L'Encre du voyageur a reçu le prix Fémina Essai 2007. « Un voyage n'est que de l'encre. Toute exploration est le souvenir d'un ancien manuscrit. Christophe Colomb découvre une Amérique qu'il avait arpentée dans les récits de Marco Polo. Les missionnaires qui ouvrent le Brésil, au XVIe siècle, connaissent par coeur les textes des écrivains antiques, Pline le Jeune ou Hérodote. C'est pourquoi ils aperçoivent dans la forêt équatoriale toutes ces amazones. En lisant, en écrivant, j'ai parcouru quelques recoins de la terre, Inde, Islande ou Tahiti. J'ai ajouté ma peinture aux peintures qui les barbouillaient déjà. Cela m'a permis d'en raviver la fraîcheur, d'en débusquer les surprises, les miracles. »Gilles Lapouge.« Avec une érudition et un humour formidables, Gilles Lapouge enrichit nos rayonnages d'une bien séduisante philosophie de la géographie. » Géo.« Les écrivains sont les meilleurs guides. Avec Lapouge, on est sûr de s'égarer avec bonheur... Incitant au rêve, sollicitant les imaginations, favorisant la réflexion, L'Encre du voyageur convie à une délicieuse flânerie planétaire rappelant que, dans un monde qui court sans savoir où, on ne perd jamais son temps à perdre du temps. »Jean Contrucci, Le Nouvel Observateur. « Joyeux, poétique, insolite, malicieux, drôle, amical Gilles Lapouge va là, où, mode ou pas mode, ça lui chante. Et il s'enchante de là où il est allé... Ses points de vue ne figurent dans aucun guide. Normal qu'on ne les retrouve pas après son passage, car il faut avoir son oeil, sa culture et son style... Sa prose, c'est du nanan à déguster. À Madurai existe un bassin dans lequel, autrefois, on jetait les livres pour en juger les qualités. S'ils tombaient au fond, ils ne valaient pas tripette. S'ils flottaient, ils méritaient d'être lus. J'ai jeté le livre de Gilles Lapouge dans le bassin du Luxembourg. Tiens, comment avez-vous deviné qu'il n'a pas coulé ? »Bernard Pivot, de l'académie Goncourt, « Les livres de Gilles Lapouge devraient être remboursés par la Sécurité sociale... »Mohammed Aïssaoud, Le Figaor littéraire.« Un enchantement [...]. Ce livre éblouit par sa beauté, sa polyphonie, sa sagesse... »Roger Bichelberger, Le Républicain lorrain.
"Les hommes savent bien que le jardin d'Éden ne rouvrira pas ses portes mais ils en ont toujours cherché le reflet, la fuyante annonciation. Ils ont consacré beaucoup de nuits blanches à se confectionner leurs propres Champs-Élysées et se sont fait une collection d'eldorados : cités idéales, châteaux de la liberté, îles sans péché et sans chagrin, communautés d'amour et de chair fraîche, jardins de fleurs et d'oiseaux, phalanstères et «fais ce que voudras».
Rares sont les réussites. Pourtant, faute de savoir édifier des paradis doués d'une éternelle espérance de vie, les civilisations ont parfois réussi à manufacturer des petits bouts d'édens, des olympes provisoires capables de luire quelques jours ou quelques siècles à l'horizon de nos mélancolies."
Tout sépare, a priori, l'âne et l'abeille, sauf leur nature presque unique de déviants sexuels. Ils ont en commun de faire l'amour en dehors de leur espèce ou de leur règne respectif. L'un s'accouple avec la jument, l'autre avec les fleurs, les plantes, les vents qui transportent leur pollen.
Avec malice et poésie, le récit de ce pan d'histoire de la nature.
Cette contribution est une découverte des mystères du climat à travers les civilisations. Un voyage mené grand train, avec poésie et espièglerie.
