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«Nous sommes entrés dans l'âge de l'après littérature. Le temps où la vision littéraire du monde avait une place dans le monde semble bel et bien révolu. Non que l'inspiration se soit subitement et définitivement tarie. De vrais livres continuent d'être écrits et imprimés, mais ils n'impriment pas. Ils n'ont plus de vertu formatrice. L'éducation des âmes n'est plus de leur ressort. Ils s'adressent à des lecteurs qui, avant même d'entrer dans la vie, refusent de s'en laisser conter et regardent l'Histoire et les histoires avec la souveraine intelligence que la victoire totale sur les préjugés leur confère. Non seulement le présent règne sans partage mais il s'imagine autre qu'il n'est. À force de se raconter des histoires, il se perd complètement de vue. Les scénarios fantasmatiques qu'il produit en cascade lui tiennent lieu de littérature. L'art est en train de perdre la bataille. C'est un crève-coeur.»
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Malaise dans la culture. Car la culture, c'est la vie avec la pensée. Et on constate aujourd'hui qu'il est courant de baptiser culturelles des activités où la pensée n'a aucune part. Des gestes élémentaires aux grandes créations de l'esprit, tout devient ainsi prétendument culturel. Pourquoi alors choisir la vraie culture, au lieu de s'abandonner aux délices de la consommation et de la publicité, ou à tous les automatismes enracinés dans l'histoire.
Certes, nul ne sort plus son revolver quand il entend le mot « culture ». Mais, champions de la modernité ou apôtres de la différence, ils sont de plus en plus nombreux ceux qui, lorsqu'ils entendent le mot « pensée », sortent leur culture.
Une question simple est à l'origine de ce livre : comment en est-on arrivé là ?
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«Réactionnaire, disent-ils. Le moment m'a donc semblé venu de faire le point et de retracer mon parcours sans faux-fuyants ni complaisance. Il ne s'agit en aucune façon pour moi de rabattre la connaissance sur la confession et de défendre une vérité purement subjective. Je ne choisis pas, à l'heure des comptes, de me retrancher dans la forteresse imprenable de l'autobiographie. Je joue cartes sur table, je dis d'où je parle, mais je ne dis pas pour autant : À chacun sa vision des choses. Le vrai que je cherche, encore et toujours, est le vrai du réel : son élucidation reste à mes yeux prioritaire. Cependant, comme l'a écrit Kierkegaard : Penser est une chose, exister dans ce qu'on pense est autre chose. C'est cet autre chose que j'ai voulu mettre au clair en écrivant, une fois n'est pas coutume, à la première personne.» Alain Finkielkraut
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«L'immigration qui contribue et contribuera toujours davantage au peuplement du Vieux Monde renvoie les nations européennes et l'Europe elle-même à la question de leur identité. Les individus cosmopolites que nous étions spontanément font, sous le choc de l'altérité, la découverte de leur être. Découverte précieuse, découverte périlleuse : il nous faut combattre la tentation ethnocentrique de persécuter les différences et de nous ériger en modèle idéal, sans pour autant succomber à la tentation pénitentielle de nous déprendre de nous-mêmes pour expier nos fautes. La bonne conscience nous est interdite mais il y a des limites à la mauvaise conscience. Notre héritage, qui ne fait certes pas de nous des êtres supérieurs, mérite d'être préservé, entretenu et transmis aussi bien aux autochtones qu'aux nouveaux arrivants. Reste à savoir, dans un monde qui remplace l'art de lire par l'interconnexion permanente et qui proscrit l'élitisme culturel au nom de l'égalité, s'il est encore possible d'hériter et de transmettre.» Alain Finkielkraut.
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En terrain miné
Elisabeth de Fontenay, Alain Finkielkraut
- Folio
- Folio
- 5 Septembre 2019
- 9782072776595
En terrain miné est la rencontre exceptionnelle de deux esprits politiquement opposés, mais unis par une amitié philosophique.
Alain Finkielkraut et Elisabeth de Fontenay ont ainsi entretenu une correspondance épistolaire qui donne lieu à un débat passionnant. Ils y développent leur pensée en l'alimentant par les lectures de Foucault, Levinas, Adorno, Kundera... C'est l'occasion pour eux d'aborder, loin des caméras et du buzz, les questions qui fâchent : entre autres l'identité, la gauche et la droite, le féminisme, la théorie des genres, le conservatisme, le pape François, les droits de l'Homme, le judaïsme.
