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GALLIMARD
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Walter Benjamin collectionnait amoureusement les citations. Dans la magnifique étude qu'elle lui a consacrée, Hannah Arendt compare ce penseur inclassable à un pêcheur de perles qui va au fond des mers «pour en arracher le riche et l'étrange». Subjugué par cette image, je me suis plongé dans les carnets de citations que j'accumule pieusement depuis plusieurs décennies. J'ai tiré de ce vagabondage les phrases qui me font signe, qui m'ouvrent la voie, qui désentravent mon intelligence de la vie et du monde. Arendt, Kundera, Levinas, mais aussi Valéry, Canetti, Tocqueville, Nietzsche, Thomas Mann, Virginia Woolf ont été quelques-uns de mes guides. Dans leur sillage, j'ai essayé de penser à nouveaux frais l'expérience de l'amour, la mort, les avatars de la civilité, le destin de l'Europe, la fragilité de l'humour, le monde comme il va et surtout comme il ne va pas. A. F.
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Malaise dans la culture. Car la culture, c'est la vie avec la pensée. Et on constate aujourd'hui qu'il est courant de baptiser culturelles des activités où la pensée n'a aucune part. Des gestes élémentaires aux grandes créations de l'esprit, tout devient ainsi prétendument culturel. Pourquoi alors choisir la vraie culture, au lieu de s'abandonner aux délices de la consommation et de la publicité, ou à tous les automatismes enracinés dans l'histoire.
Certes, nul ne sort plus son revolver quand il entend le mot «culture». Mais, champions de la modernité ou apôtres de la différence, ils sont de plus en plus nombreux ceux qui, lorsqu'ils entendent le mot «pensée», sortent leur culture.
Une question simple est à l'origine de ce livre : comment en est-on arrivé là ?
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Le moment m'a semblé venu de faire le point et de retracer mon parcours sans faux-fuyant ni complaisance.
En choisissant, une fois n'est pas coutume, d'écrire à la première personne, il ne s'agit en aucune façon pour moi de rabattre la connaissance sur la confession et de défendre une vérité purement subjective. Je joue cartes sur table, je dis d'où je parle, mais je ne dis pas pour autant : à chacun sa vision des choses. Je ne me défausse pas, par une déclaration d'identité, de l'obligation de dire le présent, d'interroger le passé qui fait de nous ce que nous sommes et de mesurer mes propres dettes envers un legs intemporel qui s'évanouit chaque jour un peu plus sous nos yeux. De la nostalgie quelquefois, mais point de déploration : le vrai que je cherche encore et toujours est le vrai du réel ; l'élucidation de l'être et des événements reste, à mes yeux, prioritaire. En dépit de la fatigue et du découragement qui parfois m'assaille, je poursuis obstinément cette quête.
A. F.
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L'ingratitude : conversation sur notre temps avec Antoine Robitaille
Alain Finkielkraut
- Gallimard
- 22 Janvier 1999
- 9782070754786
«L'homme contemporain ne se pense plus comme un héritier. Il se veut délivré du donné ; il n'exerce sa vigilance qu'à l'encontre des vieux démons, et, quand il cède aux injonctions du devoir de mémoire, c'est pour constater la supériorité de la conscience actuelle sur un passé ténébreux tissé de préjugés, d'exclusions et de crimes. À délier ainsi l'être de l'héritage, est-on, comme le croit notre temps, plus lucide, plus ouvert et plus libre ? Voilà la question à laquelle s'efforce de répondre cette conversation silencieuse. La conversation a été menée, avec une ténacité inlassable, par mon ami québécois Antoine Robitaille. Le silence et la patience de l'écriture m'ont été nécessaires pour passer de la parole vive à la pensée vivante. Mais plus le silence est pur, et plus il est habité. Plus on rumine et plus on dialogue. Ce livre doit à toutes les conversations de l'amitié ses lieux - l'Europe centrale, Israël, le Québec, les États-Unis, la France -, ses thèmes - les petites nations, le destin des langues, la transmission, l'amour du monde, le multiculturalisme, la mort de l'admiration - et son sujet : l'art d'hériter ou ce qu'il en reste à l'âge ingrat de la démocratie radicale.» Alain Finkielkraut.
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Le passé parle au présent. Il s'adresse à nous. Il nous interpelle. Il réclame. Mais comment le présent doit-il répondre ? Comment être au rendez-vous ? Comment distinguer, dans l'obsession des années noires, la fidélité du simulacre et la vigilance de l'instrumentalisation ? Que faire, maintenant que la mémoire d'Auschwitz n'a plus d'ennemis déclarés, pour en soustraire l'exercice à ses amis désinvoltes ou inquiétants ? Que faire pour éviter à la fois la crispation et la manipulation ? Ceci, au moins : tendre l'oreille ; accueillir les voix venues de l'autre rive.
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Discours de réception d'Alain Finkielkraut à l'Académie française et réponse de Pierre Nora
Alain Finkielkraut, Pierre Nora
- Gallimard
- Blanche
- 26 Mai 2016
- 9782070196784
Suivis des allocutions prononcées à l'occasion de la remise de l'épée par Élisabeth de Fontenay et Amin Maalouf
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«Ne pas écrire un journal, ne pas tomber dans la chronique, ne pas tenir le registre de mes premiers mouvements, ne pas fixer chacune de mes impressions, ne pas thésauriser mes humeurs, mais déchiffrer comme l'énigme du Sphinx chaque interpellation par les circonstances. Remplacer l'éternelle question "Qu'est-ce que... ?" par l'inlassable question "Qu'est-ce qui se passe ?". Extraire le mémorable du flot de l'actualité. Tenir les détails en haute estime. Chercher la vérité dans ce qui apparaît et non derrière les apparences. Confronter sans relâche la fatalité des processus à l'imprévisibilité de la conjoncture. Renoncer, pour interroger les événements, au désir de surplomber une fois pour toutes, l'histoire... Voilà les principes que j'ai essayé de mettre en oeuvre tout au long de la première année de ce qu'il est convenu d'appeler le troisième millénaire.» Alain Finkielkraut.
