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Alain Finkielkraut
-
La modernité à contre-courant
Alain Finkielkraut
- Bouquins
- La Collection
- 17 Octobre 2024
- 9782382926109
Les sept ouvrages réunis dans ce volume offre un parcours de lecture unique dans l'oeuvre d'Alain Finkielkraut.
" 'Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi !' scandions-nous en mai 1968. Ainsi nous nous comportions, dans notre insoumission même, en bons petits soldats du progrès. " Un tel progressisme - Alain Finkielkraut l'a très vite compris - n'était rien d'autre qu'un nouveau conformisme. La révolution n'était qu'un mythe, une illusion débouchant sur le vide. Ce " vieux monde " devenu précaire, il fallait le préserver, sous peine de voir disparaître un héritage culturel au fondement de notre identité : une langue, une littérature, une architecture, un art de vivre, des paysages même. L'auteur, livre après livre, défend une école qui allie transmission et émancipation, une université qui préserve la liberté de la recherche contre l'idéologie, une société respectueuse de la liberté de conscience. Face à la montée des extrêmes en politique, à l'intolérance religieuse grandissante, au nouvel antisémitisme, aux fanatismes de tous bords, la parole d'Alain Finkielkraut, dans la tradition des Lumières, est plus que jamais nécessaire.
Ce volume contient sept titres jamais réunis : Nous autres modernes et L'Humanité perdue, suivis de cinq livres d'entretiens - Les Battements du monde (avec Peter Sloterdijk), Le Livre et les livres (avec Benny Lévy), En terrain miné (avec Élisabeth de Fontenay), L'Ingratitude (avec Antoine Robitaille), L'Explication (avec Alain Badiou). Une dernière partie rassemble un choix de ses articles ou entretiens de presse qui ponctuent, depuis une trentaine d'années, le parcours de ses nombreuses interventions dans le débat public. -
Walter Benjamin collectionnait amoureusement les citations. Dans la magnifique étude qu'elle lui a consacrée, Hannah Arendt compare ce penseur inclassable à un pêcheur de perles qui va au fond des mers «pour en arracher le riche et l'étrange». Subjugué par cette image, je me suis plongé dans les carnets de citations que j'accumule pieusement depuis plusieurs décennies. J'ai tiré de ce vagabondage les phrases qui me font signe, qui m'ouvrent la voie, qui désentravent mon intelligence de la vie et du monde. Arendt, Kundera, Levinas, mais aussi Valéry, Canetti, Tocqueville, Nietzsche, Thomas Mann, Virginia Woolf ont été quelques-uns de mes guides. Dans leur sillage, j'ai essayé de penser à nouveaux frais l'expérience de l'amour, la mort, les avatars de la civilité, le destin de l'Europe, la fragilité de l'humour, le monde comme il va et surtout comme il ne va pas. A. F.
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« Nous sommes entrés dans l'âge de l'après-littérature. Le temps où la vision littéraire du monde avait une place dans le monde semble bel et bien révolu. Non que l'inspiration se soit subitement et définitivement tarie. De vrais livres continuent d'être écrits et imprimés, mais ils n'impriment pas. Ils n'ont plus de vertu formatrice. L'éducation des âmes n'est plus de leur ressort. Ils s'adressent à des lecteurs qui, avant même d'entrer dans la vie, refusent de s'en laisser conter et regardent l'Histoire et les histoires avec la souveraine intelligence que la victoire totale sur les préjugés leur confère. Rançon de cette outrecuidance, le faux prend possession de la vie.Non seulement le présent règne sans partage mais il s'imagine autre qu'il n'est. À force de se raconter des histoires, il se perd complètement de vue. Les scénarios fantasmatiques qu'il produit en cascade lui tiennent lieu de littérature. Néoféminisme simplificateur, antiracisme délirant, oubli de la beauté par la technique triomphante comme par l'écologie officielle, déni de la contingence tout au long de la pandémie qui nous frappe : le mensonge s'installe, la laideur se répand, l'art est en train de perdre la bataille.C'est un crève-coeur. ».