Avec la mort, le climat est un des rares territoires sur lequel les hommes n'ont pas réussi à faire main basse, l'un des derniers rebelles. S'il a cédé quelques provinces de son Empire, il a cependant résisté à la mise en ordre généralisée qui forme le seul et pauvre dessein des civilisations. Face à la terre que nous sommes en train de réduire en esclavage, les nuages sont les derniers vestiges des primitives libertés. Les vents se lèvent quand ils en ont assez de dormir, ils font les matamores, cassent une ou deux îles tropicales, rentrent dans leurs songes, mais ils ne somnolent que d'un oeil, ils se réveillent en sursaut et vagabondent encore.
Je connais le Brésil depuis soixante ans, jour pour jour. Il m'a toujours étonné et surpris, parfois énervé, sans me décevoir jamais. Ce dictionnaire voudrait donner à voir ses forêts du début des choses, ses eldorados, les déserts écorchés du Nordeste, la douceur de ses habitants et leurs cruautés, la volupté de Rio, de Brasilia, de Sao Luis, les fêtes et les sambas, les fascinants poissons de l'Amazone, l'aventure du caoutchouc, du café et de ce bois écarlate qu'on appelle " le bois brésil ". Comme je fréquente ce pays régulièrement, je l'ai peint avec mes souvenirs. Je montre ses images. Je me rappelle ses odeurs et ses orages. Parallèlement, je parcours son histoire dont nous ne connaissons en Europe que des bribes, et qui fut brutale et fastueuse. Je parle également du Brésil d'aujourd'hui, partagé entre l'horreur des favelas et l'impatience d'un peuple qui, pour la première fois peut-être, sait qu'il est en charge de son propre avenir. C'est cela, être amoureux d'un pays.
G.L Gilles Lapouge est journaliste au quotidien O Estado de Sao Paulo. Parmi ses livres, on peut citer Equinoxiales, qui relate un voyage solitaire dans le Nordeste brésilien, la Mission des frontières, une épopée baroque située dans la jungle amazonienne au XVIIe siècle, mais aussi Les Pirates, Le bruit de la neige. Parmi des titres plus récents, on peut citer L'encre du voyageur (prix femina de l'essai) et La Légende de la géographie.
«La chevauchée de deux soldats perdus conduit le lecteur à travers les horreurs et les surprises de la guerre. Au hasard des batailles, dans la brume, la neige et la boue, apparaissent de singuliers personnages : un capitaine innocent et roublard, un vieux général résigné, un colonel qui ne l'est pas du tout, des troupiers ahuris, fraternels et désolés, une fille belle et généreuse. S'agit-il d'une épopée, d'un récit picaresque ? Les couleurs de ce roman ne sont pas celles de l'héroïsme et les situations les plus cocasses y ont quelque chose de désespéré. Malgré ses cruautés, cette histoire de guerre n'est peut-être qu'une histoire d'amour et de tendresse.»Henri Bonnier.
Un livre est une usine, la plus petite du monde et la plus robuste. Oubliez un roman dans la cave. Vingt ans plus tard, soufflez sur la poussière qui emmitoufle ses pages et vous entendez du bruit. Des bielles, des pistons vont et viennent. On dirait qu'un coeur se remet à battre et Madame Bovary appelle Rodolphe. Et le prince André meurt à la bataille de Borodino.
C'est pourquoi j'aime relire. Je comprends à présent que Marguerite Duras fut une des plus belles voix de son siècle et que le style absent de Simenon est un grand style. Le génie de Tolstoi est inchangé mais, cette saison, j'entends aussi, au milieu du fracas de la guerre, la timide voix du soldat Platon Karataiev.
Ainsi, va la littérature. Elle fait semblant de dormir mais elle travaille. Blottie dans sa nuit, elle remue.
