«Lorsque dans la milonga (ainsi nomme-t-on le bal de tango) les danseurs se rejoignent sur le parquet, leurs bras se lèvent doucement et ils s'enlacent - ils se prennent dans les bras, ils s'embrassent, étymologiquement. D'où le terme argentin, adopté par les Français:l'abrazo. La main gauche de la femme se place sur le haut du bras de l'homme ou sur son omoplate, ou bien encore passe par-dessus son épaule, tandis que celui-ci, glissant sa main droite par en dessous, la pose sur le dos de sa partenaire. De l'autre côté, leurs mains se tiennent en l'air, paume contre paume. Dès qu'on entre dans l'abrazo, on devine, à son corps, sa tenue, sa prise, on devine quelque chose de son partenaire.»Dans ce texte sensuel, Belinda Cannone déploie, à partir de la danse, une superbe poétique du lien et de la relation. Une poétique qu'elle condense en un mot aux mille échos:l'embrassement.
Que ressent-on lors de nos baisers et peut-on même les décrire, une fois nos lèvres séparées ?
Belinda Cannone, dans un récit intime où alternent dialogues et réflexions, fait l'éloge du plus brûlant des baisers, l'amoureux, tel qu'il traverse nos vies mais aussi la littérature, le cinéma et les arts. Y a-t-il un sexe des baisers ? un siècle des baisers ? en quoi le baiser témoigne-t-il de notre haute humanité ? pourquoi est-il le plus beau geste du désir ? Il fallait toute la finesse de Belinda Cannone pour détailler - non sans malice ! - les joies et la philosophie du baiser.
«Un jour que tu devais rejoindre un amant désiré (tu te trouvais sur une île), pour passer quarante-huit heures avec lui, le temps a été si mauvais qu'aucun bateau ne partait. Tu peux mobiliser des ressources insoupçonnées lorsque ton désir est menacé par les circonstances : tu as réussi aussitôt à trouver un petit avion privé pour franchir la mer qui vous séparait. Le pilote amateur, enchanté d'avoir une raison de voler, ne t'a réclamé que le prix de l'essence. Ce souvenir te ravit toujours : tu te reconnais bien dans cette extrême et soudaine efficacité qui te permet de trouver un avion pour ton désir.»
Par "imposture", Belinda Canonne ne renvoie pas aux escrocs de la confiance, ceux qui en imposent ou qui usurpent une place. Elle décrit un sentiment très commun qu'on a cependant toujours grand soin de cacher: l'intime conviction de ne pas être celui ou celle qu'il faudrait être pour occuper légitimement la place dans laquelle on se trouve, et la crainte d'être démasqué. Si ce trouble met en cause l'identité, il n'engage pourtant pas la question: "qui suis-je?", mais: "suis-je celle ou celui que je devrais être pour me trouver à cette place?". Toute ambition, quelle qu'en soit la nature (professionnelle, amoureuse, existentielle, etc.), peut susciter cette inquiétude. En trente-six allègres chapitres qui vont de la littérature à la psychanalyse en passant par le cinéma, la politique ou nos expériences quotidiennes, cet essai propose récits et réflexions sur l'origine et les manifestations du sentiment d'imposture.
Qu'est-ce que se sentir femme aujourd'hui ? L'opinion commune, fondée sur la différence des sexes, postule l'existence d'une « nature féminine » liée à la capacité d'enfanter. Contre cette conception régressive, cet essai percutant appelle à ne pas défaire ce que les générations précédentes ont conquis : à résister à la tentation de Pénélope. Car c'est à partir de l'expérience réellement vécue qu'on peut envisager un féminisme qui ne soit ni abstrait ni belliqueux.
Le désir et la liberté sont le moteur et l'horison de ce livre qui s'incrit contre les revendications identitaires et les préjugés. Trente-six brefs chapitres évoquant, entre autres, le cerveau des femmes, l'aliénation, la politique, la beauté des hommes, le non-désir d'enfant, la possibilité de la suspension des genres ou la prostitution, et sont autant d'invitations à réinventer sans cesse nos vies.