Alain Finkielkraut
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Malaise dans la culture. Car la culture, c'est la vie avec la pensée. Et on constate aujourd'hui qu'il est courant de baptiser culturelles des activités où la pensée n'a aucune part. Des gestes élémentaires aux grandes créations de l'esprit, tout devient ainsi prétendument culturel. Pourquoi alors choisir la vraie culture, au lieu de s'abandonner aux délices de la consommation et de la publicité, ou à tous les automatismes enracinés dans l'histoire.
Certes, nul ne sort plus son revolver quand il entend le mot «culture». Mais, champions de la modernité ou apôtres de la différence, ils sont de plus en plus nombreux ceux qui, lorsqu'ils entendent le mot «pensée», sortent leur culture.
Une question simple est à l'origine de ce livre : comment en est-on arrivé là ?
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Le moment m'a semblé venu de faire le point et de retracer mon parcours sans faux-fuyant ni complaisance.
En choisissant, une fois n'est pas coutume, d'écrire à la première personne, il ne s'agit en aucune façon pour moi de rabattre la connaissance sur la confession et de défendre une vérité purement subjective. Je joue cartes sur table, je dis d'où je parle, mais je ne dis pas pour autant : à chacun sa vision des choses. Je ne me défausse pas, par une déclaration d'identité, de l'obligation de dire le présent, d'interroger le passé qui fait de nous ce que nous sommes et de mesurer mes propres dettes envers un legs intemporel qui s'évanouit chaque jour un peu plus sous nos yeux. De la nostalgie quelquefois, mais point de déploration : le vrai que je cherche encore et toujours est le vrai du réel ; l'élucidation de l'être et des événements reste, à mes yeux, prioritaire. En dépit de la fatigue et du découragement qui parfois m'assaille, je poursuis obstinément cette quête.
A. F.
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Alain Finkielkraut poursuit sa confrontation passionnante avec la modernité.
Sur les questions de l'identité nationale, de l'immigration et de la laïcité, de l'école, du style de vie, de l'inégalité des civilisations, des moeurs, il tient un discours qui tranche sur la bien-pensance ambiante mais qui ne peut être récupéré nulle part.
Aucune idole contemporaine, aucun mot d'ordre branché, aucune facilité de pensée ne lui en imposent ni ne masquent à ses yeux l'essentiel : le délitement de nos sociétés saisies par le vertige de la nouveauté et de la désidentification. Le tourbillonement contemporain et le jeunisme déchaîné n'ont pas grâce à ses yeux. Mais c'est tout de même dans le camp des modernes qu'il habite, la Cité qui est la sienne est issue des Lumières et non de la contre-Révolution. C'est en moderne qu'il parle aux modernes et leur dit : cessez de vous aveugler.
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En terrain miné
Elisabeth de Fontenay, Alain Finkielkraut
- Stock
- La Grise
- 13 Septembre 2017
- 9782234083424
« Cher Alain, Nous avons donc décidé d'échanger des lettres plutôt que de nous entretenir de vive voix. L'utilisation de ce vieil outil littéraire me semble prudente et bénéfique, bien que je me demande si elle n'est pas une dérobade. Malgré mon goût de l'affrontement, je redoutais en effet ta présence et ce que le tac au tac implique de violence. Autrement dit, je craignais de me heurter en temps réel sur du non négociable et de voir bientôt se lézarder une chère et ancienne amitié. » « Chère Élisabeth, Si je tirais sur tout ce qui bouge, tu aurais raison de vouloir m'en dissuader, et il me semble que je serais assez avisé pour suivre ton conseil. Mais je n'ai rien d'un tireur convulsif. Et lorsqu'il m'arrive de perdre mon sang-froid, c'est parce que je suis la cible favorite de ceux qui n'ont que le mot changement à la bouche et pour qui rien ne bouge. »
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Dans la ligne d'Un coeur intelligent, Alain Finkielkraut s'attache cette fois au thème de l'amour tel qu'il est traité dans quatre grands romans, de facture, d'époque et d'auteurs très variés :
Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves Ingmar Bergman, Les Meilleures Intentions Philip Roth, Professeur de désir Milan Kundera, L'insoutenable légèreté de l'être Comme il excelle à le faire, il donne à ceux qui n'ont pas lu le livre les clefs pour comprendre l'intrigue, en même temps qu'il éclaire le roman de sa vaste culture, littéraire et philosophique ; sous sa plume, les personnages de ces quatre romans deviennent des enjeux existentiels lestés de tout le poids qu'une lecture distraite, ou conventionnelle, laisse inaperçu.