Gilles Lapouge
Gilles Lapouge est un jeune homme de plus de 90 ans, talentueux et taquin. Quand il n'écrit pas un article quotidien pour le journal brésilien O Estadão, comme il le fait depuis soixante-cinq ans, il arpente les pays froids ou les cartes d'antan. Et parce qu'il lui reste toujours du temps, il construit, pas à pas, une oeuvre littéraire inclassable faite de guerres improbables, de mirages, de pirates, de souvenirs revus et rêvés, de bruits de neige, de frontières poétiques, d'ânes ou d'abeilles. Homme de plume, de radio et de télévision, l'écrivain « un peu voyageur » Lapouge est un apprenti étudiant qui s'émerveille afin de mieux enchanter les lecteurs.
Dans cet abécédaire intime, il est à la fois historien, conteur, ami fidèle et flâneur de toutes les rives. Au fil de son odyssée, ce robinson léger nous invite à rencontrer son ami Nicolas Bouvier, évoque sa participation aux débuts d'Apostrophes avec Bernard Pivot et ses échanges érudits avec Jacques Lacan qu'il a bien connu. Il nous convie au coeur de l'Amazonie, son paradis terrestre, et raconte aussi les écrivains-voyageurs, les poètes capitaux et les complices. Une grande traversée avec un bel équipage.
Présenté par Gilles Lapouge, voici le fameux journal de route du sergent Bourgogne, qui vécut, avec la Grande Armée de Napoléon, après d'autres campagnes mémorables, la campagne de Russie.
De la prise de Moscou au passage de la Bérézina, un extraordinaire récit d'une des plus terribles tragédies de l'histoire militaire. Adoptant le point de vue des plus humbles, Bourgogne raconte dans sa vérité crue cette campagne jalonnée de souffrances inouïes qui, en quelques mois, coûta la vie à quatre cent mille soldats.
Cet ouvrage est réédité en poche à l'occasion du bicentenaire de la retraite de Russie.
Les Pirates (1968) ne se borne pas à raconter l'histoire de la piraterie. Il en traite comme d'une révolte, peut-être la plus extrême, en tout cas la plus longue qu'ait connue l'humanité. Les figures ténébreuses et fascinantes qui sont évoquées ici - des Barbaresques aux flibustiers, des boucaniers aux écumeurs de la mer de Chine - accomplissent leur révolte à la fois dans l'histoire et hors de celle-ci. Le pirate se dresse d'abord contre l'ordre qui régit la société de son temps mais aussi contre l'image qu'il se fait de la condition humaine.
Gilles Lapouge, pour notre plaisir et notre édification, respecte au long de ces pages la part de l'aventure et la décrit minutieusement. Mais il cherche surtout à savoir quelle parole a tenté maladroitement de se dire, dans ce mouvement qui s'est étendu sur des millénaires et qui a concerné tous les peuples de la terre.
Jugement d'un orfèvre :
« Lapouge a composé un texte qui est une vraie machine à enflammer l'imagination - un piège à rêves. » FRANCOIS NOURISSIER / LE FIGARO
A la fois essayiste, « anti-voyageur », historien, romancier, Gilles Lapouge est avant tout un fou de littérature qui, à travers des formes diverses, a toujours exploré les mêmes thèmes : la neige, l'utopie, la frontière, le temps qui passe. Ici, pour la première fois, dans ces entretiens avec Christophe Mercier, il se dévoile véritablement, parle de son enfance en Algérie, de sa famille tant aimée, de ses amitiés. Il raconte Paris après la guerre, le Brésil des années cinquante, la presse, la télévision et la radio. Il évoque chacun de ses livres. Il explique sa façon de voyager, et pourquoi il ne se considère pas comme un voyageur tel que le sont ses amis du festival de Saint-Malo. Et, surtout, il parle de ce qui a été la passion de toute son existence - d'où le titre La Maison des lettres : la littérature, consacrant de longs passages à ses grandes admirations : Stendhal, Rimbaud, Dickens, Knut Hamsun ou Jean Giono.
