Quelles sont les principales évolutions du roman, en France, de la fin du XVIIIe siècle à la première décennie du XXIe ?
Quels écrivains et quels ouvrages ont contribué à faire du roman un genre majeur toujours vivant ?
Quelles relations successives le roman entretient-il avec l'histoire, les idées, les mentalités, les valeurs de son temps ?
Cet ouvrage étudie les différents modèles esthétiques par lesquels le roman affirme sa puissance culturelle et qui s'emboîtent les uns dans les autres au gré d'une histoire tumultueuse. Il s'appuie sur des panoramas littéraires et l'étude des oeuvres qui ont marqué les temps forts de cette histoire.
Bruno Blanckeman est professeur de littérature française des XXe et XXIe siècles (Université de la Sorbonne Nouvelle Paris III).
Patrick Modiano été récompensé par le prix Nobel 2014 de littérature pour «l'art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables et dévoilé le monde de l'Occupation». Dans ses romans, il entrelace les fils d'une trame à chaque fois différente, tissu de déterminations historiques et intimes. L'écrivain tente de saisir des existences qui toujours lui échappent, la sienne comme celles des autres, pareillement entrevues et perdues. Trouble et malaise esquissent ainsi l'histoire incertaine d'une civilisation, d'une famille, d'une littérature, unies dans un même désastre.
Le présent ouvrage suit le parcours de cette oeuvre singulière, aux prises avec les infinies variations d'une écriture attachée à saisir d'insaisissables vérités.
L'oeuvre de Patrick Modiano est un théâtre d'ombres. Des personnages évanescents surgissent et se dissipent sur la scène du monde, héros éphémères de récits tantôt tracassés, tantôt fracassés par l'Histoire. 1945 année zéro. L'écriture parie sur la puissance suggestive de la langue, ses harmonies et ses non-dits pour faire sens. Cette oeuvre de l'après-coup s'apparente à un nocturne, les romans modulant les multiples nuances d'un principe de mélancolie qui en dicte la partition. C'est qu'il n'est de juste écriture, pour le Prix Nobel de Littérature 2014, que dans l'exploration tourmentée des lendemains d'hier.
Mémoires d'Hadrien, oeuvre complexe, échappe à tout protocole de lecture univoque. C'est qu'une double voix s'y exprime, qui sait jouer de la duplicité propre aux grandes figures de l'Histoire et de la littérature pour interroger « l'aventure humaine ».
Ouvrage collectif à dimension internationale, le Dictionnaire Yourcenar propose en 325 entrées une présentation analytique de l'oeuvre, de la figure intellectuelle, des prises de position publiques, des temps forts de l'existence de Marguerite Yourcenar (1903-1987). Femme de Lettres française née en Belgique et naturalisée américaine, elle s'illustre durant six décennies dans l'ensemble des genres littéraires tout en doublant son oeuvre par une intense activité épistolaire. En retrait d'une modernité incarnée par le surréalisme, l'existentialisme et le Nouveau Roman, la première femme élue à l'Académie Française déplace toutefois bien des usages et se trouve en phase avec un XXIe siècle dont elle annonce certaines évolutions culturelles : le jeu entre fiction et non fiction, le renouvellement de l'écriture de soi hors du modèle autobiographique, la revendication écologique dont elle compte parmi les pionnières, l'exigence d'une littérature du monde à laquelle cette éternelle voyageuse associe un idéal d'universalité.
Ce dossier s'attache aux interférences de la chanson et du roman de langue française, depuis 1968 : que demande le roman à la chanson ? que retiennent les chansons des romans ? Il observe les figures hybrides de romanciers devenus auteurs de chansons et de chanteurs devenus romanciers. Il examine les collaborations artistiques de romanciers et de chanteurs. À travers zones de frottement et de porosité, il cerne les enjeux d'une aimantation réciproque et le maintien de singularités irréductibles.
Cet ouvrage est issu du colloque de Cerisy qui s'est déroulé autour d'Annie Ernaux en juillet 2012 et a rassemblé des chercheurs internationaux issus de divers champs disciplinaires (littérature, philosophie, histoire, esthétique, sociologie). Il se situe en phase avec l'oeuvre d'une écrivaine dont les interférences avec différents domaines de savoir sont nombreuses et le lectorat est pluriel, à la fois grand public et savant.