Tout le monde a lu ou entendu parler de La Princesse de Clèves ou de L'insoutenable légèreté de l'être, mais personne n'avait su donner à ces livres l'écho qu'Alain Finkielkraut leur confère.
Encore une fois, il s'attache à montrer tout ce que peut la littérature, c'est-à-dire nous permettre une meilleure lecture de nos vies.
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« Le roi Salomon suppliait l'Éternel de lui accorder "un coeur intelligent".
Au sortir d'un siècle ravagé par les méfaits conjoints de l'efficacité technologique et de la ferveur idéologique, cette prière a gardé toute sa valeur.
Dieu cependant se tait. Il nous regarde peut-être, mais Il ne nous répond pas, Il ne sort pas de son quant-à-soi, Il n'intervient pas dans nos affaires. Il nous abandonne à nous-mêmes. Ce n'est ni à Lui ni à l'Histoire, délégitimée par un siècle d'horreurs commises en son nom, que nous pouvons adresser notre requête avec quelque chance de succès, c'est à la littérature. Sans elle, la grâce d'un coeur intelligent nous serait à jamais inaccessible. Et nous connaîtrions peut-être les lois de la vie, mais non sa jurisprudence. » Tel est le postulat d'Alain Finkielkraut. Pour s'interroger sur les rapports de l'homme avec ce qui l'entoure, il a choisi neuf livres : La Plaisanterie de Milan Kundera, Tout passe de Vassili Grossman, l' Histoire d'un Allemand de Sebastian Haffner, Le Premier Homme d'Albert Camus, La Tache de Philip Roth, Lord Jim de Joseph Conrad, les Carnets du sous-sol de Fédor Dostoïevski, Washington Square de Henry James, Le Festin de Babette de Karen Blixen.
Pour sa nouvelle grande oeuvre personnelle depuis L'Imparfait du présent (Gallimard, 2002), Alain Finkielkraut nous redit combien, par essence, la littérature est essentielle au déchiffrement des énigmes du monde. Combien elle demeure le meilleur rempart contre les idées reçues et les certitudes. Combien les écrivains et leurs oeuvres modifient nos existences, façonnent nos vies, réorganisent notre perception des êtres, des valeurs, du présent ou de l'avenir. -
Ce qui arrive aujourd'hui survient souvent comme une énigme : face à la violence d'événements qui montrent toujours un visage qu'on n'attend pas, on est tenté soit de s'accrocher au passé (à la moindre polémique, « C'est le retour des années trente ! »), soit de se projeter dans le futur par réflexe de table rase. De fait, rien n'est plus difficile que d'éprouver le présent, et de suivre l'exigence de Péguy : « Se mettre en avance, se mettre en retard, quelles inexactitudes. Être à l'heure, la seule exactitude. » Alain Finkielkraut relève le pari. Alliant rigueur de pensée et de formulation, il saisit les principaux moments politiques, sociaux, philosophiques et médiatiques qui ont marqué ces deux dernières années, s'appuie sur de grands penseurs (Arendt, Camus, Kundera, Alain), tire les enjeux, prend de la distance pour en donner une analyse juste.