Au fil de ce voyage au long cours, on croise le tout premier géographe, un homme de la Préhistoire. Fatigué de s'égarer sur le chemin de sa caverne, il griffonne la première carte sur un rocher. On rencontre aussi Romulus, le premier traceur de frontière ; des douaniers népalais perchés sur un glacier. Peuplées de conquistadors égarés et de grognards enneigés, d'explorateurs rêveurs et de monarques baptiseurs, les pérégrinations de Lapouge dessinent les contours d'une géographie vivante, épique, érudite sans jamais être pédante.
Gilles Lapouge
En étrange pays
Grand voyageur, lecteur à l'érudition immense et jamais pesante, esprit partagé entre la nostalgie et l'émerveillement, Gilles Lapouge nous emmène « en étrange pays » à chaque page de ce livre.
Ici l'on rêvera sur l'étrange comportement des abeilles quand elles semblent se suicider en masse. On apprendra à classer les frontières en « familles », comme les papillons ou les plantes. On découvrira le tragique destin, dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, des ânes venus d'Afrique du Nord. On verra des écureuils anglais et écossais fraterniser dans une forêt plantée exprès pour eux.
Le romancier inspiré de L'Incendie de Copenhague et des Folies Koenigsmark appartient à l'espèce fort rare des écrivains qui, d'une simple chronique de presse, savent faire un poème, un apologue, et nous convient à une surprenante promenade dans l'histoire et les livres, la mémoire ou la fantaisie.
Le plaisir de lire ! S'il est un écrivain spécialiste de ce don au lecteur, c'est bien Gilles Lapouge.
Jean-Pierre Rudin, Nice-Matin.
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La figure du soldat remontait, comme du fond d'un lac, et resplendissante, à mesure que la calèche aux coussins bleus s'élevait dans les tournants qui joignent la gare de champtercier au village, surtout à partir du bois des amoureux qui forme la frontière, nous le disions toujours, du village. la frontière de notre enfance. notre bonheur commence et finit au bois des amoureux. notre tristesse commence et finit au bois des amoureux. un point, c'est tout !
G. l.
L'utopie vient de changer de masques et d'habits sous nos yeux : il y a vingt ans, dans les vacarmes et les promesses de 1968, elle faisait semblant d'être douce, amoureuse et libre. Aujourd'hui, sa figure est rébarbative. Pol Pot et les ordinateurs de l'Occident nous ont ouvert les yeux : bien loin de faire la fête, l'utopie aménage des maisons sans joie, sans amour ni fantaisie. Platon, Thomas More, Cabot, Owen nous avaient cependant prévenus. Ils nous avaient enseigné que l'utopie est une logique, non une figure poétique; un système clos, non une dérive ou une évasion. L'utopiste déteste le temps et il l'incarcère. Il se sauve des horreurs de l'histoire en élaborant un contre-système glacial fondé sur les mines de la libellé humaine.
Ce livre parcourt les chemins de l'utopie; en même temps qu'il relit les grandes doctrines, il est à l'affût des objets qui, dans le monde réel, sont infectés par la tentation utopique : les janissaires ou les couvents de saint Benoît, l'horloge et le cristal, le jeu d'échecs, les automates, l'art héraldique, le navire, les coléoptères... Ces vagabondages suggèrent qu'au-dessous des territoires du réel s'étend un autre sol, le sol morne, silencieux et blême de l'utopie : là, dans un espace inexaucé, les êtres, les choses ou les sociétés s'associent le long d'un réseau de lignes enchevêtrées, lignes souvent inaperçues des hommes de l'histoire.
Gilles Lapouge est romancier, journaliste, critique littéraire. Ses deux derniers romans, La Bataille de Wagram et Les Folies Koenigsmark, ont été de grands succès.