Annie Ernaux en est partie prenante puisqu'elle a accepté de retranscrire ses interventions lors des débats. Chaque article est suivi d'un texte de l'auteur et d'une discussion critique, ce qui donne à l'ensemble l'allure d'une libre conversation.
Le temps et la mémoire constituent les deux fils conducteurs du colloque. Ils sont abordés selon plusieurs problématiques : les évolutions des groupes sociaux, la question de l'humiliation et les problèmes de hiérarchies culturelles, ou encore la constitution d'une mémoire des femmes. Écrire pour Annie Ernaux, c'est tenter de saisir les multiples dimensions du réel en conjuguant la pression de l'Histoire et la puissance de la mémoire dans la restitution de la vie collective, comme dans celle de la vie intime.
L'un des intérêts du livre est de renouveler l'approche de l'oeuvre par une attention apportée au travail de l'écriture, parfois occulté au profit de la seule dimension sociologique de l'oeuvre. Ni document ni monument, cette oeuvre exerce un droit d'inventaire et de renouvellement sur la langue et les formes culturelles dont elle hérite.
Le volume offre un état des lieux du roman depuis 1980, lacunaire, complexe et diversifié. Il s'articule autour de problématiques consubstantielles à l'acte d'écrire aujourd'hui, comme la question des genres, la redéfinition de la fiction, les filiations, les représentations du sujet, les nouvelles socialités. Une double préoccupation animait à l'origine la tentative : ouvrir des voies et découper des territoires ; voir comment les analyses peuvent rendre compte des questions d'ordre ontologique et théorique qui agitent notre époque - le souci de soi, la posture de l'écrivain, l'expérience de l'altérité, - le problème de la quête identitaire étant au centre des débats. Autant d'enjeux qui ont trouvé leur écho, tantôt par le biais de l'attention monographique, tantôt par celui de la réflexion de portée plus générale.
Avec L'Age d'homme, publié en 1939, Michel Leiris expérimente une démarche littéraire inédite. Écrire lui permet de se découvrir - s'explorer, s'exposer - et de s'inventer - se construire soi-même par le biais d'anecdotes qui prélèvent des moments d'enfance privilégiés et de mythes qui sollicitent les zones liminaires de la psyché. Quelle qu'en soit la teneur thanatique, le récit autobiographique ne recouvre pas alors un geste de détachement, face à une vie tenue pour passée, mais un acte d'accompagnement existentiel. Échappant au seul ordre des lettres, rejoignant les pulsations du monde physique, la pratique littéraire entend agir sur l'objet qu'elle articule - une vie en cours - et le sujet qui la conçoit - une identité profilée entre le désordre des faits, l'ordre des mots, les contre-ordres de l'imaginaire. Les auteurs des articles rassemblés dans ce volume sont des universitaires spécialistes de littérature française contemporaine et, pour plusieurs d'entre-eux, de l'oeuvre de Michel Leiris. La préface situe l'écrivain à l'intérieur de son siècle en insistant sur la "modernité anticipée" de L'Âge d'homme. Francis Marmande, commentant la figure tauromachique dans l'oeuvre de 1939 et sa préface de 1945, identifie d'emblée les grandes postulations du projet de Michel Leiris. De l'essence d'un art à la genèse d'un projet, trois articles étudient ensuite les origines textuelles (Catherine Maubon), intertextuelles (Pierre Vilar) et philosophiques (Jean-Claude Larrat) du livre. Annie Pibarot, Michèle Touret et Lucien Victor en analysent les déterminations génériques (rapport à l'autobiographie), esthétiques (liens avec la dramaturgie), stylistiques (parti pris d'écriture). Plusieurs articles cernent alors les relations instaurées entre structures littéraires et composantes psychiques. Jacques Poirier s'intéresse aux figures de Judith et Lucrèce, Guy Poitry au phénomène scriptural et mental de la bipolarisation ; Asako Taniguchi et Cécile Narjoux reviennent sur les dynamiques subliminaires de l'oeuvre, en s'attachant au fonctionnement associatif de la mémoire et aux nombreux récits de rêve qui scandent le livre. En guise de conclusion, Simon Harel part de L'Âge d'homme et pointe les échanges institués entre littérature et psychanalyse au XXe siècle, convaincant ainsi de son caractère novateur.