Devant le choc que fut l'attentat de Charlie Hebdo, face à un esprit de pénitence nationale devenu obsessionnel, devant les excès du pouvoir mais aussi des contre-pouvoirs, face à une gauche qui se sait mortelle, ce livre révèle un souci : celui de contrebalancer par la pensée le déséquilibre permanent dans lequel nous pousse le présent.
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« Descartes non lu nous détermine que nous le voulions ou non », écrit Hans Jonas. Cette détermination est l'objet premier de mon enseignement. Ce n'est pas la philosophie, c'est leur philosophie que je m'efforce d'apprendre à mes élèves de l'École polytechnique.
À quoi Descartes nous détermine-t-il ? Hier encore, il était possible de répondre : à nous rendre méthodiquement, polytechniquement maîtres de toutes choses pour soulager le sort des hommes et rendre leur vie plus agréable.
Mais voici que les réalités nées de la philosophie de l'homme moderne s'ingénient à contredire les ambitions de cette philosophie, à transformer ses promesses en menaces, à fonctionner pour elles-mêmes. Il est devenu difficile d'opposer, sans autre forme de procès, les calculs de la raison aux ténèbres de la superstition car les processus que la raison déchaîne n'ont rien de raisonnable.
C'est ce paradoxe, c'est cette surprise philosophique réservée à la philosophie, c'est cet ébranlement de la modernité par elle-même que j'ai voulu inlassablement explorer et interroger dans les leçons qu'on va lire. Aux questions que l'intelligence pose de sa propre initiative, selon son projet ou ses plans, et auxquelles elle met le monde en demeure de répondre, j'ai donc préféré les questions que le monde pose et impose à une intelligence qui n'en peut mais et j'ai choisi pour maxime pédagogique cette confidence de l'immense professeur que fut aussi Michelet : « J'ai toujours eu l'attention de ne jamais enseigner que ce que je ne savais pas. J'avais trouvé ces choses comme elles étaient alors dans ma passion, nouvelles, animées, brûlantes, sous le premier attrait de l'amour. »
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Pour rendre la vie plus légère ; les livres, les femmes, les manières
Mona Ozouf, Alain Finkielkraut
- Stock
- 22 Janvier 2020
- 9782234088184
« Pourquoi la littérature ? Parce que la littérature nous pourvoit de dons que nous n'avons pas. Elle nous pourvoit immédiatement de l'ubiquité. Grâce à la littérature, nous vivons dans des pays, des villes où nous n'avons jamais posé le pied. Grâce à la littérature, nous pouvons reculer vers des époques révolues. Il y a une sorte d'immense liberté que donne la pratique des livres, et que nous n'avons pas. La démultiplication de l'existence dans la littérature est une chance précieuse. ».
Ce volume contient les principales émissions faites par Mona Ozouf à « Répliques », sous la direction d'Alain Finkielkraut : sur les femmes et la singularité de leur écriture ; sur les livres comme « patrie » ; sur la galanterie française ; sur la civilité ; sur le Panthéon ; sur la Révolution française ; sur Henry James ; sur George Eliot. Les partenaires avec lesquels elle dialogue ici sont Diane de Margerie, Claude Habib, Pierre Manent, Geneviève Brisac, Philippe Belaval, Philippe Raynaud, Patrice Gueniffey.
C'est tout un parcours intellectuel qui est ici dessiné, depuis ses travaux fondateurs sur la Révolution française jusqu'à ce qu'elle appelle ses « échappées belles » en littérature.
Mona Ozouf est une « figure aussi discrète que rayonnante de la scène intellectuelle française », comme l'écrit Jean Birnbaum dans Le Monde. À bonne distance de tous les enrôlements et de toutes les assignations identitaires, elle maintient inébranlable le souci d'une ligne originale.