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«Que nous soyons réactionnaires ou progressistes, tournés nostalgiquement vers le passé ou résolument vers l'avenir, nous sommes tous modernes en ceci que nous revendiquons et que nous exerçons la liberté d'aimer qui nous voulons, comme nous voulons et le temps qu'il nous plaît. Nous sommes, autrement dit, les maîtres des engagements que nous contractons. Cette souveraineté nous comble mais elle nous confronte aussi, sans dérobade possible, aux questions qui tourmentaient la princesse de Clèves : suffit-il d'aimer pour savoir aimer ? L'amour est-il lui-même aimable, digne d'estime et de confiance ? On peut traiter ces questions par la statistique et les sciences sociales. Sans mésestimer l'utilité de telles approches, j'en ai choisi une autre : la littérature. Après Madame de La Fayette, Ingmar Bergman, Philip Roth et Milan Kundera ont été mes éclaireurs.» Alain Finkielkraut.
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«Le roi Salomon suppliait l'Éternel de lui accorder un coeur intelligent.
Au sortir d'un siècle ravagé par les méfaits conjoints de la bureaucratie, c'est-à-dire d'une intelligence purement fonctionnelle, et de l'idéologie, c'est-à-dire d'une sentimentalité binaire indifférente à la singularité des destins individuels, à quelle instance adresser cette prière? Ce livre répond : à la littérature. Me fiant à mon émotion, j'ai choisi neuf titres : La Plaisanterie de Milan Kundera, Tout passe de Vassili Grossman, Histoire d'un Allemand de Sebastian Haffner, Le Premier Homme d'Albert Camus, La Tache de Philip Roth, Lord Jim de Joseph Conrad, Les Carnets du sous-sol de Fédor Dostoïevski, Washington Square de Henry James et Le Festin de Babette de Karen Blixen. Et je me suis efforcé de mettre dans mes lectures tout le sérieux, toute l'attention que requiert le déchiffrement des énigmes du monde.» Alain Finkielkraut.
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« Les années trente, dit-on, sont de retour. L'ordre moral sort des catacombes, la crise économique pousse à la recherche d'un bouc émissaire et l'islamophobie prend le relais de l'antisémitisme. Cette analogie historique prétend nous éclairer : elle nous aveugle. Voulant lire ce qui arrive à la lumière de ce qui est arrivé, elle en occulte la nouveauté inquiétante. Montrer que nous vivons un tournant historique, paradoxalement masqué par la référence incessante à l'Histoire ; appréhender ce moment crucial dans ce qu'il a d'irréductible au répertoire de nos vicissitudes : tel est le pari de ce livre. Et l'enjeu est existentiel autant qu'intellectuel. Si, comme l'écrit François Mauriac, "l'épreuve ne tourne jamais vers nous le visage que nous attendions", il nous incombe d'être à l'heure au rendez-vous et de regarder en face le visage que nous n'attendions pas. Dans une époque qui tend à se prendre pour une autre, l'exactitude devient la tâche prioritaire de la pensée. »
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" Descartes non lu nous détermine que nous le voulions ou non ", écrit Hans Jonas. A quoi Descartes nous détermine-t-il ? Hier encore, il était possible de répondre : à nous rendre méthodiquement, polytechniquement maîtres de toutes choses pour soulager le sort des hommes et rendre leur vie plus agréable. Mais voici que les réalités nées de la philosophie de l'homme moderne s'ingénient à contredire les ambitions de cette philosophie, à transformer ses promesses en menaces, à fonctionner pour elles-mêmes. Il est devenu difficile d'opposer, sans autre forme de procès, les calculs de la raison aux ténèbres de la superstition car les processus que la raison déchaîne n'ont rien de raisonnable. Cette surprise philosophique réservée à la philosophie, cet ébranlement de la modernité par elle-même, inlassablement Alain Finkielkraut les explore et les interroge. Aux questions que l'intelligence pose de sa propre initiative, selon son projet ou ses plans, et auxquelles elle met le monde en demeure de répondre, il préfère les questions que le monde pose et impose à une intelligence qui n'en peut mais. Par là, il rejoint Michelet : " J'ai toujours eu l'attention de ne jamais enseigner que ce que je ne savais pas. J'avais trouvé ces choses comme elles étaient alors dans ma passion, nouvelles, animées, brûlantes, sous le premier attrait de l'amour. "
