« Ma carrière, commencée un an après l'élection de Ronald Reagan et conclue deux ans après celle de Donald Trump, s'est inscrite dans un moment particulier de l'histoire qu'à défaut d'un autre terme, j'appelle le «néo-libéralisme». Fondé, en économie, sur la souveraineté du marché, sur la méfiance vis-à-vis de l'État et sur l'ouverture des frontières et, en politique étrangère, sur la conviction de la supériorité des valeurs de l'Occident, ce modèle s'est imposé partout. ».
Après trente-sept ans au Quai d'Orsay à occuper les postes les plus prestigieux, Gérard Araud analyse ici la longue séquence historique dont il a été un acteur et un témoin privilégié.
Admirateur de Kissinger qu'il a rencontré de nombreuses fois, Gérard Araud raconte l'homme dans toute sa complexité et le parcours exceptionnel de celui qui fut l'un des plus grands acteurs de la politique étrangère du XXe siècle.
C'est l'histoire d'un jeune Juif né en 1923 en Allemagne, dont la famille fuit in extremis le nazisme pour New York. D'une intelligence lumineuse, travailleur et cabotin à l'excès, il sut naviguer en toutes circonstances du Bronx à Harvard jusqu'à la Maison-Blanche.
Conseiller national de Sécurité puis secrétaire d'État auprès du président Nixon, Henry Kissinger joua un rôle central dans l'histoire du monde : fin de la guerre du Vietnam, ouverture vers la Chine en 1972, détente avec l'URSS et guerre du Kippour... Ses prouesses furent nombreuses, au Moyen-Orient ou en Russie, ses revers aussi, au Chili ou au Cambodge.
Négociateur hors-pair, l'homme suscite autant d'admiration que de détestation. Pourtant, il exerce toujours son influence alors qu'il a quitté le pouvoir depuis plus de quarante ans. Tous les grands se bousculent encore pour le consulter : Poutine, Xi Jinping, Modi ou Macron.
C'est en diplomate que Gérard Araud retrace, avec de savoureuses anecdotes, la trajectoire de ce mal-aimé des Américains, homme d'esprit et génie de la Realpolitik qui régla le jeu des puissances pour garantir la paix du monde.
L'invasion de l'Ukraine par la Russie a bouleversé les Européens qui assistent médusés au retour de la guerre interétatique sur leur continent. En effet, depuis 1945, les Européens de l'ouest sont sortis de l'Histoire grâce aux Etats-Unis. Poutine, qui se comporte comme les Etats l'ont fait pendant des siècles, leur prouve qu'ils doivent aujourd'hui se réhabituer à vivre une tragédie et non un drame bourgeois. Le ''moment occidental'' arrive à son terme, et l'on voit apparaître un monde de grandes puissances qui ont à définir un équilibre fondé sur les rapports de force, similaire à celui que connaissait l'Europe jusqu'en 1914. Or, les Etats appelés à coexister aujourd'hui n'ont ni langage ni tradition ni vision du monde en commun... Tout est donc à réinventer.
Gérard Araud propose ici de nourrir le réarmement intellectuel de l'opinion publique française à partir d'exemples tirés de son histoire pour mettre en lumière toute la gamme des obstacles inhérents aux relations internationales. Il nous livre un véritable manuel de diplomatie avec, à chaque fois, un rappel historique des faits, mais aussi l'explication des choix diplomatiques et leurs conséquences.
Ce livre, audacieux dans sa forme, dresse des parallèles entre histoire et actualité :
La guerre de succession d'Espagne et le conflit israélo-palestinien lui permettent d'interroger la meilleure manière de terminer une guerre.
La paix d'Amiens de 1803 et le Brexit illustrent l'art de conclure des traités.
Le Congrès de Vienne éclaire la distinction entre politique étrangère et diplomatie.
La dépêche d'Ems de 1870 interroge la pression des opinions publiques indignées à l'heure des réseaux sociaux.
L'Entente cordiale évoque l'idée d'équilibre des puissances incarnée aujourd'hui par les Etats-Unis.
La Première Guerre mondiale montre comment les alliances comme l'OTAN peuvent dévier de leurs causes initiales.
Le Traité de Versailles permet de comprendre que la « question allemande » est aussi une « question française ».
Le désastre de mai 1940 se pose comme matrice de la relation de la France aux Etats-Unis.
L'expédition de Suez de 1956, leçon sur la militarisation d'une politique étrangère, informe l'engagement de la France au Mali.
Enfin, le refus français l'invasion de l'Irak en 2003 démontre que la stature d'un pays ne se résume pas à son PIB ou sa force de frappe.
Cet essai brillant, manifeste du réalisme en politique étrangère, se dévore comme un livre d'histoire.