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« Aujourd'hui, notre pitié ne s'arrête plus à l'humanité. Elle continue sur sa lancée. Elle repousse les frontières. Elle élargit le cercle du semblable. Quand un coin du voile est levé sur l'invivable existence des poules, des vaches ou des cochons dans les espaces concentrationnaires qui ont succédé aux fermes d'autrefois, l'imagination se met aussitôt à la place de ces bêtes et souffre avec elles.
L'homme moderne est tiraillé entre une ambition immense et une compassion sans limite. Il veut être le Seigneur de la Création et il découvre progressivement en lui la faculté de s'identifier à toutes les créatures. Ainsi s'explique l'irruption récente de la cause animale sur la scène politique.
La nouvelle sensibilité aux animaux aura-t-elle le pouvoir de changer la donne ou l'impératif de rentabilité continuera- t-il à faire la loi, en dépit de tous les cris du coeur ? » A. F.
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L'humanité perdue ; essai sur le XXe siècle
Alain Finkielkraut
- Le Seuil
- 3 Octobre 1996
- 9782020256230
Ce livre est, d'un bout à l'autre, hanté par les événements qui font du XXe siècle la plus terrible période de l'histoire des hommes.
Il ne se veut ni panorama, ni bilan, mais méditation obstinée et narration inédite de ce qui, depuis 1914, est advenu à l'humanité et plus précisément à cette idée d'humanité si difficilement conquise par les Temps modernes. Il cherche à comprendre pourquoi l'affirmation la plus radicale de l'unité du genre humain a pu, comme son désaveu le plus fanatique, produire un univers concentrationnaire. A la fois mortelle et meurtrière, l'idée d'humanité ne peut plus être maniée ni pensée innocemment.
Il nous faut la défendre et la concevoir autrement, veiller à ce qu'elle vive et faire en sorte qu'elle ne recommence pas à tuer.
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La discorde ; israël-palestine, les juifs, la france
Alain Finkielkraut, Rony Brauman, Elisabeth Lévy
- Mille et Une Nuits
- Essai Mille Et Une Nuits
- 25 Octobre 2006
- 9782842058128
On ne se parle plus, on s'invective. Depuis le début de la deuxièmeIntifada, en septembre 2000, le conflit israélo-palestinien etla question antisémite sont l'enjeu d'une véritable guerre civileintellectuelle. Sionistes contre pro-Palestiniens, dénonciateurs del'islamophobie contre contempteurs de la judéophobie : entre lesdeux camps, tous les ponts sont coupés. Aucune vérité ne peutémerger de la foire d'empoigne.
Emblématiques des positions qui s'affrontent, Rony Brauman etAlain Finkielkraut croisent parfois le fer dans l'espace médiatique,ils ne se parlent plus. Leur commune exigence de vérité lesconduira pourtant à accepter un pari difficile, renouer le fil d'undialogue authentique.
Au cours de leurs rencontres, entre septembre 2003 et août 2006,leur confrontation deviendra une conversation, tout en restant unediscorde. -
L'explication
Alain Badiou, Alain Finkielkraut, Aude Lancelin
- Nouvelles Lignes
- Lignes
- 22 Mai 2010
- 9782355260520
Les deux « adversaires » ici en présence témoignent, dans le débat d'idées, de deux visions irréconciliables. Tout, dans leurs prises de positions respectives, les sépare : Alain Badiou comme penseur d'un communisme renouvelé ; Alain Finkielkraut comme observateur désolé de la perte des valeurs. La conversation passionnée qui a résulté de leur face-à-face - organisé à l'initiative de Aude Lancelin - prend souvent la tournure très vive d'une « explication », aussi bien à propos du débat sur l'identité nationale, du judaïsme et d'Israël, de Mai 68, que du retour en grâce de l'idée du communisme. Mais le présent volume ne se réduit pas à la somme de leurs désaccords. Car ni l'un ni l'autre ne se satisfont, en définitive, de l'état de notre société ni de la direction que ses représentants politiques s'obstinent à lui faire prendre. Si leurs voix fortes et distinctes adoptent, un moment, une tonalité presque semblable, c'est sur ce seul point.