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Il existe, dans de nombreuses langues, un mot qui désigne à la fois l'acte de donner et celui de prendre, la charité et l'avidité, la bienfaisance et la convoitise - c'est le mot : amour. Mais qui croit encore au désintéressement ? Qui prend pour argent comptant l'existence de comportements bénévoles ? Depuis l'aube des Temps modernes, toutes les généalogies de la morale font dériver la gratuité de la cupidité, et les actions nobles du désir d'acquisition. Il n'est pas sûr cependant qu'en reléguant l'amour du prochain dans la sphère de l'illusion, nous soyons mieux à même de penser le réel. Il se peut au contraire que nous ayons besoin de ce concept démodé, et d'une autre intrigue que celle de la possession, pour comprendre la relation originelle à autrui et, à partir de là, aussi bien le rapport amoureux que la haine de l'autre homme. En s'inspirant de l'oeuvre d'Emmanuel Lévinas, Alain Finkielkraut interroge d'un seul tenant les grandes expériences collectives de notre modernité et le rapport à l'Autre dans la vie individuelle. Philosophie sans doute, mais philosophie dramatisée par des personnages concrets, et par la présence de la littérature qui, à travers Flaubert, James et surtout Proust, est traitée ici en moyen de connaissance de l'homme.
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«Pourquoi Péguy, maintenant ? Qu'avons-nous à faire des tourments d'un paysan normalien qui fut tout à la fois dreyfusard, catholique et socialiste, prophétique et désespéré ?Il fallait mettre Péguy à l'ordre du jour car c'est peu de dire de cette oeuvre qu'elle est actuelle : en vérité, elle nous attend. L'heure est venue d'entendre dans notre présent et pour l'avenir les âpres questions dont Péguy a harassé son époque.L'heure est venue, si nous voulons comprendre notre temps, de lever la quarantaine, de lire Péguy, de réintégrer dans la cité intellectuelle la grande pensée poétique et critique qui annonce une panmuflerie sans limites et voit poindre un monde non seulement qui fait des blagues, mais qui ne fait que des blagues, et qui fait toutes les blagues, qui fait blague de tout.»Alain Finkielkraut.
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L'ingratitude : conversation sur notre temps avec Antoine Robitaille
Alain Finkielkraut
- Folio
- Folio
- 29 Novembre 2000
- 9782070415526
«L'homme contemporain ne se pense plus comme un héritier. Il se veut délivré du donné ; il n'exerce sa vigilance qu'à l'encontre des vieux démons, et, quand il cède aux injonctions du devoir de mémoire, c'est pour constater la supériorité de la conscience actuelle sur un passé ténébreux tissé de préjugés, d'exclusions et de crimes. À délier ainsi l'être de l'héritage, est-on, comme le croit notre temps, plus lucide, plus ouvert et plus libre ? Voilà la question à laquelle s'efforce de répondre cette conversation silencieuse. La conversation a été menée, avec une ténacité inlassable, par mon ami québécois Antoine Robitaille. Le silence et la patience de l'écriture m'ont été nécessaires pour passer de la parole vive à la pensée vivante. Mais plus le silence est pur, et plus il est habité. Plus on rumine et plus on dialogue. Ce livre doit à toutes les conversations de l'amitié ses lieux - l'Europe centrale, Israël, le Québec, les États-Unis, la France -, ses thèmes - les petites nations, le destin des langues, la transmission, l'amour du monde, le multiculturalisme, la mort de l'admiration - et son sujet : l'art d'hériter ou ce qu'il en reste à l'âge ingrat de la démocratie radicale.» Alain Finkielkraut.