Quel roman, la vie des Koenigsmark ! Durant un grand siècle, de la guerre de Trente Ans, en 1618, à la bataille de Fontenoy, en 1745, ces soldats venus du Nord font le coup de feu sur toutes les scènes de la tragédie européenne. De Riga à Athènes, ces étincelants guerriers avancent la torche à la main, au service du roi de France ou de l´empereur germanique, du roi de Pologne ou de celui de Suède. Ils pillent Prague, incendient la Flandre, coulent des galères barbaresques et font sauter le Parthénon. Ils courent les femmes dans les boudoirs de la Régence, les bals de Venise, les châteaux de Hanovre ou les chambres ombreuses du Kremlin. À leur tonitruante panoplie de soldat, les Koenigsmark ajoutent tous les ingrédients des amours folles, dagues et poisons, masques et travestis.
Le dernier guerrier de la lignée, le maréchal de Saxe, fils bâtard d´Aurore de Koenigsmark et du roi de Pologne, Auguste le Fort, naît en Allemagne, se bat contre Louis XIV avant de sauver Louis XV, manque de devenir tsar, roi de Madagascar, prince de Courlande ou de Corse, aime des princesses et des chimères, des comédiennes et des paysannes. Ce maréchal romantique meurt dans le château de Chambord. On ne sait rien de sa mort. Le roman commence...
Journaliste et critique littéraire, Gilles Lapouge a déjà publié plusieurs ouvrages dont La Bataille de Wagram qui reçut en 1986 un accueil enthousiaste de la critique et du grand public.
1797, à Vienne, Otto Apfelgrum, lieutenant dans le régiment autrichien des cuirassiers blancs appartenant à la duchesse Clémence, épouse du duc de Saxe-Salza, participe aux guerres napoléoniennes. Il s'éprend de la duchesse et s'attire les foudres de son époux. Prix des Deux Magots 1987.
Beauté des Indiennes et des Négresses. Ils ont, en outre, la charge, presque officielle, de peupler cet immense espace vide. Et comment ne pas céder à pareille invite dans une terre que tout condamne aux frénésies de l'amour fou: la chaleur, la langueur, et l'opulence; la force et la sauvagerie des grands propriétaires fonciers et leur pouvoir sans frein sur toutes les créatures de la fazenda;
L'enfermement des femmes et ces chuchotis de gynécée dans la belle demeure baroque où règnent les ténèbres et le soupçon;
L'aiguillon du péché et les délices que la foi catholique ajoute aux excès sexuels; la cohabitation des maîtres et des esclaves;
Les beaux corps noirs ensanglantés de coups; la présence auprès des bébés et des enfants de ces femmes superlatives que sont les domestiques africaines, et leur odeur, leur douceur, leur sensualité; la complication des liens de parenté dans les "grandes maisons" des seigneurs du sucre; les ravages de la jalousie, oui, tout conspire à organiser dans les riches plantations du Nordeste ou de Sao Paulo une interminable tragédie de chair et de mort, avec vengeances, mises à mort et tortures, adultères et incestes, supplices et syphilis.
L'histoire du Nordeste colonial compose un fastueux épilogue aux Diaboliques de Barbey d'Aurevilly, aux Chroniques italiennes de Stendhal." Gilles Lapouge découvre le Brésil pour la première fois en 1950, quand il intègre la rédaction d'un quotidien à Sâo Paulo.Trois ans plus tard, il en est devenu le "correspondant" à Paris. Ce sont ces correspondances "équinoxiales" entre France et Brésil qui se déploient ici au rythme du grand décalage entre souvenirs et rêveries, mythologie et Histoire-géographie dans un irrésistible de mouvement de vagues.
Une évocation fabuleuse du pays dont on ne revient jamais.
"Je n'ai pas beaucoup d'autorités sur mes souvenirs.
Ils n'en font qu'à leur tête. Je suis voué à les suivre. Parfois, ils se moquent carrément de moi. Si je leur donne l'ordre d'aller vers le sud, c'est à l'ouest que je me retrouve. Ils mettent malice à me contredire. Comme ils vont trop vite pour mon pas, je boite. Ils me distancent. Ils en profitent pour me semer, comme les parents indignes, dans les contes de fées, entraînent leurs enfants dans les forêts obscures.