Ce face à face exceptionnel rend saillantes les principales lignes de fracture de la politique et de la pensée française, que le jeu politico-médiatique n'expose le plus souvent que pour les brouiller un peu plus. C'est ici le double sens du titre « L'Explication » : une vive conversation où s'opposent des points de vue éloignés ou irréconciliables, en même temps qu'un effort commun de clarification.
Alain Badiou et Alain Finkiekraut incarnent deux visions politiques et théoriques diamétralement opposées. Leurs rencontres, intervenues à l'invitation d'Aude Lancelin pour le Nouvel Observateur puis pour préparer le présent volume, portèrent en premier lieu sur la décision du gouvernement de faire une nouvelle fois de « l'identité nationale » un thème de campagne (décision portée par Éric Besson qui donna lieu, comme on le sait, à des rencontres organisées dans les préfectures à la fin de l'année 2009 et au début de l'année 2010). Au sujet de l'identité, Alain Finkielkraut appartient au camp de ceux qui considèrent que la France ferait face à une crise profonde, qui prendrait la forme, selon lui, d'une « exécration [...] de la France dans une fraction non négligeable des nouvelles populations françaises », ajoutant préventivement : « Il faut vivre à l'abri du réel pour considérer que cette francophobie militante est une réponse au racisme d'État ou à la stigmatisation de l'étranger. » Pour Alain Badiou c'est bien au contraire la captation par le gouvernement, d'un débat sur « l'identité nationale » qui inquiète. Il y voit l'application d'une politique injustifiable, nauséabonde, qui validerait la dénomination de « pétainisme transcendantal » utilisée par lui dans dès 2007 dans son ouvrage De Quoi Sarkozy est-il le nom ? pour qualifier la politique de Nicolas Sarkozy. Car, affirme-t-il aujourd'hui, « une discussion organisée par le gouvernement sur 'l'identité française' ne peut qu'être la recherche de critère administratifs sur 'qui est un bon Français qui ne l'est pas' ».
La suite de leur conversation met en évidence le fait que le référent identitaire, même lorsqu'il est éloigné de la question circonstancielle de ce fameux « débat national » (qui a depuis fait long feu) continue d'opposer vivement les deux adversaires. Cela, sur chacune des autres thématiques politiques abordées dans le volume : Mai 68 ; le judaïsme et Israël ; l'idée du communisme. La réflexion d'Alain Finkielkraut s'organise en effet autour de sa fidélité affichée à une appartenance singulière transmise par l'héritage culturel ou par l'École républicaine (une identité unifiée, fondée sur la perpétuation de référents traditionnels et le respect d'un certain nombre de symboles qui seraient aujourd'hui bafoués : le drapeau, l'hymne national, l'autorité professale, etc.). À cette conception qu'il juge « étriquée », Alain Badiou oppose la conception suivante : l'identité (en supposant que l'on en accepte la catégorie) doit, selon lui, être immédiatement transmissible de façon universelle, résultant d'un choix personnel et surtout : maintenue à l'écart de l'État. En substance, la politique doit pouvoir se satisfaire d'identités multiples, et s'organiser indépendamment des frontières nationales. Quand Alain Finkielkraut s'emploie à déplorer « la perte des choses » (et donc à souhaiter le retour à un ordre ancien), mais aussi à s'affliger de « la dévastation de la terre, [du] progrès de la laideur, [de] la destruction de la faculté d'attention, [de] la disparition du silence, [et de] l'entrée dans l'âge technique de la liquéfaction de tout », Alain Badiou avance quant à lui la conception d'un monde ouvert où le phénomène nouveau serait que le « la prolétarisation générale du monde s'est étendue au-delà de notre continent [.] alors que le monde est aujourd'hui partout aux mains d'oligarchies financières et médiatiques extrêmement étroites qui imposent un modèle rigide de développement, qui font cela au prix de crises et de guerres incessantes. » Dans ce monde-là, affirme-t-il, « considérer que, le problème c'est de savoir si les filles doivent ou non se mettre un foulard sur la tête, paraît proprement extravagant. »