L'histoire incite nécessairement les créateurs de notre temps à penser à partir de catastrophes - guerres mondiales et génocides - inaugurales pour la raison et pour notre indispensable croyance en la légitimité et la perfectibilité de l'humanité. Mais ce désastre placé à l'orée du geste de création ne peut pas être un horizon pour l'homme. Le seul horizon raisonnable et joyeux consiste au contraire à trouver les moyens du dégagement, de l'échappée et de la réinvention, en pleine conscience du pire possible. Il s'agit, pour chacun, créateur ou pas, de comprendre comment édifier le bonheur à partir de notre connaissance du désastre.
Plutôt qu'expression nécessairement tournée vers l'ombre, Belinda Cannone voit dans l'écriture la manifestation de notre volonté d'étreindre - le monde, la réalité rugueuse ou douce - et de célébrer notre présence au monde, notre désir de vivre. Parce que ce désir majuscule se concentre particulièrement dans le désir sensuel et dans l'amour, s'y donne à voir dans son aspect le plus concentré, le plus beau, cet essai entrelace la narration du désir qui meut l'écrivain à des réflexions sur le désir érotique. Il révèle le désir de connaître que les romans manifestent, et qui nourrit la lecture. Ce qui compose l'étrange et sinueux tracé de la littérature et de notre existence.
Il ne s'agit pas dans cet essai d'incriminer une nouvelle fois la sottise dans sa large existence, mais l'attitude de ces gens éclairés qui, ayant les moyens de s'informer et de se cultiver, sont pourtant victimes du préjugé, du lieu commun et de toutes sortes de travers intellectuels qu'ils contribuent à distiller dans l'opinion contemporaine.
En 36 brefs chapitres, La bêtise s'améliore aborde l'amour, la politique, l'économie, l'art, la morale, l'école, la langue, le désir, le bonheur, en mettant en scène un dialogue entre trois personnages : Gulliver, l'homme en colère, moteur de cette réflexion, son ami le narrateur, indulgent et curieux, et Clara, la fiancée du narrateur, qui tire plutôt la réflexion vers la philosophie morale.
Il n'y a pas de remède définitif au conformisme : on doit juste se montrer toujours vigilant et cet ouvrage veut y contribuer en étant un appel à la responsabilité intellectuelle. D'abord éloge de la liberté d'esprit, il aimerait nous mettre en garde contre la pétrification de la pensée qui nous menace à tout moment.
Qui était vraiment Stefan Zweig ? Cet homme insaisissable, intellectuel, humaniste, pacifiste convaincu, écrivain hypersensible, fut célébré dès ses débuts pour son approche délicate des tourments de l'âme. Pourquoi s'est-il suicidé à Petrópolis en 1942, au faîte de sa gloire littéraire et à l'abri de la fureur nazie ? Cinquante ans plus tard, Marthe imagine, recrée et tente de comprendre.
«L'oeuvre. Faire oeuvre. Oeuvrer. Enfanter. L'Oeuvre. Sous ce titre dont il n'était pas tout à fait satisfait, Zola a voulu peindre le travail de la création. De tous les domaines de l'activité humaine qu'il a méthodiquement explorés, celui-ci occupe une place singulière en ce qu'il met en scène les artistes, lesquels relèvent, selon la topologie zolienne, d'un monde à part (avec les prêtres, les meurtriers et les prostituées), mais surtout parce qu'il est celui-là même où s'exerce l'activité de Zola. Ce quatorzième roman de la série des Rougon-Macquart occupe donc une place à part dans la mesure où il présente un aspect autobiographique très prononcé, ce qui explique sans doute qu'il ne comporte qu'un personnage, Claude Lantier, apparaissant ailleurs.»Belinda Cannone.