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Le passé parle au présent. Il s'adresse à nous. Il nous interpelle. Il réclame. Mais comment le présent doit-il répondre ? Comment être au rendez-vous ? Comment distinguer, dans l'obsession des années noires, la fidélité du simulacre et la vigilance de l'instrumentalisation ? Que faire, maintenant que la mémoire d'Auschwitz n'a plus d'ennemis déclarés, pour en soustraire l'exercice à ses amis désinvoltes ou inquiétants ? Que faire pour éviter à la fois la crispation et la manipulation ? Ceci, au moins : tendre l'oreille ; accueillir les voix venues de l'autre rive.
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«Ne pas écrire un journal, ne pas tomber dans la chronique, ne pas tenir le registre de mes premiers mouvements, ne pas fixer chacune de mes impressions, ne pas thésauriser mes humeurs, mais déchiffrer comme l'énigme du Sphinx chaque interpellation par les circonstances. Remplacer l'éternelle question Qu'est-ce que... ? par l'inlassable question Qu'est-ce qui se passe ?. Extraire le mémorable du flot de l'actualité. Tenir les détails en haute estime. Chercher la vérité dans ce qui apparaît et non derrière les apparences. Confronter sans relâche la fatalité des processus à l'imprévisibilité de la conjoncture. Renoncer, pour interroger les événements, au désir de surplomber une fois pour toutes, l'histoire... Voilà les principes que j'ai essayé de mettre en oeuvre tout au long de la première année de ce qu'il est convenu d'appeler le troisième millénaire.»Alain Finkielkraut.
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«Notre question n'est plus, comme au temps de Renan : "Qu'est-ce qu'une nation?", mais : qu'est-ce que la France, et que doit-elle devenir : une nation ou une société résolument postnationale?» À l'heure de la mondialisation, c'est-à-dire d'un immense bouleversement technique, économique et démographique, dans quelle communauté faut-il que les hommes vivent? Dans une patrie charnelle? Une France désencombrée de la francité, un espace polymorphe, sans identité assignable? Convient-il, pour accueillir dignement l'Autre, d'évider ou de perpétuer le soi du chez-soi? La réponse à ces questions fondamentales, si réponse il y a, ne peut naître que de l'échange, de la dispute, de la confrontation des points de vue. Nous sommes à la croisée des chemins, il nous incombe, quand il est encore temps, de choisir, en toute connaissance de cause.
Les textes ici rassemblés proviennent de l'émission «Répliques» qu'Alain Finkielkraut anime sur France Culture. Ils ont été revus, parfois réécrits par leurs auteurs en vue de leur publication. Le présent livre fait suite à Ce que peut la littérature.
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«Il n'y a pas d'accès au réel direct, pur, nu, dépouillé de toute mise en forme préalable. Il n'y a pas d'expérience sans référence : les mots sont logés dans les choses, une instance tierce se glisse entre nous et les autres, nous et le monde, nous et nous-mêmes. Et puisqu'on n'échappe pas à la médiation, puisque la littérature est décidément toute-puissante, la question est de savoir à quelle bibliothèque on confie son destin.» À partir d'une sélection d'entretiens réalisés pour l'émission «Répliques» diffusée depuis plus de vingt ans sur France-Culture, Alain Finkielkraut nous propose un libre parcours dans les littératures françaises et étrangères, classiques et contemporaines, à travers les échanges passionnés et érudits de ses invités.
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La Mémoire vaine : Du crime contre l'humanité
Finkielkraut Alain
- Folio
- Folio Essais
- 18 Novembre 1992
- 9782070327300
«Contre l'oubli de ce qui fut, il est toujours possible de faire appel, et de réveiller la mémoire. Contre une mémoire qui, au lieu d'acquitter notre dette envers les morts, met le passé à la disposition des vivants, leur sert de supplément d'âme, flatte leur bonne conscience, conforte leurs certitudes idéologiques, entretient l'époque dans son mélange si caractéristique de cynisme et de sentimentalité, contre une telle mémoire, il n'y a plus aucun recours. Avec le procès de Klaus Barbie, la mémoire des survivants a bien retardé le moment où les victimes du nazisme, de réelles, deviendront historiques. Mais si c'était pour les livrer à l'actualité futile ou pour redonner vigueur et légitimité à une représentation de l'Homme que récuse précisément la vertigineuse notion de crime contre l'humanité, alors à quoi bon ? La mémoire a certes triomphé de l'oubli, mais c'est une mémoire vaine.» Alain Finkielkraut.