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L'ingratitude : conversation sur notre temps avec Antoine Robitaille
Alain Finkielkraut
- Gallimard
- 22 Janvier 1999
- 9782070754786
«L'homme contemporain ne se pense plus comme un héritier. Il se veut délivré du donné ; il n'exerce sa vigilance qu'à l'encontre des vieux démons, et, quand il cède aux injonctions du devoir de mémoire, c'est pour constater la supériorité de la conscience actuelle sur un passé ténébreux tissé de préjugés, d'exclusions et de crimes. À délier ainsi l'être de l'héritage, est-on, comme le croit notre temps, plus lucide, plus ouvert et plus libre ? Voilà la question à laquelle s'efforce de répondre cette conversation silencieuse. La conversation a été menée, avec une ténacité inlassable, par mon ami québécois Antoine Robitaille. Le silence et la patience de l'écriture m'ont été nécessaires pour passer de la parole vive à la pensée vivante. Mais plus le silence est pur, et plus il est habité. Plus on rumine et plus on dialogue. Ce livre doit à toutes les conversations de l'amitié ses lieux - l'Europe centrale, Israël, le Québec, les États-Unis, la France -, ses thèmes - les petites nations, le destin des langues, la transmission, l'amour du monde, le multiculturalisme, la mort de l'admiration - et son sujet : l'art d'hériter ou ce qu'il en reste à l'âge ingrat de la démocratie radicale.» Alain Finkielkraut.
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Le passé parle au présent. Il s'adresse à nous. Il nous interpelle. Il réclame. Mais comment le présent doit-il répondre ? Comment être au rendez-vous ? Comment distinguer, dans l'obsession des années noires, la fidélité du simulacre et la vigilance de l'instrumentalisation ? Que faire, maintenant que la mémoire d'Auschwitz n'a plus d'ennemis déclarés, pour en soustraire l'exercice à ses amis désinvoltes ou inquiétants ? Que faire pour éviter à la fois la crispation et la manipulation ? Ceci, au moins : tendre l'oreille ; accueillir les voix venues de l'autre rive.
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Discours de réception d'Alain Finkielkraut à l'Académie française et réponse de Pierre Nora
Alain Finkielkraut, Pierre Nora
- Gallimard
- Blanche
- 26 Mai 2016
- 9782070196784
Suivis des allocutions prononcées à l'occasion de la remise de l'épée par Élisabeth de Fontenay et Amin Maalouf
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«Ne pas écrire un journal, ne pas tomber dans la chronique, ne pas tenir le registre de mes premiers mouvements, ne pas fixer chacune de mes impressions, ne pas thésauriser mes humeurs, mais déchiffrer comme l'énigme du Sphinx chaque interpellation par les circonstances. Remplacer l'éternelle question "Qu'est-ce que... ?" par l'inlassable question "Qu'est-ce qui se passe ?". Extraire le mémorable du flot de l'actualité. Tenir les détails en haute estime. Chercher la vérité dans ce qui apparaît et non derrière les apparences. Confronter sans relâche la fatalité des processus à l'imprévisibilité de la conjoncture. Renoncer, pour interroger les événements, au désir de surplomber une fois pour toutes, l'histoire... Voilà les principes que j'ai essayé de mettre en oeuvre tout au long de la première année de ce qu'il est convenu d'appeler le troisième millénaire.» Alain Finkielkraut.
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Le futur ne manque d'avenir
Philippe Meyer, Philippe Muray, Alain Finkielkraut
- Tricorne
- Repliques
- 4 Décembre 2001
- 9782829302244
Déréalisation générale, indistinction ; pourquoi voltaire plutôt que piron ? la fausse fraternité des fausses fêtes étend l'illusion à l'école.