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Au nom de l'Autre : Réflexions sur l'antisémitisme qui vient
Alain Finkielkraut
- Gallimard
- 4 Septembre 2003
- 9782070734955
«Il faut du courage pour porter une kippa dans ces lieux féroces qu'on appelle cités sensibles et dans le métro parisien ; le sionisme est criminalisé par toujours plus d'intellectuels, l'enseignement de la Shoah se révèle impossible à l'instant même où il devient obligatoire, la découverte de l'Antiquité livre les Hébreux au chahut des enfants, l'injure "sale juif" a fait sa réapparition (en verlan) dans presque toutes les cours d'école. Les Juifs ont le coeur lourd et, pour la première fois depuis la guerre, ils ont peur.»
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Le mecontemporain - peguy, lecteur du monde moderne
Alain Finkielkraut
- Gallimard
- 14 Janvier 1992
- 9782070724215
«Pourquoi Péguy, maintenant ? Qu'avons-nous à faire des tourments d'un paysan normalien qui fut tout à la fois dreyfusard, catholique et socialiste, prophétique et désespéré ?Il fallait mettre Péguy à l'ordre du jour car c'est peu de dire de cette oeuvre qu'elle est actuelle : en vérité, elle nous attend. L'heure est venue d'entendre dans notre présent et pour l'avenir les âpres questions dont Péguy a harassé son époque.L'heure est venue, si nous voulons comprendre notre temps, de lever la quarantaine, de lire Péguy, de réintégrer dans la cité intellectuelle la grande pensée poétique et critique qui annonce une panmuflerie sans limites et voit poindre un monde non seulement qui fait des blagues, mais qui ne fait que des blagues, et qui fait toutes les blagues, qui fait blague de tout.»Alain Finkielkraut.
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«La spécificité du XX? sièlce réside non dans la tragédie - toutes les époques ont connu la tragédie - mais dans le cauchemar, c'est-à-dire la dénégation de la tragédie elle-même. À l'horreur vécue s'ajoute le refus idéologique d'en admettre l'existence. La guerre de Troie n'a pas eu lieu, telle et la contribution propre de notre siècle à l'histoire de l'épouvante.On pouvait espérer qu'avec l'effondrement du communisme, une telle conjoncture ne serait plus possible. Il faut en rabattre : le cauchemar du XX? siècle n'est pas terminé, c'est aux Croates et aux Bosniaques d'en faire l'épreuve. Je les ai défendus d'autant plus ardemment qu'ils vivent une double souffrance : d'une part, celle d'être les victimes d'une guerre criminelle et, d'autre part, celle de voir la vérité même de leur souffrance niée ou calomniée. Camus disait que mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. Français en tête, les démocrates de tous les pays ont célébré le triomphe de leurs valeurs en ajoutant au malheur de la Croatie et de la Bosnie.D'où cette question politique et philosophique : Pourquoi le cauchemar du XX? siècle a-t-il survécu à la chute du Mur de Berlin ?»Alain Finkielkraut.
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Il existe, dans de nombreuses langues, un mot qui désigne à la fois l'acte de donner et celui de prendre, la charité et l'avidité, la bienfaisance et la convoitise - c'est le mot : amour.
Mais qui croit encore au désintéressement ? Qui prend pour argent comptant l'existence de comportements bénévoles ? Depuis l'aube des Temps modernes, toutes les généalogies de la morale font dériver la gratuité de la cupidité, et les actions nobles du désir d'acquisition. Il n'est pas sûr cependant qu'en reléguant l'amour du prochain dans la sphère de l'illusion, nous soyons mieux à même de penser le réel. Il se peut au contraire que nous ayons besoin de ce concept démodé, et d'une autre intrigue que celle de la possession, pour comprendre la relation originelle à autrui et, à partir de là, aussi bien le rapport amoureux que la haine de l'autre homme.
En s'inspirant de l'oeuvre d'Emmanuel Lévinas, Alain Finkielkraut interroge d'un seul tenant les grandes expériences collectives de notre modernité et le rapport à l'Autre dans la vie individuelle. Philosophie sans doute, mais philosophie dramatisée par des personnages concrets, et par la présence de la littérature qui, à travers Flaubert, James et surtout Proust, est traitée ici en moyen de connaissance de l'homme.
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La Mémoire vaine : Du crime contre l'humanité
Finkielkraut Alain
- Gallimard
- Nrf Essais
- 24 Janvier 1989
- 9782070715503
«Contre l'oubli de ce qui fut, il est toujours possible de faire appel, et de réveiller la mémoire. Contre une mémoire qui, au lieu d'acquitter notre dette envers les morts, met le passé à la disposition des vivants, leur sert de supplément d'âme, flatte leur bonne conscience, conforte leurs certitudes idéologiques, entretient l'époque dans son mélange si caractéristique de cynisme et de sentimentalité, contre une telle mémoire, il n'y a plus aucun recours. Avec le procès de Klaus Barbie, la mémoire des survivants a bien retardé le moment où les victimes du nazisme, de réelles, deviendront historiques. Mais si c'était pour les livrer à l'actualité futile ou pour redonner vigueur et légitimité à une représentation de l'Homme que récuse précisément la vertigineuse notion de crime contre l'humanité, alors à quoi bon ? La mémoire a certes triomphé de l'oubli, mais c'est une mémoire vaine.» Alain Finkielkraut.