophe tchèque défend avec conviction le rôle positif qui peut être celui de la création artistique dans le contexte de la crise actuelle de la civilisation rationnelle ? non pas comme récepteur passif d'une «faveur de l'être», mais en tant que l'art, «identité du sens et de sa manifestation», demeure «intégralement et par définition une preuve de la liberté spirituelle de l'homme».
Système fermé. Une philosophie inachevée est une philosophie ouverte. Une philosophie qui, d'une certaine manière, recommence à nouveau à chaque pas, reprend chaque problème à partir du début. " Telle est la situation dont témoignent les Papiers phénoménologiques, recueil d'écrits datés des années 1965-1976, inédits en tchèque et en allemand, dont le texte a été établi, puis traduit par Erika Abrams. Le choix éditorial qu'elle propose se distribue selon deux axes principaux : tout d'abord, celui du mouvement de l'existence, rayonnant dans les problématiques de l'espace, de la corporéité, de l'être-avec ; ensuite, celui du mouvement de l'apparition, en confrontation critique avec les pensées de Husserl, de Heidegger et de Fink. De l'un à l'autre axe, et dans leurs recroisements, se trouvent les motifs complexes qui ont préparé à l'élaboration de la " phénoménologie asubjective ", sans doute l'apport le plus original de Patocka à la phénoménologie. À l'heure où l'essentiel de l'?uvre phénoménologique de Patocka commence à être connue du public français, il était indispensable, pour donner l'idée du travail phénoménologique, de pénétrer dans le " laboratoire " des pensées du philosophe tchèque. Et ce, pour tenter de conjurer le danger qui menace la phénoménologie depuis sa fondation par Husserl : sa réduction à des corps de doctrine où se perd ce qui fait la " vie " même de la phénoménologie. Incitation, donc, à la poursuivre plutôt qu'à la " compléter " ou à la " dépasser ", dans la découverte qu'il n'y a pas un seul de ses thèmes de réflexion qui ne soit très concrètement une question et un problème, ouverts à l'infini de la reprise incessante, au gré de styles d'interrogation irréductiblement divers.
Conçue et écrite dans le milieu des années soixante, cette introduction à la phénoménologie de husserl marque les retrouvailles de patocka avec la phénoménologie après la césure de la guerre et des années cinquante.
Ayant fait l'objet d'un cours à prague et à mayence, ce texte ne vaut pas seulement par ses vertus pédagogiques, mais surtout par la remise en perspective globale, historique et critique, qu'il propose de la problématique du fondateur de la phénoménologie. exposé en forme de bilan, repartant des origines dans la philosophie de l'arithmétique et les recherches logiques, et allant jusqu'à la réduction phénoménologique, la conscience intime du temps et la question de l'intersubjectivité, il est remarquable par son sens des nuances et des difficultés, le plus souvent inaperçues dans des présentations plus doctrinales : on y retrouve tout l'"esprit de finesse" si caractéristique de patocka.
Destiné à tous les publics intéressés par la phénoménologie, cet ouvrage, rédigé par un familier de husserl, de heidegger et de fink, vaudra tant par la puissance que par la subtilité de sa remise au point.
Le cours est suivi d'un manuscrit de travail, daté de 1976 par les archives patocka, et intitulé "la phénoménologie transcendantale de husserl après révision". c'est dire que patocka ne s'est jamais estimé quitte de l'oeuvre de husserl, dans ses efforts pour en prolonger la portée.
Le monde naturel comme problème philosophique, thèse d'habilitation de Jan Patocka, parut d'abord en 1936, en même temps que la première partie de la Krisis. C'était alors le premier ouvrage - et longtemps le seul - expressément consacré à la notion, à la description et aux analyses husserliennes de la Lebenswelt. Si le jeune Patocka y demeure fidèle au transcendantalisme de son maître, c'est en toute indépendance qu'il tente la restitution du monde dans lequel nous vivons - dans un dialogue avec l'analytique existentiale de Heidegger, la cosmologie de Fink, la théorie de la forme et les inspirations du Cercle linguistique de Prague. Cette nouvelle traduction, comprenant l'autocritique approfondie que l'auteur a tenu à ajouter en 1970 à la seconde édition tchèque, permet au lecteur de suivre le développement de ce thème clef dans la genèse de sa conception originale de l'existence en tant que mouvement et le virage vers une phénoménologie « asubjective ».