L'homo festivus est un adolescent permanent et l'on est original tous ensemble. ainsi de l'art moderne. on réfléchit et l'on rit en lisant ce débat. le thème, c'est l'homme et la fête en 2000. on brade la tragédie et la fête (don juan de mozart) se déchaîne pour envahir le temps. puis, au son de la disco, tous se réconcilient. la norme, c'est la transgression. a partir de symptômes, les trois philosophes tirent un feu d'artifice tragi-comique sur notre société dérisoire.
On en sort ébahi, à la fois triste et avec des idées.
Depuis des années, j'écoutais l'émission " répliques " dans laquelle alain finkielkraut ne se contentait pas du rôle de modérateur, mais s'impliquait, apportant une troisième voix (voie) dans un débat où se retrouvaient - plutôt que ne s'affrontaient - deux invités.
Mais il n'est pas aisé de retrouver tel ou tel passage, telle citation, à partir de ses notes ou d'une cassette.
C'est ainsi que l'idée de l'écrit s'est imposée.
Ainsi, cette collection devrait faire le bonheur des esprits curieux, à l'écoute des questions de ce temps.
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Humanités & Sciences sociales Plutôt que de passer en revue les systèmes philosophiques de la modernité, j'ai voulu, dans ce cours, apporter l'éclairage d'un philosophe à chaque fois différent sur quelques unes des grandes questions anthropologiques de notre époque : le mal, l'égalité, la démocratie, l'inconscient, la technique, la guerre, l'éthique, l'histoire.
Le but de ce périple, qui va de Jean-Jacques Rousseau à Hannah Arendt en passant par Marx, Tocqueville, Nietzsche, Freud, Heidegger, Schmitt et Lévinas, n'est donc pas touristique, mais herméneutique. Il ne s'agit pas de visiter les monuments de l'intelligence ; il s'agit de découvrir ou de redécouvrir des penseurs essentiels pour comprendre le principe comme les passions du monde qu'ils ont pensé et pour tenter d'accéder ainsi à l'élucidation de nous-mêmes.
Ce livre est né d'un cours en 8 leçons prononcé au sein du département Humanités et sciences sociales de l'École Polytechnique par Alain Finkielkraut depuis 2003. -
Répliques Tome 4 ; l'interminable écriture de l'extermination
Alain Finkielkraut
- Stock
- Les Essais Stock
- 29 Septembre 2010
- 9782234061446
« Une civilisation qui oublie son passé est condamnée à le revivre. C'est forte de cette maxime, énoncée au début du xxe siècle par le philosophe américain George Santayana, que notre civilisation a instauré et institutionnalisé la mémoire de l'extermination des Juifs d'Europe. Mais voici que surgit, pour cette civilisation, un problème inattendu : non pas l'oubli du crime, mais l'oubli de tout le reste. Hitler hante notre actualité, et du passé désormais personne d'autre, ou presque, ne surnage. Aujourd'hui le malfaiteur suprême est en passe de siéger seul sur le trône de la mémoire.
Dans cette société de l'accusation perpétuelle et de l'expiation tapageuse qui arraisonne à tour de bras les fameuses heures les plus sombres de notre histoire, je me prends parfois à rêver d'une mémoire sans oriflamme ni destrier, d'une mémoire pédestre, modeste, discrète, silencieuse ou qui ne fasse pas d'autre bruit que les pages que l'on tourne dans le colloque singulier de la lecture.
Comment parler de la Shoah sans tout mélanger ni sacrifier les exigences du jour ? Quelles leçons tirer de cet événement proprement incroyable ? Comment penser le mal, la radicalité du mal, la banalité du mal, l'industrialisation du mal, sans abandonner au mal tout l'espace de l'immortalité ? Ces dialogues que voici sont nés de ces interrogations et de ce scrupule. » Alain Finkielkraut -