Ils me mettent un bandeau sur les yeux. Ils me font tourner et, quand ma tête est un vertige, ils arrachent le foulard. Je me demande alors en quelle géographie je suis tombé et dans quel moment de ma vie. Je ne reconnais rien. Je suis dans un lointain. On se chamaille un peu, mais après une rapide altercation, je suis bien obligé de reconnaître qu'en effet je suis passé dans ces écarts, il y a longtemps, longtemps, comme en un songe, et que j'avais tout oublié.
En général, mes souvenirs ont meilleure mémoire que moi. C'est pourquoi je les laisse faire. Je leur donne tous les pouvoirs" - Gilles Lapouge. De quoi donc une vie est-elle faite ? Dans les livres de la collection Chemin faisant, des créateurs égrènent leurs souvenirs. Au fil de leurs flâneries, ils nous racontent leurs rencontres, nous entretiennent de leurs amitiés, nous parlent des livres qu 'ils ont aimés, des films qui les ont touchés, des expériences qui les ont marqués, des musiques qui les habitent, des voyages qu'ils ont entrepris, bref de tout ce qui les a constitués.
En se livrant chacun à leur manière, ils nous ouvrent les portes de leur royaume intérieur.
Le professeur Pétursson revient en Islande après vingt ans d´absence. Le roi Frédérick IV, qui règne sur le Danemark en cette année 1702, lui a donné la mission de rétablir la justice dans la grande île neigeuse, mais cette mission est un leurre. En vérité, le docteur Pétursson a reçu de son souverain d´autres instructions, plus obscures.
À la tête d´une petite troupe de gendarmes et de scribes, l´érudit connaît le froid, les nuits lumineuses du bel été, les ténèbres de l´hiver, les chevauchées dans les pluies, la maladie, l´enthousiasme et le découragement. Des tueurs le suivent à la trace, comme des loups.
Entre deux randonnées, il fait halte dans le Palais du gouverneur, à Bessastadir. Là, dans une cour de pacotille et de poudre aux yeux, luxueuse et crépusculaire, il affronte d´autres ennemis. Des dames belles et cruelles, des vieillards lunatiques lui tendent piège sur piège.
Dans cette Islande de rêve et d´illusion, sauvage et lunaire, il poursuit sa quête insensée, oublié et oublieux de tous.
Si L´Incendie de Copenhague a le charme subtil, l´érudition et l´imagination facétieuses de La Bataille de Wagram et des Folies Koenigsmark, s´y mêlent ici les séductions d´une terre envoûtante et mythique, baroque et étrange, où s´enlisent les vérités comme les secrets.
Mon premier voyage fut au Sahara, avec ma famille, et j'étais minuscule.
Comme le spectacle des sables ne se renouvelait pas trop, j'ai décidé de récolter des mirages. Les dunes se sont peuplées d'antilopes et de châteaux forts, avec des lacs et des villes dans l'eau de ces lacs.
Ce n'est pas dans le sommeil mais dans la veille que le mirage opère ; si le rêve invente des océans qui n'existent pas, le mirage n'a aucune imagination. Pourquoi ajouterait-il des bariolures à celles du monde puisque le monde l'émerveille ? Il aide à voir les choses qui se cachent et la beauté de ces choses.
Le mirage exige quelque préparation, de la modestie et un peu d'adresse.
Pour en produire des spécimens recommandables, il faut savoir se perdre, ignorer la géographie, oublier sa mémoire, confondre le nord avec le sud, marcher à pas de loup, fréquenter les mortes saisons, les arrière-pays et les tremblements du temps.
Ce livre présente quelques mirages de ma collection. Je suis allé les ramasser un peu partout. Peut-être en Inde et peut-être dans les îles Sous-le-Vent, ou bien dans les mines d'or du Grand Erg occidental et du fleuve Amazone, dans les villes de neige de l'Islande, dans les dédales où vivent les enfants.
G.L.